À l’invitation de Soumya Bourouaha, députée de Seine-Saint-Denis, une projection-débat a été organisée à l’Assemblée nationale le 8 novembre dans le cadre de la Journée de lutte contre le harcèlement à l’école. Le film, Une parole suffit, a été réalisé par des jeunes Courneuvien-ne-s.
L’émotion est palpable dans le groupe. Après les obligations d’usage (contrôles de sécurité et des papiers d’identité, dépôt des sacs au vestiaire), Rukshie, Djariatou, Manel, Souleymane, membres de l’actuel Conseil communal des enfants, et Ayat, Ali, Joséphine, Jérémy, ancien-ne-s du Conseil communal des ados, entrent en haut de l’hémicycle où les député-e-s enchaînent les argumentaires sur la fin de gestion de la loi de finances 2023. Le sujet est âpre, les joutes verbales aussi. « C’est drôle, ils s’embrouillent entre eux », s’amuse Ali qui visite le Palais Bourbon pour la première fois.
Absence des adultes et solitude des victimes
Mais les jeunes ne sont pas seulement en visite : ils et elles ont surtout été invités par Soumya Bourouaha, députée de la quatrième circonscription de Seine-Saint-Denis, à venir parler du court métrage Une parole suffit que les plus âgés d’entre elles et eux ont réalisé il y a quatre ans. En cette veille du 9 novembre, Journée de lutte contre le harcèlement à l’école, le sujet du film est totalement d’actualité. La salle de projection est pleine de parents d’élèves, d’élèves, de professeur-e-s, de chef-fe-s d’établissement, d’élu-e-s et d’habitant-e-s des quatre communes de la circonscription (La Courneuve, Stains, Dugny, Le Blanc-Mesnil). Il y a même un député de La Réunion, Frédéric Maillot. Et le Défenseur des enfants, Éric Delemar. Saci Ourabah, le réalisateur qui a aidé les jeunes Courneuvien-ne-s à faire le film, est là lui aussi, très fier du résultat de ses « élèves ».
Les applaudissements sont nourris. Éric Delemar félicite les auteur-e-s : « Vous montrez très bien l’absence des adultes, le sentiment de solitude qui n’encourage pas à parler, le fait qu’on ne donne pas aux enfants le courage de le faire, que des jeunes mal dans leur peau deviennent harceleurs par peur d’être agressés. »
Olivier Epron, chargé du suivi des enfants et des ados à la direction de la citoyenneté de la Ville, contextualise le projet : « La première année du mandat du Conseil communal des ados, on a parlé du sexisme, de l’homophobie, des réseaux sociaux pour pouvoir, la deuxième année, travailler sur ce film avec Saci. Ça nous a pris un an pour écrire l’histoire, le scénario, faire le tournage. C’était un travail collectif, certains ont été derrière la caméra, d’autres ont travaillé sur la prise de son, d’autres encore sur la musique. On a fini le tournage juste avant le premier confinement... » Ali précise : « On avait l’idée de faire un court métrage sur cette question parce que dans notre groupe, une personne était harcelée, et elle nous demandait conseil. »
Une même personne peut être harceleuse et harcelée
« Le Conseil communal des enfants avait fait un film sur le cyberharcèlement qui nous avait touchés et nous avait permis de comprendre ses dangers et les conséquences pour les victimes, ajoute Joséphine. On voulait projeter notre film, Une parole suffit, dans les écoles et les collèges pour que les harceleurs comprennent la gravité de leurs actes. »
Mélanie Davaux, adjointe au maire à la réussite éducative et à l’aménagement durable, s’est interrogée : « Ce phénomène s’est-il accentué ? La jeunesse vit-elle un malaise qui la pousse à harceler ? » Ayat lui a partiellement répondu : « Le harcèlement, ça va très vite. Des fois, on ne se rend pas compte qu’on est harceleur. On pense que ce n’est pas grave. Une même personne peut être harcelée et harceleuse. » Le débat s’est intensifié autour de la nécessité de former les professionnel-le-s et d’éduquer les enfants à une pratique saine des réseaux sociaux.
La conclusion est revenue à Soumya Bourouaha qui a évoqué les jeunes vivant dans la peur et les parents dans l’impuissance : « Il faut que le harcèlement cesse, a-t-elle déclaré. Il peut briser des vies. Et il faut continuer à faire des propositions pour qu’elles soient remises au ministre de l’Éducation nationale… »
Texte : Joëlle Cuvilliez ; photos : Léa Desjours
