La culture rime avec la nourriture

Publiée le 3 juil. 2023

La culture rime avec la nourriture

Arcimboldo

Les élèves Ulis et NSA du collège Georges-Politzer ont pu se familiariser avec les fruits et légumes dans le cadre d’ateliers d’art et de cuisine. Le projet « Au fil des saisons, mangeons sainement » a été l’occasion de sensibiliser les collégien-ne-s sur l’importance d’une alimentation équilibrée et de balayer plusieurs questions de société.

Quand Top chef et le musée du Louvre s’invitent au collège… En ce début du mois de juin, les calculatrices et manuels d’histoire font place aux fruits et légumes de saison. Radis, fraise et coriandre ne savent pas encore à quelle sauce ils seront mangés. Le collège Georges-Politzer s’apprête, en effet, à clôturer son cycle « Au fil des saisons, mangeons sainement ».

Pendant plusieurs mois, une trentaine d’élèves scolarisés en unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) et NSA (non ou peu scolarisés antérieurement) ont appris à reconnaître les fruits et légumes de saison via des ateliers d’art menés par une plasticienne et des cours de cuisine animés par l’association. Dans ma petite cuisine. Pour cette ultime journée, Élisa, Karim et les autres doivent confectionner un portrait végétal à la manière du peintre italien Giuseppe Arcimboldo. Elles et ils passeront ensuite aux fourneaux. « Dans mon métier, je travaille sur la typologie. L’idée était de procéder de la même manière, mais avec les fruits et légumes », expose Bastien Coquart, professeur documentaliste au collège. L’idée du projet naît en grande pompe à la suite d’une visite au Louvre dans le cadre du dispositif « Une saison avec le Louvre » auquel les médiathèques John-Lennon et Aimé-Césaire ont également participé. « Il y avait un effet “waouh”. Pour certains élèves, c’était la première fois qu’ils découvraient Paris », se remémore Sekou Sissoko, professeur des écoles spécialisé, en charge des élèves Ulis.

Plus qu’un simple cours de cuisine

Plusieurs mois plus tard, l’aventure continue. Armés de cagettes, les élèves se saisissent des fruits et légumes pour confectionner leurs oeuvres façon Arcimboldo. « J’ai été impressionnée par leur enthousiasme. J’avais à peine besoin de leur demander de peaufiner », assure Béatrice Douillet, artiste plasticienne. À l’issue de l’atelier d’art, les oeuvres des élèves sont prises en photo. Elles seront exposées dans le réfectoire du collège. « L’objectif est de montrer aux enfants qu’ils peuvent faire des choses gratifiantes avec ce qu’ils ont déjà en eux », sourit l’artiste.

Développer leur créativité n’est pas le seul enseignement au programme. « On essaie de leur inculquer les notions de saisonnalité, la versatilité des fruits et légumes, la dextérité pour la découpe. Et le plaisir de cuisiner, tout simplement », confient de concert Cécile Peyre et Emma Jollivet de l’association Dans ma petite cuisine qui propose des ateliers de cuisine à destination des enfants.

Au menu du jour : salade panzanella, faite de crudités et de pain rassis, et boulettes de riz façon maki. « Les élèves sont plus à même de cuisiner puisqu’ils ont eu le temps de s’approprier les produits au cours de l’atelier d’art », constate Emma Jollivet. Si des collégien-ne-s, comme Cécile et Ayan, mettent la main à la pâte avec entrain, d’autres s’approchent du plan de cuisine avec un peu de méfiance. « Au début de l’atelier, ce qui revenait souvent, c’est que les garçons ne cuisinent pas », admet Sekou Sissoko. « Certains avaient des préjugés », abonde Bastien Coquart. « Le projet a déconstruit plein de choses », remarque-t-il. Et sûrement plus qu’il ne le pense. « Ces cours peuvent faire naître l’intuition de devenir cuisinier », espère Nasser Badaoui, chef cuisinier au collège, passant en coup de vent pour encourager les élèves. « C’est comme cela que j’ai commencé mon métier. On m’a fait comprendre que la cuisine était quelque chose de cool », lance-t-il.

« Vous allez apprendre de vraies valeurs aujourd’hui ! » s’enthousiasme le chef. Logique anti-gaspi, produits locaux et cuisine végétale : « S’alimenter en 2023, c’est un enjeu de société. Faire ce qu’on fait là, pour moi, c’est fondamental », rappelle Bastien Coquart. En 2017, le ministère de l’Agriculture constatait déjà que les enfants issus des classes populaires mangeaient moins de légumes que celles et ceux des classes plus aisées. Les élèves Ulis, atteints de troubles cognitifs, et les élèves NSA, allophones, auront dans tous les cas appris une chose : la confiance en soi. « On est vraiment des chefs aujourd’hui », résume Cécile.

Texte : Méline Escrihuela ; photos : Léa Desjours

Arcimboldo

La nature sacrée

Le peintre Giuseppe Arcimboldo est un artiste italien né en 1526. Ses portraits végétaux constituent l’une des oeuvres les plus représentatives du maniérisme. Exagération et anticonformiste définissent ce mouvement artistique apparu en Italie vers 1520. Mais c’est plus au nord que son cycle des saisons a été conçu. Portraitiste de l’empereur Maximilien II de Habsbourg qui régnait à Vienne (Autriche), Arcimboldo réalisa ces peintures à sa demande. L’Hiver, Le Printemps, L’Été et L’Automne plurent tant au souverain que le peintre en réalisa d’autres ! Si le modèle original se trouve à Vienne, les oeuvres exposées au Louvre sont réalisées sur toile et non sur bois et comprennent une bordure florale. Ces portraits végétaux symbolisent la puissance de l’empereur tout comme celle de la nature.

Arcimboldo