Latifa Benkada : « Porter la flamme, c’est la récompense de mon engagement »

Publiée le 27 juin 2024

Latifa Benkada : « Porter la flamme, c’est la récompense de mon engagement »

Latifa Benkada

Le sport a toujours fait partie de sa vie : les parties de base-ball dans la cité Jules-Châtenay à Pierrefitte où elle a grandi, les cours d’EPS qui l’ont menée en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), son poste d’éducatrice au sein de l’École municipale d’éducation physique et sportive (Emeps), son investissement à l’association PropuL’C… Jusqu’au mois de juillet prochain, où Latifa Benkada, 42 ans, sera l’une des relayeuses de la flamme olympique.

Lorsqu’on rencontre Latifa Benkada pour la première fois, on sent tout de suite qu’elle fait partie de ces personnes naturellement bienveillantes et solaires. Pour ne rien gâcher, elle est d’une impressionnante sociabilité. « C’est grâce à ma mère, dit-elle en plaisantant. Elle parle à tout le monde. À la maison, il y a toujours du monde. »

Elle se rappelle une jeunesse heureuse, une famille aimante qui s’est donné du mal pour l’éducation de ses enfants. « Ce n’était sans doute pas toujours facile pour mes parents, mais pour moi c’était la maison du bonheur. Je me souviens que mes cousins l’appelaient la “boîte d’allumettes”. C’était petit, c’est vrai, mais ça ne comptait pas ça. C’était la belle vie. »

Au collège, Latifa se rend compte qu’elle a des facilités en sport. Elle adore le handball, fait du rugby en club. En terminale, elle décroche un bac S, spécialité maths. « J’aimais bien l’école, mais beaucoup moins que le sport. » Son professeur d’EPS lui conseille de poursuivre dans cette voie. Elle l’écoute et entre en STAPS. « Ce que j’adore, c’est le fun autour du sport, la bonne ambiance, la motivation, l’entraide, la solidarité. Je ne suis pas une compétitrice, ce n’est pas du tout ça qui m’intéresse. »

"Enfanter et faire la popote, ce n’est pas ça être une femme aujourd’hui."
 

Elle devient finalement professeure des écoles, en élémentaire. Il y a deux ans, elle passe le Certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’école inclusive (Cappei) pour aider les enfants en grande difficulté scolaire. « On leur parle beaucoup. On essaie de définir le problème. Mon but n’est pas que l’enfant réussisse à conjuguer un verbe au présent : je cherche plutôt pourquoi il n’y arrive pas. »

Comprendre, accompagner et encourager, c’est ce qu’elle fait au quotidien depuis de nombreuses années, autant avec ses élèves à l’école, à l’Emeps ou au sein de l’association PropuL’C. Avec les quatre autres membres du bureau, elle s’efforce d’aller chercher les femmes et les jeunes filles qui ne s’autorisent pas la pratique sportive. « À l’adolescence, les filles arrêtent souvent le sport. Il y a toujours un tas d’excuses : c’est culturel, c’est religieux, il faut s’occuper de la maison… On essaie de casser tout ça. Enfanter et faire la popote, ce n’est pas ça être une femme aujourd’hui. On n’est plus à l’ère préhistorique. » Elle développe : « Le sport permet le dépassement de soi, l’acceptation de son corps. On prend la place qu’on souhaite avoir quel que soit son genre. C’est aussi le collectif, et être en bonne santé, physique et mentale ! »

Latifa sait que son équipe et elle mettront du temps à faire bouger les lignes. Peu importe. Elle continuera à passer des heures à La Courneuve, à réfléchir, organiser, s’interroger. Le sport et le milieu associatif sont plus qu’un hobby : un investissement quasiment constant. « Et ça me porte ! Je reviens d’un cancer du sein. J’ai été arrêtée pendant deux ans. Grâce à l’asso, je ne me sentais pas seule. Quand je pouvais, je continuais à gérer la boîte mail, j’avançais sur les projets. Les filles m’ont soutenue, venaient me chercher. Là je suis revenue encore plus déterminée qu’avant. Je n’ai jamais lâché. On abat énormément de travail. Ça ne se voit pas vraiment, mais ça vaut le coup. »

Son aventure olympique, elle en fera une victoire collective : « Quand on m’a proposé de porter la flamme olympique, je n’en revenais pas. Mais je me dis que c’est sans doute la récompense de toutes ces années d’engagement. Je représenterai fièrement tous les bénévoles, tous les travailleurs et travailleuses de l’ombre de la Seine-Saint-Denis le 26 juillet prochain. » 

Texte et vidéo : Isabelle Meurisse ; photo : Léa Desjours