Sur le site de KDI, une partie des anciennes halles et de l’immense dalle de béton au sol a déjà disparu du paysage pour laisser la place, bientôt, au nouveau centre-ville. Zoom sur un chantier aussi vertueux que gigantesque.
Un drôle de ballet se joue sur l’emprise de l’ancienne usine KDI ce lundi 3 avril, sous un soleil éblouissant. Pelleteuses, brise-roche hydraulique (une sorte de marteau-piqueur géant), chargeur, concasseurs : de gros engins de chantier arrachent, cassent, transportent et grignotent le dallage en béton. Les bâtiments ont déjà été détruits, avec une pelle à long bras. C’est la phase finale de la première étape des travaux, engagée en septembre dernier. Ici, pas de démolition spectaculaire à l’explosif, mais une « déconstruction sélective » : il s’agit de limiter et de valoriser les déchets au maximum. Un enjeu de taille quand on sait que le secteur du bâtiment génère quelque 46 millions de tonnes de déchets chaque année en France, soit bien plus que les ménages, qui en produisent environ 30 millions.
Un diagnostic ressources / déchets
L’aménagement de la ZAC (Zone d’aménagement concerté) du quartier de la mairie, piloté par la société publique locale (SPL) Plaine Commune Développement, s’inscrit ainsi dans la charte « Économie circulaire » et dans le projet « Métabolisme urbain » de Plaine Commune. Les objectifs ? Réduire les matériaux, l’énergie et les marchandises qui entrent ou sortent du territoire, en considérant les déchets comme des ressources à valoriser localement, sur les nombreux chantiers de construction et de réhabilitation, et en soutenant les filières économiques capables de leur donner une seconde vie. Avant le lancement des travaux sur la friche industrielle, la SPL a fait réaliser un diagnostic ressources / déchets pour voir quels éléments et matériaux pourraient être réemployés, c’est-à-dire utilisés de nouveau sans changement de leur usage initial (une porte reste une porte) ; ou réutilisés, c’est-à-dire utilisés en détournant éventuellement leur usage initial (une porte peut devenir une fenêtre) ; ou recyclés, c’est-à-dire qu’après retraitement, la matière première est utilisée pour fabriquer de nouveaux produits (une porte est transformée en panneaux de bois aggloméré).
L’association d’insertion professionnelle RéaVie, installée sur le site au sein de la plateforme de réemploi Solid-R, a ensuite soigneusement démonté, nettoyé, réparé et reconditionné le mobilier et les éléments de second œuvre non structurels et non dangereux (luminaires, sanitaires, dalles de plafond...) susceptibles d’être revendus à des entreprises du BTP et à des particuliers, ou bien d’être recyclés. L’entreprise mandataire des travaux Étude Conseil Démolition (ECD) et l’entreprise cotraitante Démolition William Perreault se sont quant à elles occupées de déposer les matériaux contaminés (par de l’amiante ou du plomb) et les éléments structurels.
Diminuer la circulation des camions et donc les émissions de gaz à effet de serre
Une partie de ces éléments (moellons en pierre calcaire, éléments de charpente métalliques...) a été orientée en réemploi. Plusieurs tonnes de briques pleines seront aussi réemployées dans les futurs espaces publics du quartier de la mairie. Et 15 500 tonnes de béton seront utilisées en sous-couche des futures voiries, après concassage et criblage. En attendant, les granulats de béton sont stockés sur place. Cette démarche permet aussi de diminuer la circulation des camions et donc les émissions de gaz à effet de serre. 2 000 autres tonnes de béton cherchent encore preneur. Par ailleurs, les promoteurs seront soumis à l’obligation de consacrer au minimum 1 % de leur budget à l’achat de matériaux de réemploi. La seconde vie sera définitivement au cœur du nouveau centre-ville.
Textes : Olivia Moulin ; photos : Léa Desjours
Les visages du chantier
Stéphane Le Coq, chef de chantier de l’atelier concassage pour Tersen.
« Je suis arrivé aujourd’hui, je suis là pour recycler les gros blocs de béton. On suit la démolition, on ne peut pas les casser et les concasser avant ! Les concasseurs permettent de séparer la ferraille, qui va partir au recyclage, et de réduire le calibre des granulats de béton. Le béton recyclé peut ensuite servir à faire des routes, des parkings, des trottoirs... »
Carlos Boinhas, pelleur pour Démolition William Perreault.
« J’ai commencé à travailler dans les machines à 15 ans, au Portugal. Les engins ont bien changé depuis ! C’est plus malléable, plus stable. Et la pelle que je conduis actuellement est toute neuve. Je suis sur ce chantier depuis deux-trois mois. C’est un chantier normal, mais comme ce sont de vieux hangars, on a des surprises sous les fondations, comme du mâchefer. »
Mathieu Hain, chef d’équipe et conducteur d’engins à ECD.
« Mon travail, c’est de gérer le planning, de pointer les machines, les personnels et les camions. Et je conduis des pelles, des chargeurs et des chariots élévateurs. Je fais souvent les deux métiers. J’ai travaillé sur ce site jusqu’à fin décembre et je suis revenu ce matin seulement. Ça a changé ! »
Gaby Metellus, manutentionnaire.
« Je suis employé ici en intérim, c’est par la Ville que j’ai trouvé ce boulot. Je trie manuellement les déchets, je mets les câbles électriques à part, le plastique à part, le bois à part et je ramasse la ferraille pour la mettre dans les godets des pelles. J’ai toujours travaillé dans le bâtiment, j’ai été ferrailleur, j’aime bien ça mais là, j’aimerais faire une formation de conducteur d’engins, c’est mieux, c’est la machine qui porte ! »
Patrice Barbier, chef de chantier et conducteur d’engins pour Étude Conseil Démolition (ECD).
« Le nombre de personnes nécessaires sur le chantier varie : elles étaient une douzaine pour les travaux de curage et de désamiantage des bâtiments. On embauche les manutentionnaires à la semaine, voire plus. Je suis l’avancée des travaux et je m’occupe de la sécurité : j’ai la formation sauveteur secouriste du travail. »
Émilien Dadou, directeur d’exploitation au sein d’ECD.
« Je gère la logistique, le matériel et le personnel en fonction des besoins. La différence avec le chef de chantier, c’est que je m’occupe de ça à l’échelle de toute la société. J’interviens actuellement sur cinq sites en même temps. Sur ce chantier, on a trouvé plus d’infrastructures dans le sol que ce qu’on imaginait, on ne peut jamais prévoir ce qu’il va y avoir en dessous. »
Le calendrier du chantier
- Septembre 2022 : début de la déconstruction sélective de la partie est du site de KDI
- Fin avril 2023 : fin des travaux de déconstruction sélective de cette partie
- Automne 2023 : démarrage des travaux de dépollution des sols au niveau des espaces publics du futur centre-ville
- Début 2024 : démarrage des travaux de VRD (Voiries et réseaux divers) pour ces espaces publics
- 2024 : - démarrage des travaux de construction de logements ; - démarrage des travaux de déconstruction sélective de la partie ouest du site de KDI. Un seul bâtiment sera conservé, au 66, boulevard Pasteur.
- 2026 : livraison du nouveau groupe scolaire
- 2030 : livraison de l’ensemble du nouveau quartier