Pour la première fois dans l’histoire de La Courneuve, un des bâtiments de son territoire est inscrit dans son intégralité au titre des monuments historiques. L’église Saint-Yves, cette vieille dame catholique du quartier des Quatre-Routes, rejoint la liste des bâtiments français protégés et reconnus comme patrimoine. Visite.
De l’extérieur, ce bâtiment discret, niché avenue Lénine dans le quartier des Quatre-Routes, paraît svelte avec son clocher pointu. Mais, quand on entre dans l’église Saint-Yves, on ne peut qu’être frappé par l’ampleur de la voûte. La raison en est l’absence de colonnes, le bâtiment étant tenu en sa totalité par ses murs de béton armé (habillés par des briques rouges) et par sa charpente (couverte de tuiles). La sobriété de la décoration contribue à cette impression d’espace, avec quelques vitraux abstraits de Roger Bâteau et, sur les côtés, quelques statues (une Vierge et son fils par Georges Serraz ; saint Antoine et Jeanne d’Arc par Yvonne Parvillée ; saint Yves par Gustave Dermigny). En plein centre, un grand lustre composé de boules de verre surplombe l’ensemble et diffuse une lumière feutrée qui souligne encore plus les quelque 45,60 mètres de long de la nef sur 23,22 mètres de large du transept.
Un repère dans le quartier
Maintenant entouré d’un tissu dense de pavillons et d’immeubles collectifs, le lieu de culte, situé à la limite avec Bobigny, a été construit au début des années 1930 alors que le quartier était en plein essor. Ce dernier avait peu profité du développement sociodémographique qui avait transformé le centre et l’ouest de La Courneuve à la suite de l’ouverture de la gare ferroviaire en 1886 (future gare RER). Mais au début du XXe siècle, le quartier se rattrape: il passe de 73 habitant-e-s en 1901 à... 3700 en 1926 ! En cause : l’installation, dans des conditions de vie parfois précaires, de travailleur-euse-s employés notamment dans les usines métallurgiques Rateau (1917), Norton (1918), puis Cusenier (1933). L’Église catholique souhaite précisément renforcer sa présence auprès de cette population ouvrière bigarrée qui compte de nombreux Italien-ne-s et Espagnol-e-s. Cette préoccupation se traduit par les «chantiers du cardinal», qui visent à équiper plusieurs
communes de la banlieue « rouge» parisienne d’une église plus grande et mieux adaptée aux besoins spirituels d’une partie de cette population.
La démarche a été progressive. Le terrain appartient à l’abbé Dallant depuis 1923 et, quelques années plus tard, une salle avec chapelle et presbytère a été construite. C’est à ce moment-là que saint Yves est choisi comme patron du lieu de culte, la nouvelle paroisse rassemblant de jeunes ouvrier-ère-s, lesquel-le-s profitent aussi d’un dispensaire et d’un jardin d’enfants. L’église est offerte par le vicomte et la vicomtesse de Gourcuff et les architectes Michel Bridet et Pierre Robert en dessinent les plans. Le cardinal Verdier pose la première pierre le 15 juin 1930, puis bénit la nouvelle église le 26 novembre 1933. Et maintenant ? Quatre-vingt huit ans plus tard, l’église Saint-Yves a-t-elle gagné le pari de la centralité spirituelle qu’elle visait dans les milieux ouvriers ? De nouvelles populations se sont installées depuis dans le quartier et l’édifice y demeure toujours un repère, une insertion et une reconnaissance que l’inscription aux monuments historiques vient consacrer.
Texte : Nicolas Liébault ; photos : Léa Desjours
Un bâtiment reconnu et protégé
L’inscription aux monuments historiques s’accompagne de la mise en place d’une réglementation visant à protéger l’intégralité du bâtiment et à préserver son environnement urbain immédiat. L’Architecte des bâtiments de France (ABF) définira dans les mois à venir un périmètre délimité des abords du monument historique. Au sein de ce périmètre, son avis sera nécessaire pour pouvoir conduire des travaux.