Hyperactive, la Courneuvienne de 20 ans, étudiante en Science politique, s’implique à fond dans la vie locale et veut faire entendre sa voix comme habitante, comme jeune et comme fille d’immigré-e-s.
Son secret pour cumuler toutes ses activités ? Un agenda. « C’est vrai que je fais plein de choses en même temps, mais j’arrive à m’organiser », sourit Bahar Ilhan. En plus de ses cours en troisième année de licence Science politique à l’université Paris 8 de Saint-Denis, la jeune femme travaille régulièrement pour les services Accueil et qualité de la relation aux usagers et Participation citoyenne de la mairie, œuvre en tant que bénévole à l’association Jurislae et au Tennis club courneuvien et participe à la deuxième édition des Médias C’est Nous. Pour tout caser, elle choisit les créneaux de cours les plus adaptés. En première année, faite en distanciel à cause du Covid, elle avait aussi aménagé son emploi du temps grâce au statut d’étudiante salariée pour faire un service civique durant le second semestre. « C’était très compliqué de rester à la maison. Pour tenir, j’ai décidé de travailler dans une école élémentaire à Fontenay-sous-Bois. J’accompagnais des enfants en difficulté, j’aidais la directrice sur l’administratif… »
Si la citoyenneté compte autant pour elle, c’est parce qu’elle se sent « légitime » à décider et agir et veut « construire l’avenir ». « Ça ne vient pas de ma famille, mais en Turquie, le pays de mes origines, le taux d’abstention est très faible. On a toujours regardé les élections présidentielles turques à la télé. » Elle commence à s’engager dans la vie de la cité au lycée Jacques-Brel, comme membre du Conseil des délégués pour la vie lycéenne et comme écodéléguée. C’est le professeur de Sciences de la vie et de la terre Ryem Boudjemaï, alors responsable du potager pédagogique, qui lui propose cette mission. « Il a dû voir ma passion pour la terre. Cultiver, ça apaise. À la base, l’homme vivait dans la nature, c’est l’homme moderne qui a commencé à détériorer sa propre maison. »
« Il faut qu’on puisse profiter de la ville. »
En 2021, elle se porte candidate pour intégrer l’Atelier citoyen du centre-ville, le collectif d’habitant-e-s chargés de faire des propositions d’aménagement des espaces publics pour le futur quartier de la Mairie et pour les quartiers des Six-Routes et Convention. « C’est nous qui habitons ici, c’est nous qui allons utiliser ces lieux, c’est pour ça qu’on doit s’approprier ces temps de rencontre, insiste celle qui est née à La Courneuve. J’ai bien fait de participer, j’étais la seule jeune, les autres étaient en majorité des pères et mères de famille de plus de 30 ans. » Pendant les rendez-vous, elle milite notamment pour la création d’espaces verts. « On ne fait que du métro-boulot-dodo, il faut qu’on puisse profiter de la ville. »
La même année, elle postule comme vacataire pour le premier Référendum courneuvien. Une expérience qu’elle renouvelle en 2022 et en 2023. « Ça me permet de voir le terrain et de discuter avec les gens ; en cours, on ne fait qu’étudier des textes philosophiques. » Elle a voté à chaque fois, évidemment. « Donner son avis, c’est important. Toutes les personnes qui ne le font pas peuvent faire basculer le résultat d’une élection. » Avec Les Médias C’est Nous, elle veut mettre en avant une problématique importante : l’impact des Jeux olympiques et paralympiques sur le pouvoir d’achat des habitant-e-s. « Qui dit tourisme dit augmentation des prix, est-ce que ça baissera après ?» Elle s’inquiète aussi des conséquences de la construction du pôle culturel Babcock sur les prix des logements, des services… « Nous, les enfants d’immigrés, on va atteindre un certain niveau de vie grâce à nos études, mais nos parents risquent de ne plus se sentir à leur place. »
À l’avenir, Bahar Ilhan se voit bien travailler dans la fonction publique territoriale ou d’État, puis élue. « Il faut toujours se fixer des objectifs assez hauts ! » En attendant, elle continue de s’intéresser à ce qui se fait dans la ville, en poussant la porte de la Maison de la citoyenneté James-Marson ou du Point information jeunesse, où elle a assisté à la journée portes ouvertes du Conseil local de la jeunesse. « C’est un endroit où je pourrais m’engager aussi. » C’est juste une question d’agenda.
Texte : Olivia Moulin ; photo : Léa Desjours