Marie-George Buffet, députée honoraire de la 4e circonscription de Seine-Saint-Denis, ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports et secrétaire nationale du Parti communiste français (PCF) de 2001 à 2010, vient d’être élevée au rang de chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. Suppléante de la députée Soumya Bourouaha, elle a accepté de présider un comité sur l’éthique et la vie démocratique dans le sport. Retour sur son parcours.
« Tout allait bien et puis il y a eu la faillite du garage de mon père et son départ. Je sais ce qu’est une coupure d’eau et d’électricité. » Marie-George Buffet évoque avec retenue ces éléments marquants. Mais elle préfère insister sur l’importance de l’entraide familiale et de l’école pour sa fratrie : le frère devenu médecin, un autre cadre à Renault, ses soeurs bibliothécaires… « On peut être dans une situation difficile, si l’école vous ouvre les bras, il y a une rue à emprunter », résume-t-elle.
Sa mère part à Angers avec ses enfants les plus jeunes, dont Marie-George qui y effectue sa première et sa terminale. « C’était Mai 68 et j’ai mis en grève ma classe de philo », se rappelle-t-elle. Le bac en poche, elle s’inscrit à la faculté parisienne de Censier (Paris 3) en histoire-géographie
et loge en cité U à Fontenay-aux-Roses, avec une bourse et un travail de surveillante. « Je faisais aussi des soirées à la Samaritaine, mais on ne connaissait pas la faim, contrairement à beaucoup d’étudiants maintenant. » Deux combats la mobilisent : la justice sociale et la paix au Vietnam. Du militantisme à l’université, elle ne garde pas un très bon souvenir. « Souvent, lorsque les étudiants communistes voulaient tenir une initiative, c’était difficile. » Elle milite dans sa cellule locale du PCF et à la résidence universitaire. Cette expérience lui apprend la démocratie : « Pour lutter contre la hausse des loyers en cité U, on organisait des assemblées, on récoltait l’argent des loyers pour que les filles ne s’endettent pas. » Puis elle gagne la cité U pour couples de Bagneux avec son mari Jean-Pierre. Elle devient présidente de la Fédération des étudiants en résidence universitaire de France.
« Il faut accompagner les gens pour qu’ils prennent la parole. »
Marie-George Buffet témoigne avoir rencontré des femmes extraordinaires comme Blanche, sa première secrétaire de cellule, ou Nguyen Thi Dinh, grande femme de la libération du Vietnam. Elle a surtout comme repères des femmes engagées au quotidien. À la fin des années 1970, grâce notamment à Gisèle Moreau, les militantes communistes entrent dans les collectifs féministes. Pour elle, cette question reste d’actualité. Et d’évoquer son intervention récente dans un lycée où un garçon lui a rétorqué : « Le masculin a toujours prédominé dans la langue française… » Un autre a justifié la notion de sports masculins et de sports féminins.
Le sport justement… « J’étais rentrée chez moi et je reçois un coup de fil : dans les discussions entre partis de gauche, on a besoin d’une femme ministre », raconte-t-elle. C’était en juin 1997 et Marie-George Buffet allait devenir ministre de la Jeunesse et des Sports. « D’emblée je me suis entourée de personnes des fédérations et de politiques, d’où un cabinet tout de suite efficient. » Développement de la pratique avec une loi-cadre, encadrement du sport professionnel, lutte contre la marchandisation, pour l’intégrité des athlètes et soutien aux bénévoles… Parmi les réalisations, elle cite notamment la création de l’Agence mondiale antidopage.
Marie-George Buffet est attachée aux communes populaires. Et d’ajouter : « Y a-t-il beaucoup de lieux avec une telle richesse, où souvent les parents et grands-parents sont venus d’ailleurs ? » Adjointe à Châtenay-Malabry de 1977 à 1983 et élue municipale au Blanc-Mesnil depuis 2001, elle se rend compte « qu’il faut accompagner les gens pour qu’ils prennent la parole, notamment concernant les violences faites aux femmes ». « Être élue, c’est s’enrichir de ces contacts individuels, mener l’action collective pour répondre aux problèmes, mais c’est aussi porter les aspirations populaires à l’Assemblée nationale pour que, par la loi, elles deviennent des droits effectifs », témoigne-t-elle après vingt ans de mandat parlementaire.
Aujourd’hui, elle dit vouloir « oeuvrer à ce que partout une femme puisse se mettre en short, en maillot à la piscine ». Elle a créé l’association Femmes ici et là-bas, grâce à laquelle des handballeuses de l’équipe afghane ont été accueillies en France, dont une famille à La Courneuve. Mais « ici aussi, il faut agir sur les mentalités pour que les filles puissent pratiquer le sport de leur choix ». Militante communiste, Marie-George Buffet continue à agir dans sa ville. « Il faut changer ce système basé sur l’exploitation pour une pleine émancipation des femmes et des hommes, et pour la paix », insiste celle qui a été candidate à l’élection présidentielle de 2007. Et de conseiller aux jeunes : « C’est en vous engageant que vous vous donnerez de la liberté ! »
Texte : Nicolas Liébault ; photo : Jeanne Frank