Les journées portes ouvertes organisées par le Pôle Sup’93 pour présenter ses équipes et ses cours ont mis en lumière (et en sons) des enseignements originaux, des instruments étonnants et des musiques traditionnelles venues de La Réunion.
Alto, jazz et musiques improvisées, ateliers « écriture et orchestration », « répertoire et style », le discret site courneuvien du Pôle Sup’93, en retrait de l’avenue Gabriel-Péri, a surpris plus d’un mélomane lors de ses journées portes ouvertes, du 9 au 16 octobre. C’est dans une atmosphère à la fois studieuse et joyeuse que l’établissement d’enseignement supérieur artistique, qui fait partie des dix pôles nationaux accrédités par le ministère de la Culture, a permis aux curieux-euses de mesurer la diversité des pratiques instrumentales et vocales proposées et le niveau de ses étudiants-e-s instrumentistes et concertistes.
Un jam maloya
Il a également révélé sa capacité à sortir des sentiers battus. Au cours de la semaine, le saxhorn, instrument à vent de la famille des cuivres, peu connu des néophytes, a été mis à l’honneur, tout comme la musique traditionnelle de La Réunion, qui a fait l’objet d’une master class animée par Sami Pageaux Waro, durant quatre heures. Multi-instrumentiste, immense koraïste, ce musicien est également spécialiste des percussions du maloya (type de musique, chant et danse réunionnais) : il joue du kayamb (hochet en forme de radeau), du sati, du roulèr et aussi du zarb, une percussion traditionnelle de la musique persane. S’appuyant sur les connaissances des étudiant-e-s en jazz et musiques improvisées, il leur a proposé de monter un jam maloya. « On a joué un standard, un morceau connu de tous à La Réunion qui s’appelle Manger pour le cœur, réarrangé avec de l’harmonie plus moderne, de l’impro, des chorus, sur une base rythmique très réunionnaise », a-t-il expliqué. Cette « relecture » de la musique traditionnelle a été acceptée avec un enthousiasme qui est allé droit au cœur d’une visiteuse réunionnaise et de son père, venu tout spécialement de Chartres pour l’occasion.
Le soundpainting, un outil pédagogique extraordinaire
Une carte blanche, organisée par les étudiant-e-s, a clôturé cette semaine de présentation des enseignements au Pôle Sup’93. Camille, violoniste en deuxième année, faisait partie du quatuor qui a interprété le deuxième mouvement du Quatuor à cordes n° 12 « américain » de Dvorak. « On a joué deux fois par semaine depuis la rentrée pour préparer le concert. L’ambiance est super sympa, les profs sont à l’écoute, les rapports administration, élèves, profs se passent bien. Avec le quatuor, on va jouer dans un hôpital deux concerts de trente minutes, en partenariat avec l’association Tournesol… » a-t-elle précisé. Valentin, percussionniste de troisième année et étudiant en licence de musicologie, corrobore ses dires : « Je viens de province et, en arrivant ici, j’ai été surpris par la qualité des enseignements. J’aimerais travailler dans un orchestre symphonique et devenir professeur, je resterai l’an prochain pour passer mon diplôme d’État. »
Denis Guivarc’h, saxophoniste, professeur d’improvisation autour des musiques de jazz et d’écriture, a attesté de la motivation des étudiant-e-s. « Nous n’avons pas envie qu’ils ferment les portes. On teste des choses, ce n’est pas forcément ce qu’ils et elles pensent faire… Tout est prétexte pour travailler et avancer, pour aller vers d’autres horizons… »
Juste avant que ne débute la carte blanche, une performance de soundpainting a créé la surprise. Marika Lombardi, qui l’enseigne, a donné quelques précisions : « C’est une technique pour improviser en temps réel, elle fonctionne avec un langage de 1 500 signes. Il y a un chef et des musiciens, de jazz ou de classique, des chanteurs, des danseurs, des acteurs également et, avec ce groupe, on construit une composition en direct. C’est un outil pédagogique extraordinaire : il permet de travailler sur l’inhibition, dont nous sommes tous victimes, de prendre confiance dans le groupe et sur scène, de développer la curiosité. »
Le célèbre compositeur Jean-Philippe Rameau, auteur des Indes galantes, disait que « la vraie musique est le langage du cœur ». La semaine passée au Pôle Sup’ nous permet de le confirmer.
Textes : Joëlle Cuvilliez ; photos : Léa Desjours
Une école de création
Le Pôle Sup’93 n’est pas uniquement un lieu d’enseignement et d’apprentissage. Il organise des concerts, des cartes blanches, des master class animées par des intervenant-e-s prestigieux venus de l’extérieur, des marathons de musique de chambre et propose une programmation axée sur le jazz et la musique improvisée. Des sessions de musique d’ensemble permettent aux étudiant-e-s de faire l’expérience d’une production d’orchestre sous la direction d’un-e chef-fe professionnel. Durant cette saison 2023-2024, de nouveaux partenariats, engagés avec le cinéma L’Étoile, le conservatoire de Saint-Denis, l’Académie Fratellini, le centre culturel Jean-Houdremont, vont donner lieu à une série d’événements de haute volée.