Nora El Hourch, scénariste et réalisatrice : « J’ai compris le pouvoir que peut avoir un film »

Publiée le 23 janv. 2025

Nora El Hourch, scénariste et réalisatrice : « J’ai compris le pouvoir que peut avoir un film »

Nora El Hourch

Nora El Hourch fait du cinéma pour éveiller les consciences. Elle sera le 22 mars au cinéma L’Étoile pour une projection-débat autour de son film HLM Pussy, qui explore la notion de consentement et les conséquences d’une agression sur l’amitié entre trois adolescentes.

À quel moment peut-on se réclamer d’un métier ? Pour Nora El Hourch, il ne suffit pas d’avoir écrit et réalisé un court métrage, multirécompensé, et d’avoir écrit et réalisé un long métrage, multidiffusé dans des festivals en France et à l’étranger, pour se dire scénariste et réalisatrice. « Un métier, c’est ce qui permet de bouffer et de payer le loyer, aujourd’hui je n’en vis pas du tout. Et je ne me sens pas forcément légitime, parce que je suis arrivée là par hasard, parce que je me suis fait un peu avoir financièrement… Quand je vais accompagner une des actrices de HLM Pussy au dîner des Nommés des César, ce sera évidemment en tant que scénariste et réalisatrice, mais quand je rencontre des gens, je leur dis que j’écris ! » rigole-t-elle.

« À chaque projection, de petites meufs me remerciaient d’avoir parlé de ça. »

N’empêche, en décembre dernier, elle a plaqué son boulot dans la restauration pour se consacrer à 100 % au cinéma. Un contrat pour un long métrage signé, deux autres en cours de négociation : 2025 s’annonce chargée pour celle qui a intégré ce milieu sans formation ni réseau il y a une dizaine d’années. « J’ai toujours écrit, quotidiennement, depuis que j’ai 6 ans. C’est viscéral, mais je ne voulais rien en faire. Et puis à 20 ans, j’ai été agressée et j’ai arrêté du jour au lendemain. Quelques années après, je me suis remise à écrire, sur ça. Ça m’a aidée. Je me suis dit que plein de femmes n’avaient pas cet exutoire et que je pourrais écrire un truc qui les aiderait aussi, en mettant des images sur les mots. » Alors elle rédige un scénario, en se faisant aider par une amie qui veut monter une boîte de production et en passant
plusieurs mois aux côtés de femmes victimes de violences ou de traumatismes hébergées par une association. « Je voulais raconter mon histoire à travers leur histoire, faire quelque chose de plus universel. » Tourné en trois jours, en « rackettant » les potes faute de financement du CNC (le Centre national du cinéma et de l’image animée), son court métrage Quelques secondes est remarqué à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2015 puis « fait le tour du monde ». « C’est là où j’ai compris le pouvoir que peut avoir un film : à chaque projection, de petites meufs me remerciaient d’avoir parlé de ça. »

Nora El Hourch planche ensuite sur un long métrage, toujours sur les violences sexuelles et sexistes. « Je ne me considère pas comme une féministe, mais je suis une femme à qui il est arrivé des galères comme à toutes les femmes et qui a envie d’en parler pour faire bouger les choses. » Un autre sujet s’impose pour la Franco-Marocaine : la double culture. « C’est censé être une richesse mais j’ai toujours eu l’impression de devoir choisir un camp, de ne pas pouvoir être les deux. Avant ce film, je me sentais plus blanche qu’arabe, mais dès la sortie de la bande-annonce et de l’affiche, j’ai reçu des milliers de messages de haine. Depuis, je suis beaucoup plus en phase avec cette culture, je l’aime et j’en suis fière. »

« Si je peux empêcher un drame, susciter une remise en question… c’est gagné ! »

Une fois encore, le film se fait très difficilement. « J’étais serveuse à côté, j’ai mis cinq six ans à l’écrire. Mon scénario est arrivé après #MeToo, on m’a dit qu’il y avait trop de films sur ce thème. Pour moi, il n’y en a jamais assez. On m’a aussi beaucoup demandé de le réécrire avec un “vrai” viol parce qu’un baiser forcé n’était pas assez fort. Mais une agression est une agression. » Budget dérisoire oblige, elle doit faire la préparation, le tournage et le montage en accéléré, rogner le nombre de décors, de figurant-e-s, de prises… « Ça a été la guerre, on a dû aller à l’essentiel », dit-elle sans se départir de son sourire. Sorti en 2024, HLM Pussy « a aidé beaucoup de personnes ». « Si je peux empêcher un drame, susciter une remise en question… c’est gagné ! » Pour partager ce pouvoir, elle anime des ateliers de découverte cinématographique avec l’association Cinémas 93, comme en juillet dernier à La Courneuve. « On initie des jeunes à tous les métiers et à la fin, ils réalisent un film collectif. Mon but, c’est de leur montrer que c’est possible, de planter des graines pour qu’ils puissent continuer s’ils en ont envie. » 

Texte : Olivia Moulin ; photo : Léa Desjours