Selim Zeghari : « Rendre une personne heureuse, ça me rend heureux »

Publiée le 14 avr. 2022

Selim Zeghari : « Rendre une personne heureuse, ça me rend heureux »

Selim Zeghari

À tout juste 19 ans, Selim Zeghari cumule avec bonheur les premières fois. Intégré comme animateur au centre de loisirs Jack-Frost il y a un an, il accompagne depuis novembre dernier les quatorze élèves du projet Demos et s’est lancé avec eux dans l’apprentissage de l’alto. 

Selim Zeghari est courneuvien de longue date. Depuis sa naissance il y a dix-neuf ans, il habite le quartier de la Gare. Des années qu’il a mises à profit pour entrer en internat sports-études à Issy-les-Moulineaux, obtenir un CAP en électricité. Le premier confinement, en 2020, a porté un coup d’arrêt à son élan : il a mis un terme à ses études. Mais il n’a pas baissé les bras pour autant, s’est formé pour devenir entraîneur de jeunes enfants à la pratique du football, a passé le Bafa, le permis auto et moto.

L’année 2021 est, pour Selim, celle de tous les possibles. Il entre au centre de loisirs Jack-Frost comme animateur, y trouve sa vocation. « Je veux en faire mon métier, déclare-t-il. Quand j’étais jeune, des animateurs m’ont permis de faire des activités, des sorties, des jeux en extérieur qui m’ont beaucoup plu. J’aimerais faire de même pour la nouvelle génération. »

À peine a-t-il posé un pied dans le monde professionnel qu’il se porte volontaire pour accompagner les quatorze enfants du centre qui entament leur première année du projet Démos (Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale), un projet initié par la Philharmonie de Paris. L’idée est de permettre l’accès à la musique classique à des enfants qui n’en auraient pas forcément l’occasion. Deux fois par semaine, le lundi soir et le mercredi matin, ils sont en répétition. « Ils ont essayé le violon, l’alto, le violoncelle. Ensuite, ils ont choisi l’instrument qui leur plaisait le plus. On m’a proposé de participer et j’ai saisi l’occasion. Je n’avais jamais fait de musique avant. Maintenant, je pratique l’alto. »

« La pratique d’un instrument, c’est une découverte. C’est beau, on est vite aspiré par le son, par les émotions. »

Avec les enfants, il apprend à manipuler l’archet, se rend à la Philharmonie tous les deux mois, suit des tutti (moment où tous les instruments de l’orchestre jouent ensemble sur une partition) de deux jours pendant les vacances scolaires. L’orchestre, composé d’une centaine d’instrumentistes, interprétera le rondeau d’Abdelazer de Purcell en juin. Mais pas que. Selim apprend aussi Shosholoza (mot ndébélé qui signifie « aller de l’avant » et reproduit aussi le bruit du train en marche. C’est un chant de mineurs qui a été repris par Nelson Mandela et ses compagnons à Robben Island pour supporter les travaux forcés. Il est devenu celui des Noirs opprimés en lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud), un chant de mineurs sud-africain, et le Gumboot, une danse originaire elle aussi d’Afrique du Sud. « A la base, c’était un mode de communication qu’utilisaient les ouvriers noirs dans les mines. Ils tapaient des pieds et frappaient des mains sur leurs bottes. »

Comme les enfants, Selim est engagé pour un cycle de trois ans. « La pratique d’un instrument, c’est une découverte. C’est beau, on est vite aspiré par le son, par les émotions. Au début, c’était compliqué, mais plus les jours passent et plus il y a de facilité. » En tant que professionnel, il veille à la discipline et à la dynamique du groupe, à sa concentration, sa motivation. « C’est important de s’engager, précise-t-il. Je me sens impliqué. Rendre heureuse une personne, ça me rend heureux. »

À la question de savoir comment il vit 2022, il plisse les yeux, décoche un énorme sourire et énumère comme un inventaire à la Prévert ce qu’il a : une famille, une petite amie, des amis, un job, la santé, un salaire, des perspectives, l’expérience de la musique. Et il ajoute, pour être sûr d’être compris, ce qu’il aime : les voyages, l’été, l’Algérie de son père et de sa mère, la moto, le foot, le ski, écouter du rap, déguster de nouvelles saveurs au restaurant. La ville. « Même avec ses défauts, insiste-t-il. J’ai besoin de vie autour de moi. Et ce qui me plaît à La Courneuve, c’est le lien avec les jeunes. Un lien fort, qui est toujours là. Quand on part et quand on revient… »

Texte : Joëlle Cuvilliez ; photo : Léa Desjours