La RN186 est décorée par l’artiste londonienne Morag Myerscough à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques. Les arches et les totems colorés sont recouverts de mots, choisis en collaboration avec des Courneuvien-ne-s, cherchant à définir l’identité de la ville et à changer sa perception.
Les Jeux olympiques ont fait leur apparition à La Courneuve. Ces derniers jours, de vastes constructions multicolores ont été installées entre la place Claire-Lacombe et la place de l’Armistice. Deux arches, dont une de 8 mètres de haut, et plusieurs totems, oeuvres de l’artiste britannique Morag Myerscough, reprennent les tonalités des immeubles d’habitation qui surplombent le marché des Quatre-Routes.
Morag Myerscough, 60 ans, est à l’image de ses créations : vive et multicolore. De manière contre-intuitive, elle assure que « ce projet à La Courneuve était parfait pour moi, car je suis familière de ce genre d’environnement : je suis née et j’ai grandi dans le quartier de Holloway, dans le nord-est de Londres, qui lui ressemble beaucoup. Un grand axe routier, très réel, pas du tout embourgeoisé, qui n’est pas beau visuellement ».
Sa mère, artiste textile, et son père, musicien, avaient façonné dans ce quartier « vraiment tout gris et sans verdure » un monde familial de couleurs vives. « Depuis, je suis en mission pour apporter des couleurs dans la rue. Au quotidien, à travers mes habits, mais aussi par mon travail, puisque je cherche à créer des oeuvres positives et réjouissantes avec les communautés locales. »
À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques, nous voulions habiller la RN186
À La Courneuve, son installation s’étend bien au-delà du poumon historique de la ville, tout le long de l’avenue Jean-Jaurès jusqu’au bout de la rue la Convention. « À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques, nous voulions habiller la RN186, un espace utilitariste, fonctionnel et passant, qui coupe le territoire en deux », explique Mikaël Petitjean, le responsable de l’unité Développement culturel et patrimonial de la municipalité. « Nous avons retenu ce projet, car l’univers de Morag Myerscough en met plein la vue et casse ce parcours urbain. Son volume et ses couleurs correspondent au cosmopolitisme courneuvien, une ville-monde de cent nationalités pour quarante mille habitants. »
Elle se lance dans ce type de projets à l’occasion… des Jeux olympiques d’été 2012, organisés dans sa ville natale. « Avant qu’ils aient lieu, j’étais très négative et un peu hautaine, je ne voyais pas ce que les Jeux pourraient apporter à Londres et à ses habitants », reconnaît-elle derrière ses épaisses lunettes noires.
« Mais j’avais tort. Je me suis lancée dans la réalisation d’un pavillon temporaire qui s’est révélée enthousiasmante. Au-delà, l’événement et les visiteurs ont apporté une énergie très positive. Pendant les Jeux franciliens, il faudra utiliser cette énergie à laquelle les habitants pourront se connecter et faire le nécessaire pour qu’elle se maintienne dans la ville. »
Ce à quoi elle espère contribuer avec son « phare lumineux de positivité ».
Derrière ces mots, aucune volonté de « créer un projet artistique ultraconceptuel, même si ces couleurs se référeront pour beaucoup de gens à celles du drapeau de leur pays, qu’ils aiment souvent profondément. Ce sentiment peut être renforcé chez celles et ceux qui vivent à l’étranger, comme ils nous l’ont dit pendant les ateliers. C’est le symbole de leur connexion avec chez eux ».
”Les gens peuvent construire partout des communautés solides.”
La Londonienne a en effet découvert La Courneuve le 7 février à l’occasion d’une série d’ateliers avec de jeunes habitant-e-s, dont certain-e-s ont un ou des handicaps. « C’était une étape importante pour elle, précise Mikaël Petitjean. Elle est intéressée par la légitimité des gens à vivre dans un endroit, à suivre leur parcours, qu’elle reflète dans son oeuvre. Elle a ainsi repris certains de leurs mots et de leurs motifs. » Cette collaboration lui a permis de proposer « un cocktail délicat entre une oeuvre très visible dans l’espace public et la mise en avant d’expressions, de valeurs et de mots très cohérents par rapport à notre territoire. Il permettra de voir un aspect décalé de la ville, auquel nous ne sommes pas habitués. Il est surprenant, il interroge ».
La native d’Outre-Manche le confirme de sa voix chaleureuse : « Ils avaient tous des termes très généreux vis-à-vis de La Courneuve, car ils avaient pu y forger des amitiés, des connexions, trouver dans les magasins et les restaurants ces mille saveurs qu’ils aiment. Autant de facteurs qui leur ont permis d’éviter d’être isolés. Cela confirme une fois de plus qu’il ne faut pas juger un lieu sur son aspect hostile, car les gens peuvent construire partout des communautés solides. »
Le parcours de Morag Myerscough demeurera en place jusqu’en janvier 2025. « La route retournera alors à sa situation d’origine, mais vous pourrez revenir à vos souvenirs vifs et colorés lorsque vous le souhaiterez ! » sourit l’artiste.
Texte ; Tristan de Bourbon ; photo : Nicolas Vieira