Dix jours qui ébranlèrent La Courneuve

Publiée le 20 août 2024

Dix jours qui ébranlèrent La Courneuve

La libération de Paris, dont on fêtera en août les 80 ans, ne se limite pas à celle de la capitale proprement dite mais s’étend à la banlieue nord, le territoire courneuvien étant notamment, du 18 au 28 août 1944, du fait de sa proximité avec l’aéroport du Bourget, le théâtre de combats décisifs contre l’armée allemande. Des résistant-e-s de la ville s’y illustrèrent par des actions collectives comme individuelles. Récit.

La libération de Paris a été préparée avant tout dans et par la Résistance. Et les Courneuvien-ne-s en ont payé le prix, elles et eux qui résistaient dans les usines dès 1940. Depuis la mi-avril 1944, l’aéroport du Bourget et ses environs essuyaient les bombardements des Alliés en vue du débarquement en Normandie. L’un d’entre eux avait ainsi ciblé le dépôt d’essence allemand le 10 août, occasionnant 8 morts et des dommages dans 350 habitations, dont 123 avaient été entièrement détruites. Ce bombardement faisait suite à celui du 12 avril de la même année. Une partie de l’armée allemande s’était alors repliée sur l’aéroport d’Orly. Le 15 août, une attaque avait été lancée à Aubervilliers par la Résistance qui voulait récupérer un camion rempli de mitraillettes, afin de les destiner aux Forces françaises de l’intérieur (FFI). Ce combat dit des « Grandes Murailles » avait échoué et une dizaine de résistants avaient été arrêtés, dont trois Courneuviens : René Pastor, Georges Magnier et Max Florence. Un employé de la Ville, Marcel Escabas, avait aussi été fait prisonnier. Arrêtés et détenus au commissariat d’Aubervilliers, ceux-ci avaient été ensuite interrogés par les Allemands au fort de l’Est, puis exécutés.

Du 18 au 23 août

Mais la libération de Paris commence réellement le 18 août. À Paris, la Résistance est placée sous le commandement du colonel Henri Rol-Tanguy, militant communiste et responsable régional des FFI pour l’Île-de-France. Ce jour-là, l’annonce de l’avancée des troupes alliées déclenche une grève générale. Dans l’après-midi, Rol-Tanguy appose des affiches appelant les Parisien-ne-s à l’insurrection. D’abord épars le 19 août, les combats prennent de l’ampleur jusqu’au 22. La banlieue nord n’est pas en reste. Ainsi, en marge des événements de la capitale, des résistant-e-s y multiplient les embuscades. Dès le 19 août, l’hôtel de ville de La Courneuve est occupé par les FFI, une délégation prenant en charge l’administration municipale. Si la moitié de Paris est quant à elle libérée le 23, les résistant-e-s demeurent dans une situation difficile. Le général Leclerc donne alors l’ordre aux unités de reconnaissance de sa 2e division blindée de foncer sur Paris. Le général américain Gerow, le supérieur de Leclerc, dénonce une insubordination de la part de ce dernier. Mais le général Eisenhower finit par envoyer en renfort la 4e division d’infanterie du général Barton.

24 août

Bien que les Allemands disposent dans la capitale de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, la 2e DB du capitaine Dronne pénètre dans Paris par la porte d’Italie et la porte d’Orléans le 24 août. Les anciens républicains espagnols (la Nueve) sont les premiers à y entrer. Bien que des mines aient été disposées le 21 par les Allemands sur les ponts et monuments parisiens, le capitaine allemand Werner Ebernach ne reçoit pas l’ordre de destruction de la part du quartier général du gouverneur Choltitz. De son côté, la banlieue nord suit le mouvement de prise du pouvoir politique par la Résistance. Ainsi, Leclercq, ancien adjoint au maire de La Courneuve, conservé à ce poste par le gouvernement de Vichy, est désigné ce même 24 août président du Conseil cantonal de Libération. Mais peu après les événements, en septembre, la composition de ce même conseil sera contestée par Léonard, un résistant communiste, et un certain Terrible sera désigné comme président provisoire du CCL.

