Un 8 mars au tournant des luttes féministes

Publiée le 21 févr. 2024

Un 8 mars au tournant des luttes féministes

Droits des femmes

L’édition 2024 de la Journée internationale des droits des femmes se déroule cette année dans un contexte politique intense. Entre espoirs et regrets, le sujet de la lutte pour le droit des femmes a fait l’objet ces derniers mois de plusieurs projets législatifs et continue de remuer la société. 

Au moment d’écrire ces lignes, on évoque déjà un deuxième #MeToo. De fait, la lutte contre les violences faites aux femmes n’a jamais cessé de faire la Une de l’actualité depuis l’éclosion du mouvement en 2017. Mais le témoignage de l’actrice Judith Godrèche a tendu un miroir glaçant au cinéma français et à la société dans son ensemble. Dans le sillage de sa plainte, plusieurs actrices ont également témoigné contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon afin que de tels agissements cessent. Une lueur d’espoir s’est également allumée à l’Assemblée nationale au sujet de la constitutionnalisation du droit à l’IVG. Cette demande de longue date, portée par 81 % des Français-es d’après une étude IFOP, est à présent aux mains du Sénat. Loin d’appeler au relâchement, ce projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse rappelle l’échec d’un autre texte sur la définition du viol. La directive de l’Union européenne « sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique », qui a le pouvoir de contraindre ses États membres, ne comportera finalement pas de définition commune fondée sur l’absence de consentement. Dix pays, dont la France, ont fait barrage à cette initiative. Cette année encore, la colère sera le moteur du 8 mars.

Textes : Méline Escrihuela ; visuel : Justine Fournier

Un mois d’événements féministes

À l’occasion du 8 mars qui marque la Journée internationale des droits des femmes, la Ville propose plusieurs cycles autour des combats féministes qui font l’actualité en France. Du film Le Consentement, qui fut un phénomène TikTok auprès des jeunes, à la lutte contre l’invisibilisation des femmes dans le cinéma, le mois de mars abordera des sujets de société clés qui parleront à chacun-e.

  • Vendredi 8 mars : installation de l’exposition « Je suis la femme de ma vie », de Marion Poussier. Portraits d’habitantes à découvrir à l’hôtel de ville, puis dans toute la ville. La municipalité (re)baptise des rues et des équipements publics avec des noms de femmes qui ont fait l'histoire. Rendez-vous à l'hôtel de ville à 11h.
  • Vendredi 8 mars de 9h30 à 19h : journée contre l’invisibilisation des femmes artistes organisée par le Pôle supérieur d’enseignement artistique Aubervilliers-La Courneuve. Table-ronde et concerts toute la journée au cinéma L’Étoile. À partir de 20h : Projection du documentaire Sois belle et tais-toi !, de Delphine Seyrig. Tarif découverte : 3 euros.
  • Vendredi 8 mars de 9h30 à 22h au cinéma L’Étoile : à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le Pôle Sup’93 et le cinéma L’Étoile organisent une journée d’études artistiques sur la désinvisibilisation des compositrices. Au programme : ateliers réunissant musicologues, pédagogues et interprètes pour montrer le travail en collaboration mené par le Pôle Sup'93 et l'Université de Paris 8, des échanges et interventions, une table-ronde, une projection…  Renseignements : Charles ARDEN, Conseiller Pédagogique au Pôle Sup'93, conseiller.carden@polesup93.fr – 01 43 11 25 07.
  • 9 mars à partir de 13h : les associations Africa et Femmes solidaires 93 vous invitent à un après-midi en présence d’AnneJonquet, présidente de Femmes Solidaires 93, Rosalie Foucard, juriste au CIDFF 93, de Zahra Agsous de l’association Africa et de femmes qui luttent pour leurs droits. Local d’Africa, 1 rue Joliot-Curie. Un espace enfants/jeunes avec animations est prévu à partir de 13h30.
  • 10 mars à 16h : Femmes en jeux. Spectacle de théâtre proposé dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes par la compagnie Le petit théâtre permanent. L’événement sera suivi d’une discussion avec une journaliste et une sportive. Médiathèque Aimé-Césaire.
  • Mardi 12 mars à 18h30 : « Le patriarcat existe-t-il depuis toujours ? ». Conférence-débat de Marylène Patou-Mathis, directrice de recherche au CNRS, pour discuter de la place des femmes préhistoriques et des origines du patriarcat à la Maison de la citoyenneté James-Marson.
  • 16 mars à 16h : projection de Fais croquer de Yassine Qnia, dans le cadre de la programmation hors-les-murs du festival Regards satellites du cinéma l’Ecran de Saint-Denis. En présence du réalisateur. Médiathèque Aimé-Césaire. Tout public. (ANNULÉE !!)
  • Mardi 19 mars à 19h30 : projection de Annie Colère, de Blandine Lenoir. Film suivi d’un débat en présence de la réalisatrice et de Lucile Ruault, sociologue chargée de recherche au CNRS et chercheuse associée au Centre d’études et de recherches administratives, politique et sociales (Ceraps) au cinéma L’Étoile.
  • 20 mars à 15h : Femmes et sport. Projections de trois documentaires réalisés en Seine-Saint-Denis sur des filles et femmes sportives.
  • Médiathèque Aimé-Césaire. À partir de 11 ans.

