Toute en contrôle sur un tatami, toute en passion devant l’objectif d’une caméra, Frédérique Cassassus, comédienne et pratiquante de Vo Vietnam, a trouvé le point d’équilibre. Son port d’attache ? La Courneuve où elle a grandi. Aujourd’hui, elle y pratique son art... martial.
« J’aime les taos, surtout certains pour leur fluidité. Ils me rappellent l’eau. C’est de la méditation, de la respiration, ils sont aussi d’une vraie beauté », explique Frédérique Cassassus de sa voix claire. Dessiner dans l’air ces figures à la fois calmes et puissantes confine au rituel chez la jeune femme. Rompue aux arts martiaux, elle débute avec le kung-fu à 12 ans : « Il exige une maîtrise de soi au-delà de n’importe quel autre sport de combat. » Rester attentive aux gens et aux choses, prendre conscience de ses propres forces et faiblesses... des graines semées en elle pour la vie.
Tout juste établie en région Rhône-Alpes à cette époque, elle laisse derrière elle le collège Jean-Vilar et La Courneuve, ville où elle a toujours vécu. Petite dernière d’une fratrie de cinq, Frédérique garde ses souvenirs intacts : « Rue du Moulin-Neuf. C’était notre première adresse. En face de chez nous se dressait un gros tas de terre, je l’appelais le terrain vague. » Parfois, il n’en faut pas plus pour faire vivre l’imaginaire des enfants d’un quartier, capables de bâtir des royaumes dans ces lieux à l’abandon, de livrer des combats épiques en héros. L’histoire ne le dit pas pour Frédérique, et pourtant !
« J’ai toujours reçu un soutien sans faille. Cela m’a permis d’oser. »
« Enfants, mon frère, ma sœur et moi étions très attirés par la culture asiatique. Nous avons regardé et lu des mangas, joué à des jeux vidéo. Les films d’arts martiaux nous fascinaient tellement. Buffy, Black Widow étaient mes héroïnes car elles savaient se battre. ». En pratiquant le Vo Thuat, Frédérique fait de ses rêves de combat une réalité empreinte de spiritualité. Et c’est au club courneuvien que s’ébauche son histoire, depuis qu’elle a décidé il y a quelques années de revenir vivre dans le coin, à Saint-Denis.
Mais sous des dehors tranquilles, brûle un autre feu incandescent. Frédérique Cassassus est comédienne. Haute comme trois pommes, elle s’amusait déjà à reproduire dans le miroir des gestes observés dans les films, des émotions : «J’ai toujours su que je voulais jouer mais de là à en faire mon métier, ces choses-là font peur ! » Pas de comédien dans les rangs de la famille, ce qui ne l’empêche pas d’être sensible au monde artistique, à commencer par un papa musicien et compositeur: « J’ai toujours reçu un soutien sans faille. Cela m’a permis d’oser. Je me suis lancée à 23 ans, j’étais à Lyon. Avant, j’avais essayé de trouver un emploi stable. Hôtesse d’accueil dans la journée et cours de théâtre le soir pour mon plaisir. Mais au fil du temps, j’étais malheureuse. J’ai fait un choix. Mon frigo est peut-être moins rempli mais je fais ce que j’aime » : entre deux cours de théâtre, Frédérique court les castings, décroche des figurations. Aujourd’hui, la comédienne joue essentiellement dans des courts métrages : « Il ne faut pas être fragile au niveau de l’ego, ni manquer de confiance en soi. Le monde des comédiens est aléatoire, difficile. Les opportunités, les rencontres, le hasard jouent aussi leur part. Il n’existe pas de mode d’emploi ! »
« Se dire : “Je suis une personne et j’ai des droits” constitue une vraie force. »
Sensible à la question des violences faites aux femmes, Frédérique en parle sans détour : « Plus jeune, j’ai rencontré ce souci, d’où ma volonté de savoir me défendre en toutes circonstances. Ces femmes ont peur, culpabilisent parfois et craignent de parler. Pourtant, c’est nécessaire. Réussir à réveiller sa conscience, se dire : “Je suis une personne et j’ai des droits” constitue une vraie force. Dans ma pratique du Vo, il y a une histoire de confiance psychologique. Avant même de recourir à la force physique, je sais que je me suffis. C’est comme si je me baladais avec une arme sur moi qui me protège et que je suis seule à voir. » D’une manière ou d’une autre, être en possession de soi.
À 33 ans, la tête pleine de projets, notre comédienne écrit un scénario sur la pédocriminalité, fléau aggravé par les réseaux sociaux : « Beaucoup de jeunes s’y exposent sans en mesurer les conséquences. J’ai imaginé une intrigue autour de ce sujet. » Toujours à l’écoute des bruits du monde, Frédérique Cassassus mène sa barque, acceptant aussi de dériver au gré de ses sentiments...
Texte : Mariam Diop ; photo : Léa Desjours