25 août

L’état-major allemand est fait prisonnier par les Français le 25 août, la capitulation étant signée à la gare Montparnasse ce même jour. De Gaulle se rend, lui, à l’hôtel de ville où il prononce son fameux discours à la population à 19 heures. Dans le même temps, les combats se poursuivent en banlieue nord, vers Le Bourget et la forêt de Montmorency, où la 47e division d’infanterie allemande, arrivée du Pas-de-Calais, cherche à ralentir la progression des Alliés. La Courneuve est menacée par une soixantaine de chars allemands en garnison à l’aéroport du Bourget. Ces derniers se dirigent vers La Courneuve à 21 heures en direction sud-ouest jusqu’à la ligne de Grande Ceinture, puis ils rebroussent chemin. Les Allemands incendient l’hôtel de ville et le cinéma du Bourget.

Ce jour-là, Robert Bigeard (dit Bobby), Arthur Dubois, Fernand Larvor, Raymond Remmen et Léon Duminy, résistants FFI courneuviens ou originaires de Saint-Denis et d’Aubervilliers, meurent tués par la Wehrmacht devant le cimetière de La Courneuve à l’occasion d’une patrouille de reconnaissance.

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La 2e division blindée française aux Six-Routes lors de son passage à La Courneuve le 26 août 1944.

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Le 26 août 1944, des soldats américains posent avec des Courneuviennes devant l’école Raymond-Poincaré, avenue de la République.

Du 26 au 28 août

Les Allemands sont de retour le 26 août au matin mais sont retenus par des FFI jusqu’à ce que la 2e DB intervienne, cette dernière obligeant les Allemands à un repli sur Dugny. Des chars et des fantassins allemands veulent détruire le pont, mais l’opération échoue car les explosifs ont été dérobés par les résistant-e-s. Le général Leclerc a formé un « sous-groupement » pour réduire les îlots de résistance vers Aubervilliers, Saint-Denis et Le Bourget. Ignorant la présence de renforts allemands, le FFI Jean-Marie Letemplier, 21 ans, militant CGT à La Courneuve, mais aussi Louis Fleury et Alfred Delmas subissent des tirs du côté du parc des sports en direction de Stains. Les deux premiers sont blessés et meurent à l’hôpital franco-musulman de Bobigny. Le même jour, un défilé de la victoire sur les Champs-Élysées est organisé. Mais dans la nuit du 26 août, la Luftwaffe contre-attaque dans le nord et l’est de Paris, se rapprochant de l’aéroport. Leclerc mobilise alors trois « sous-groupements » qui convergent, dont l’un transite par La Courneuve pour gagner Dugny. À 10h30, le premier arrive à l’église Saint-Lucien et remonte par le pont au croisement de la Nationale 2 et de la ligne de Grande Ceinture. L’ennemi finira par se replier. Le 28 août, les combats se concentreront alors le long de la Morée qui délimitait alors l’aéroport. La banlieue sera définitivement libérée, la guerre se poursuivant désormais du côté de l’Allemagne.

Textes : Nicolas Liébault ; photos : Archives municipales de La Courneuve

Sources :


• Benoît Pouvreau, « La Libération », in Hélène Caroux et Benoît Pouvreau (dir.), Patrimoines et paysages en Seine Saint-Denis, Les Productions du Effa, pp. 78-79.
• Joël Clesse et Sylvie Zaidman, La Résistance en Seine-Saint-Denis, 1940-1944, Syros, 477 pages.
• Jean-François Muracciole, La Libération de Paris, collection L’histoire, Paris, Tallandier, 2013.
• Dans ces pages, les photos d’archives personnelles de Monsieur Bost, conseiller municipal (1921-1944), versées par son fils aux Archives municipales.

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