Le gouvernement l’a annoncé le 10 décembre, il faudra désormais avoir 64 ans pour partir à la retraite. Regards revient sur la réforme et la contestation qu’elle suscite.
Francisco Garcia fait partie de l’équipe dirigeante de l’UNRPA, l’Union nationale des retraités et des personnes âgées. « Les retraités ont tout intérêt à se mobiliser en 2023 car l’augmentation des prix et l’inflation vont continuer, les réformes régressives organisent la liquidation rampante de la Sécurité sociale, la marchandisation de la santé, la destruction de la retraite par répartition, des services publics, le tout au détriment des besoins de la Nation, des actifs et des retraités, pour choyer les actionnaires du CAC 40 dont les dividendes atteignent des sommets ! » tonne-t-il.
L’annonce de la Première ministre, Élisabeth Borne, le 10 décembre, avive sa colère. Elle a déclaré qu’à compter du 1er septembre 2023, l’âge légal de départ à la retraite va être relevé d’un trimestre chaque année pour atteindre 64 ans en 2030. La durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera portée à quarante-trois années dès 2027, l’âge de la retraite à taux plein sans décote restant fixé à 67 ans.
En 2030, celles et ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans pourront continuer à partir à la retraite à 58 ans. Mais celles et ceux qui ont commencé entre 16 et 18 ans ne pourront partir qu’à 60 ans et celles et ceux qui ont commencé entre 18 et 20 ans à... 62 ans. Isabelle, pigiste dans la presse, s’étrangle : « Je viens de découvrir que je vais devoir travailler jusqu’à 67 ans si je veux avoir une retraite à taux plein. En 1991, quand je suis entrée sur le marché du travail après mes années de fac, j’avais en tête que trente-sept années et demie de cotisation suffiraient... »
Fermeture progressive des régimes spéciaux de retraite
Le report de l’âge légal et l’allongement de la durée de cotisation s’appliqueront aussi aux agent-e-s des trois fonctions publiques. Le mode de calcul des pensions des fonctionnaires reste inchangé (les six derniers mois sans prise en compte des primes). Innovation : les fonctionnaires qui le souhaitent pourront désormais travailler jusqu’à 70 ans (la limite d’âge actuelle est de 67 ans). Le gouvernement prévoit la fermeture progressive des régimes spéciaux de retraite (RATP, électriciens et gaziers, Banque de France...) pour les nouveaux et nouvelles embauché-e-s à partir de septembre 2023. Pour les salarié-e-s actuels des régimes spéciaux, la durée de cotisation va être allongée selon un calendrier qui sera négocié.
Élisabeth Borne l’a annoncé comme une mesure sociale importante : 1 200 euros vont être accordés aux plus bas salaires. Il importe cependant de nuancer l’information. Ce montant ne sera attribué que si tous les trimestres ont été cotisés. Cela exclut d’office une carrière en dents de scie, un arrêt de travail pour élever des enfants, des problèmes de santé importants... La Première ministre n’a pas précisé si les deux millions de retraité-e-s actuels ayant fait des carrières au salaire minimum seront concernés par ces 1 200 euros.
Pas de problèmes pour financer les retraites
Les arguments déployés pour la mise en place de la réforme pointent l’âge de la retraite dans les autres pays européens : 65 ans en Espagne, 66 en Irlande, 67 en Allemagne et en Italie, pour ne citer que ceux-là. Or, l’histoire montre que la durée du temps de travail a été divisée par deux au cours du siècle passé dans notre pays et qu’on a pourtant multiplié la production de la richesse par cinquante. La solution pour rester compétitif ne serait donc pas de travailler plus, mais de travailler tou-te-s, selon les syndicats qui réfutent aussi l’argument financier avancé par le gouvernement. En effet, le Conseil d’orientation des retraites (COR) l’assure : le système des retraites n’est pas en danger car le déficit qui s’annonce est faible et temporaire.
La réforme des retraites sera présentée au Conseil des ministres le 23 janvier et devrait être discutée à l’Assemblée nationale en février. Le débat parlementaire s’annonce houleux. Du côté des citoyen-ne-s, l’augmentation des petites pensions et la promesse d’une meilleure prise en compte de la pénibilité n’atténuent en rien une exaspération exacerbée par l’importante augmentation des prix des derniers mois. Un récent sondage de BFMTV révèle que près de deux tiers des Français-e-s sont hostiles à la réforme et que 60 % des personnes sondées approuvent la mobilisation du jeudi 19 janvier. Le bras de fer ne fait que commencer.
Textes : Joëlle Cuvilliez ; photos : Léa Desjours
Historique
En 1930, le premier régime de retraite est mis en place. Les assuré-e-s doivent justifier d’une durée de cotisation de trente ans pour toucher une retraite à taux plein.
Après guerre, les ordonnances de 1945 créent la Sécurité sociale, dont l’assurance vieillesse est l’une des branches. Celle-ci ne concerne que les salarié-e-s du privé. Le régime par répartition adopté prévoit que les cotisations versées par les actif-ve-s servent à payer les pensions des retraité-e-s. L’âge minimum pour toucher sa retraite est de 65 ans.
En 1949, les caisses de retraites des professions indépendantes sont créées et en 1956, le minimum vieillesse.
En 1971, avec la réforme Boulin, la retraite passe de 40 à 50 % des dix meilleures années.
En 1982, le gouvernement de gauche fixe l’âge de départ à la retraite à 60 ans et la durée de cotisation à trente-sept ans et demi.
En 1993, la réforme effectuée par Édouard Balladur pousse celle-ci à quarante ans.
En 2003, François Fillon aligne la durée de cotisation des fonctionnaires (trente-sept ans et demi) sur celle des travailleurs du privé (quarante ans).
La réforme de 2010 prévoit le recul progressif de l’âge légal de départ de 60 à 62 ans, celle de 2014 augmente le nombre de trimestres qui passe progressivement de 166 à 172 pour les assuré-e-s nés entre 1958 et 1972.
Dans son programme de campagne des présidentielles en 2017, le candidat Macron avait annoncé qu’il ne toucherait pas à l’âge légal de 62 ans...