Dominique Trochet : « La musique, je préfère la pratiquer plutôt que la théoriser »

Publiée le 28 avr. 2023

Dominique Trochet : « La musique, je préfère la pratiquer plutôt que la théoriser »

Dominique

Formé au CRR 93 et au Pôle Sup’93, le violoncelliste de 28 ans aspire à devenir musicien professionnel et cultive une vision sans concession de la musique.

Il n’a pas choisi le violoncelle, mais il en a fait un choix. C’est à 4 ans que Dominique Trochet commence à apprendre l’instrument, poussé par ses parents, qui jouent de la musique en amateur, de l’orgue et du piano pour lui et de la flûte et du piano pour elle. Pourquoi le violoncelle ? « Je ne sais pas, ils m’ont donné des raisons contradictoires », sourit-il. Comme la plupart des conservatoires ne sont ouverts qu’aux élèves plus âgés, il apprend avec la « méthode Suzuki », du nom du violoniste et professeur japonais Shinichi Suzuki. Une méthode ludique à base d’observation et de mimétisme, adaptée aux très jeunes enfants. Le garçon, qui vit à Nanterre, suit donc un cours particulier et un cours de groupe à l’Institut musical Suzuki de Paris pendant quinze ans. « C’était très bien, on se faisait des potes et on se formait l’oreille en jouant avec d’autres. »

Malgré la place qu’elle occupe dans sa vie, la musique n’est pas son premier plan de carrière. Dominique Trochet songe d’abord à suivre les traces de son père, économiste, et s’inscrit en licence à la Sorbonne. « J’étais et je suis toujours de gauche, je voulais étudier l’ennemi de l’intérieur. Je posais des questions marxistes en cours, je m’amusais bien ! » Mais il n’accroche ni avec le lieu, le campus délabré de Tolbiac qui accueille les étudiant-e-s en économie, ni avec ses camarades de promotion. Il décide alors de changer de cursus. « Je me suis orienté vers la musique, c’était un peu une solution de facilité vu que ça faisait longtemps que j’en faisais. Mais autant faire un truc pour lequel on est doué. Et maintenant, j’aime bien le violoncelle. » Ça ne l’empêche pas de continuer à «creuser le monde tel qu’il est », en épluchant par exemple l’ouvrage sur la répartition genrée et sociale des instruments Au cœur de l’orchestre.

 

« Je ne suis pas là pour me vendre. »

Déjà titulaire d’un certificat d’études musicales, il intègre en 2015 le Conservatoire à rayonnement régional Aubervilliers-La Courneuve Jack-Ralite (CRR 93) pour décrocher un diplôme d’études musicales. « C’est l’équivalent du bac en musique. » Objectif réussi en 2017. Il tente ensuite les concours des pôles d’enseignement supérieurs, qui permettent de préparer conjointement en trois ans un diplôme national supérieur professionnel de musicien et une licence « Arts, mention Musicologie ». Objectif réussi en 2019, au Pôle Sup’93. Cette fois, l’ambiance lui plaît. Il valide tous les enseignements du pôle sans problème, mais il doit encore valider ceux de l’université Paris-8.

« La musique, je préfère la pratiquer plutôt que la théoriser. »

« Ça me demande du temps, de la concentration et de l’énergie que je ne peux pas consacrer à la pratique instrumentale. La musique, je préfère la pratiquer plutôt que la théoriser. » Féru de musique contemporaine, pas spécialement populaire, il préfère aussi en jouer plutôt que l’expliquer. « Ça ne sert à rien d’essayer d’attirer du public qui, de toute façon, ne va pas apprécier. Je le sais, j’ai déjà fait écouter du Messiaen à des gens qui, bizarrement, n’ont pas trop aimé ça. Maintenant, je suis pour assumer les choses, je ne suis pas là pour me vendre. » Et dans l’appartement situé pas loin du quartier des 4 000 où il réside en colocation depuis 2018, il peut même jouer ses styles de prédilection librement. « Comme c’est bien isolé acoustiquement, ça ne dérange pas trop mes voisins. Quand j’habitais dans des apparts haussmanniens, ça ne passait pas, même en journée. »

En plus de la licence, Dominique Trochet prépare actuellement le concours de l’orchestre national d’Île-de-France. Il travaille donc son instrument six, voire huit heures par jour. «Le monde de la musique classique est assez compétitif; si je ne fais pas ça, d’autres le feront. En intégrant l’orchestre, je serais salarié en CDI, bien payé pour faire de la musique, ce serait la belle vie.» Une voie qui semble presque trop lisse pour celui qui reconnaît être « plutôt du type à choquer les gens». Une fois sa carrière lancée, il compte d’ailleurs créer sa propre association pour lancer des projets pluridisciplinaires mélangeant musique contemporaine et... religion. «J’aime bien la notion de rite, peu importe qu’on croie à quelque chose ou non, je trouve ça important. » Comme la passion. 

Texte : Olivia Moulin ; photo : Léa Desjours