L’installation de la collection d’objets agricoles et du fonds d’œuvres d’art dans les locaux soigneusement aménagés sous le centre culturel Jean-Houdremont se termine, après cinq ans d’un chantier exceptionnel.
Des châssis, des coffres, des bineuses à roue (pour le désherbage entre les rangs de culture), des vans petits et grands (des paniers pour le nettoyage des grains de céréales), des arrosoirs « demoiselle »… et les stars de cette collection patrimoniale : les cloches de potager, en verre, de toutes les tailles, des ustensiles à l’époque irremplaçables pour protéger les semis des coups de gel et autres aléas météorologiques. Les réserves aménagées dans les sous-sols du centre culturel Jean-Houdremont abritent aujourd’hui plus de deux mille de ces outils de maraîchage, qui racontent l’étonnante histoire de la plaine des Vertus. Considérée comme l’un des plus importants sites de production de légumes du pays à la fin du XIXe siècle, étendue de Stains à Bobigny sur des terres particulièrement fertiles, elle a nourri les Parisien-ne-s jusqu’aux années 1960, quand l’urbanisation du territoire a planté des immeubles à la place des patates, des choux, des oignons…
Du bric-à-brac aux réserves
Cette singulière collection revient de loin. Il a fallu plus de vingt ans pour sauvegarder, trier, mettre en valeur ce fonds collecté depuis les années 1980, époque où la municipalité de La Courneuve décide de sauvegarder le patrimoine rural du territoire. Un écomusée est ouvert au public rue de l’Abreuvoir, entre 1984 et la fin des années 1990. À sa fermeture, les collections sont stockées dans un immense hangar, la halle Hydromanutention. Une réflexion est engagée au début des années 2000 pour construire un nouveau projet, tandis qu’un vaste chantier d’inventaire est amorcé pour identifier et numéroter les objets conservés. La perspective de la démolition de la halle Hydromanutention contraint dès 2012 à amorcer un déménagement des collections qui, peu à peu, prennent la forme d’un bric-à-brac. Après plusieurs études préalables, ce dernier est mis en œuvre en 2019 en direction des sous-sols du centre culturel Jean-Houdremont. « Bien évidemment, cet espace ne pouvait pas accueillir la montagne d’objets dont certains moisissaient dans le hangar et ne pouvaient plus être conservés sans risque pour les collections et les personnes, raconte Mikaël Petitjean, responsable du développement culturel et patrimonial à la mairie. On estime qu’il y avait entre 25 000 et 35 000 pièces entassées, on ne sait pas. »
Objets de transmission
Arrivé à La Courneuve pour piloter ce projet ambitieux, Mikaël Petitjean n’est pas déçu : « On a mené un chantier un peu fou de documentation de chaque objet, de tri, d’inventaire, de nettoyage, de restauration, parfois au fil de véritables enquêtes policières et de plongées dans de vieux répertoires d’outils… On a trouvé des partenaires passionnés, sans qui cela n’aurait pas été possible : Fleur Foucher, une conservatrice-restauratrice spécialisée en conservation préventive, des techniciens des objets patrimoniaux, des étudiants de l’Institut national du patrimoine situé à Aubervilliers. Mais l’engagement des équipes municipales a lui aussi été déterminant : la direction des affaires culturelles, les services techniques, très impliqués dans l’aménagement des sous-sols, les services financiers, qui ont su chasser les subventions, les appels à projets de l’État sans lesquels on n’aurait pu mener à bien cette affaire. En tous cas, pas en cinq ans… »
Maintenant qu’elle est bien installée dans ses rayonnages, l’enjeu est de faire vivre cette collection, d’offrir cet héritage agricole au grand public, chacun-e avec les échos de sa propre histoire personnelle. Des pièces sont prêtées pour intégrer des expositions dans toute la France, des interventions se multiplient dans les écoles, où les élèves sont ébahis de pouvoir étudier de vrais objets et non pas des copies. Les collections artistiques et archéologiques, désormais réunies dans les réserves, bénéficient de cette dynamique. Et le moment de l’inauguration, couplé aux Journées européennes du patrimoine, les 21 et 22 septembre prochains, donnera aux habitant-e-s l’occasion de descendre avec précaution les escaliers de cette insoupçonnée banque de la mémoire.
Texte : Claude Rambaud ; photos : Léa Desjours