  • 21 mars : 

  • Mardi 26 mars à 18h30 : « Interruption volontaire de grossesse (IVG) et pratiques abortives en France et dans le monde ». Table ronde en présence de la sociologue Lucile Ruault et de Marie-Cécile Naves, docteure en sciences politiques, à la Maison de la citoyenneté James-Marson. 
  • 27 mars : le square situé à l’angle des rues Marcel-Cachin et Chabrol deviendra officiellement le square Dorothy Johnson Vaughan, à 18h. Inauguration de l’escalier monumental situé près de la gare prendra le nom de Qiu Jin et la rue devant la Maison pour tous Cesaria-Evora celu de Simone Veil. Rendez-vous à 17h45 pour l’escalier et à 18h15 pour la rue devant la MPT.
  • Et tout le mois de mars : Cycle « Portraits de femmes d’ici et d’ailleurs » au cinéma L’Étoile.

 

 

La parole à Marylène Patou-Mathis

Directrice de recherche émérite au CNRS, Marylène Patou-Mathis a permis de changer notre regard sur les femmes de la préhistoire. Autrice de L’homme préhistorique est aussi une femme : Une histoire de l’invisibilité des femmes, paru en 2020, elle sera présente le 12 mars à la Maison de la citoyenneté James-Marson pour une conférence-débat sur les origines du patriarcat.

Regards : Comment en êtes-vous arrivée à travailler sur les femmes préhistoriques ?

Marylène Patou-Mathis : C’était comme tirer les fils d’une pelote. Le tout premier travail de ma carrière portait sur la racine des comportements actuels en Europe. À l’époque, la communauté scientifique avait une vision hiérarchisée des hommes préhistoriques : Sapiens était supérieur à l’homme de Néandertal. Je me suis rendu compte que cela reposait sur des présupposés qui venaient du XIXe siècle. C’est au XIXe siècle que l’on a classifié les hommes en races pour justifier l’esclavage. Pour les femmes, cette infériorité était tout aussi grave car elles étaient inexistantes dans l’histoire des « grands hommes ». On n’entend pas le « h » majuscule. Il faut arrêter avec ces sottises. Le masculin n’est pas neutre comme a pu le dire un certain président.

R : Vos travaux sont basés sur l’archéozoologie (l’étude des ossements). En quoi est-ce un outil féministe ?

M. P-M. : Pour les petites filles, cela peut leur montrer que nous pouvons faire tous les métiers. Les femmes préhistoriques n’étaient pas reléguées qu’à certaines activités comme la cueillette, qui est vue comme dévalorisante par rapport à la chasse. Nous avons des preuves qui montrent que ces femmes étaient robustes et participaient aux activités considérées comme viriles. Dans ces sociétés, il était question de compétences et d’apprentissage. Les femmes pouvaient devenir guerrières si elles le souhaitaient. Si l’on envisage un jour de construire une société sans système patriarcal, les sociétés préhistoriques, c’est le rêve. Il y avait des sociétés matrilinéaires un peu partout dans le monde, et cela marchait très bien. Cela veut dire que l’on peut changer de système. Rien n’est inscrit dans le marbre.

Replacer les femmes au cœur de la ville

« L’idée était de créer un portrait de la ville de La Courneuve au féminin », explique l’artiste derrière l’appareil, Marion Poussier. Pour le 8 mars, la municipalité et la photographe se sont alliées afin de rendre hommage aux habitantes de la ville. La série « Je suis la femme de ma vie » se compose d’une série de portraits de Courneuviennes qui sera inauguré au sein de l’enceinte de l’hôtel de ville le 8 mars prochain. « Certaines sont fonctionnaires, d’autres, boxeuses, mais nous n’avons pas souhaité les définir par leur travail. J’ai toujours eu du mal avec l’idée de mettre des gens dans des cases », appuie la photographe. « Nous n’avons fait aucune distinction sociale ou en fonction de l’âge », poursuit-elle. « Le seul point commun, c’est qu’il s’agit de femmes investies dans la ville. » Après l’hôtel de ville, « Je suis la femme de ma vie » s’en ira « jalonner les rues de La Courneuve » pendant plusieurs semaines. L’exposition s’inscrit dans une démarche globale de féminisation de l’espace public de la ville avec plusieurs lieux nommés en hommage à des femmes qui ont marqué l’Histoire.

Installation dans l’espace public de l’exposition « Je suis la femme de ma vie » de Marion Poussier, le 8 mars.