Courneuvienne par le cœur, l’esprit et le verbe, Anaëlle Mundala fait corps avec la danse – et réciproquement. Sa passion l’a propulsée sous les feux de la rampe, à « Bercy », où elle a chorégraphié une partie du concert d’une des stars du rap français, Niska.
Au premier regard, on comprend qu’elle a le feu sacré des jeunes de La Courneuve. Quelque chose dans la rapidité du phrasé, l’énergie du geste. La jeune femme de 24 ans, qui a vécu avec ses trois sœurs et ses quatre frères « à Balzac, à Alfred de Musset » et donne des cours de chorégraphie à des enfants, des ados et des adultes au sein de l’association Tempo, est un phénomène. Il y a un an, elle a produit sa première vidéo de danse freestyle et chorégraphique sur YouTube, sur le single Kassav de Gazo, en feat. avec Tiakola, l’un de ses frères. Et le 16 novembre dernier, elle a chorégraphié quatre sons de Niska, figure phare du rap français, pour le concert qu’il a donné à « Bercy » dans une salle archipleine – près de 20 000 fans en ébullition totale.
Mais comment Anaëlle Mundala en est-elle arrivée là ?
L’aventure commence après le lycée Jacques-Brel. À ce moment-là, elle travaille en boutique une partie du temps pour gagner sa vie. L’autre partie du temps, elle danse. La danse, elle l’a démarrée à huit ans. D’abord inscrite en contemporain, puis en hip-hop, elle a testé le modern jazz pour finalement découvrir le hip-hop newstyle. C’est le coup de cœur. « Le prof est parti, raconte-t-elle. On était six copines de La Courneuve, on formait un groupe, les Meltin Crew. On voulait continuer, on s’est entraînées dans des salles libres le mercredi et on a commencé à chercher toutes seules sur Facebook des concours chorégraphiques. On avait 16-17 ans, c’est les mamans qui nous accompagnaient. Je me souviens un jour à Drancy, on était les toutes petites, les seules filles... Il y avait énormément de groupes, on n’avait pas encore confiance en nous, et on voit qu’on arrive en finale, et on gagne. C’était un truc de fou ! »
L’année de ses 20 ans, elle est recrutée comme chorégraphe dans un hôtel-club au Maroc. Elle a le Bafa, elle forme des animateur-rice-s qui se produisent sur scène devant les client-e-s quatre fois par semaine avec, chaque fois, un spectacle différent. À son retour à La Courneuve, un an plus tard, elle se rend compte que l’association Tempo n’a pas de chorégraphe. Elle postule, est prise. Parallèlement, elle participe à des battles, découvre sur YouTube Lindsay Liso Badness : « J’aimais trop sa façon de danser. Je l’ai contactée au culot par Facebook et je lui ai demandé si elle pouvait m’entraîner. Elle n’a pas répondu tout de suite. Je l’ai relancée. Elle m’a donné rendez-vous au Centquatre à Paris. J’avais cours et je me suis dit que le cours, je pourrais le rattraper. Pas le rendez-vous avec Lindsay... »
« Je pensais que je n’allais faire qu’une choré, j’en ai eu quatre. »
Dans son parcours, la solidarité familiale joue à plein. Quand elle était petite, ses sœurs l’emmenaient à leurs cours de danse, où elle pouvait les imiter ; son frère Tiakola lui propose de réaliser une chorégraphie sur l’un de ses sons, à l’occasion d’Impulsar, un important tournoi de street foot avec danse et freestyle. Elle propose à cinq danseur-euse-s et à ses élèves de Tempo d’intégrer le show. « Au final, on était trente sur scène, tout le monde a kiffé, j’ai eu de bons retours », sourit-elle. Parmi ceux-ci, celui de Niska, star du rap français, qui s’apprête à donner un concert à « Bercy ». Il s’adresse à Tiakola : « Je veux la même équipe, lui dit-il. Tout pareil. »
Aussitôt, elle appelle ses danseuses et danseurs, leur apprend la chorégraphie, qu’elle filme, et l’envoie à Niska. Son manager la contacte. « Il m’a dit : “On est archichauds. On vous prend. Vous pouvez chorégraphier combien de sons ?” Je pensais que je n’allais faire qu’une choré, j’en ai eu quatre ! »
Anaëlle Mundala n’entend pas en rester là. Le concert lui a donné des idées : devenir directrice artistique. Et des ailes : « Tiakola va se produire le 12 mars à l’Olympia, annonce-t-elle. Je vais chorégraphier son concert. Et je serai aux côtés de son directeur artistique pendant les répétitions. Je vais tout noter. Je n’ai plus honte, je n’hésite plus à demander. C’est comme ça que j’apprends... »
Texte : Joëlle Cuvilliez ; photos : Léa Desjours