Amina Sara Berairia : « Sans Fête le Mur, je pense que je n’aurais pas été là où je suis aujourd’hui »

Publiée le 10 janv. 2024

Amina Sara Berairia : « Sans Fête le Mur, je pense que je n’aurais pas été là où je suis aujourd’hui »

Amina Sara Berairia

Presov, Verlaine, Renoir… Amina Sara a toujours vécu à La Courneuve, entre le pire et le meilleur. Salariée engagée de l’association Fête le Mur après y avoir été bénévole, passionnée de tennis et jeune maman, elle entend bien continuer à vivre, travailler, choyer les siens et s’épanouir dans la ville où elle a tous ses repères.

Amina Sara est née à l’hôpital Delafontaine il y a vingt-huit ans. Ses parents vivent alors à Presov, puis déménagent à Verlaine en 2003. C’est l’année où elle commence à fréquenter l’association Fête le Mur. Elle y bénéficie de l’accompagnement à la scolarité, part avec d’autres jeunes en Espagne, aux États-Unis. « On est partis à Chicago. À Chicago ! On avait participé à un projet photos, TF1 a fait un reportage sur nous. C’était en octobre 2010, j’étais impressionnée, j’avais 15 ans. » Et, bien sûr, elle pratique le tennis. « Je n’ai jamais été très forte, mais j’avais cette niaque de ne jamais lâcher, peu importe le score, peu importe le classement de la fille en face, peu importe mon niveau, je n’étais pas quelqu’un qui tapait fort la balle, mais je remettais toutes les balles, c’est ce qui faisait craquer les adversaires… »

Elle montre la même pugnacité à l’école Robespierre, au collège Politzer, au lycée Jacques-Brel, reconnaissant néanmoins que « je n’étais pas la meilleure élève, scolairement parlant, j’étais trop bavarde ! Mais j’ai toujours été déléguée. J’aimais bien défendre mes camarades, même si des fois, on disait que je me faisais l’avocat du diable… »

Et puis d’un coup, sa vie, pleine de stabilité, chancelle.

« En mai 2014, j’ai perdu mon père. Je n’ai pas pu passer le bac en juin, je suis allée à la session de septembre. J’avais été acceptée en Staps* à Paris 13, mais malheureusement, mes résultats arrivaient trop tard. On m’a demandé de retenter ma chance l’année suivante. Mais l’année d’après, quand je suis revenue, on m’a dit que c’était priorité aux lycéens… »

La loi des séries est implacable. Quelques mois après son père, sa mère décède à son tour. « J’étais perdue. Sans Fête le Mur, je pense que je n’aurais pas été là où je suis aujourd’hui. »

Mohamed Assaoui, directeur de l’antenne courneuvienne de Fête le Mur, propose de l’embaucher à temps plein en « emploi d’avenir », un dispositif permettant à des jeunes de 16 à 25 ans d’accéder à une première expérience professionnelle. « J’ai tout de suite accepté. Je venais d’être majeure. Il s’agissait de donner des cours de tennis, d’aider au soutien scolaire, de faire les plannings. Je trouvais ça super cool : tout ce qu’on m’avait apporté, je pouvais à mon tour le redonner. »

« J’aimerais mettre en place un projet autour du livre, certains enfants ont du mal avec la lecture. »

Elle travaille pendant deux ans puis décide de concrétiser un autre projet qui lui est cher, devenir auxiliaire de puériculture. Fête le Mur finance la formation, qui coûte 7 000 euros. « Je n’aurais pas pu la financer moi-même, mais le soutien que j’ai reçu n’était pas que financier, il était aussi moral. »

Amina Sara finit sa formation, obtient son diplôme, travaille en crèche et à l’hôpital puis… s’arrête. Car son premier enfant est né, rappelant que la roue tourne, que même le malheur n’est pas éternel. « Mon mari jouait au foot, moi au tennis. C’est le sport qui nous a réunis. Il faudrait mettre plus de terrains de tennis et plus de terrains de foot pour que les gens puissent se rencontrer ! »

Un autre enfant vient rapidement agrandir la famille. Mohamed Assaoui annonce alors à Amina Sara qu’un poste s’est libéré au sein de l’association. Elle accepte de l’occuper, devient référente de l’animation et de l’accompagnement à la scolarité. Et se projette dans l’avenir. « J’aimerais mettre en place un projet autour du livre, certains enfants ont du mal avec la lecture. » Elle envisage de reprendre la compétition en espérant pouvoir rester à La Courneuve : dans l’attente d’un logement plus grand, elle craint qu’on ne lui en propose un en dehors de la commune. « Je ne veux pas quitter La Courneuve. C’est la ville où j’ai grandi, c’est là où je suis née, où j’ai rencontré mon mari, où mes enfants sont nés. C’est là où j’ai tous mes repères. » Côté voeux, elle en appelle à plus de bienveillance de par le monde et plus d’optimisme. Puis elle baisse la voix, jusqu’au murmure : « Je souhaite que mes enfants soient heureux, juste qu’ils soient heureux… »

Texte : Joëlle Cuvilliez ; photo : Léa Desjours

* Staps : Sciences et techniques des activités physiques et sportives.