Depuis les années 1950, la Ville a constitué un important et intéressant fonds d’œuvres d’art. Des œuvres intimement liées à l’histoire sociale, politique et urbaine de la commune, mais toujours bien vivantes grâce à une stratégie de gestion, de conservation et de valorisation.
Il y a des sculptures petit format de Françoise Salmon, qui a aussi signé des œuvres monumentales dans plusieurs quartiers ; une peinture aux noirs profonds si caractéristiques de Raymond Guerrier ; les photographies commandées au collectif Le Bar Floréal pour rendre hommage aux habitant-e-s de la barre Renoir avant sa démolition ; un flamboyant ouvrage de Jean Picart Le Doux, l’un des grands animateurs du renouveau de la tapisserie... Il y a, conservées au sous-sol du centre culturel Jean-Houdremont, quelque 150 œuvres qui racontent La Courneuve et ses transformations, témoignent du soutien des municipalités successives à la création et à des artistes engagés. « La Ville s’est lancée à partir des années 1950 dans une politique d’acquisition qui a assez d’ampleur, de régularité et de sens pour faire patrimoine », indique Caroline Marnay, chargée des Arts visuels au sein de l’unité Développement culturel et patrimonial.
Sauf que ces œuvres d’art n’étaient pas forcément tracées et identifiées et qu’elles étaient éparpillées dans divers bureaux et bâtiments municipaux.
La Ville a donc entrepris de les inventorier et de les rassembler au centre culturel Jean-Houdremont, dans un box fermé situé juste à côté de l’espace où est aussi stockée la collection agricole. « C’est un endroit assez sain, protégé de la lumière, des micro-organismes, des insectes et des rongeurs et présentant une température et une hygrométrie stables, explique Caroline Marnay. Le seul problème, c’est la poussière. » Pour assurer de meilleures conditions de conservation, la Ville a fait appel en mai 2021 à des élèves conservateurs et restaurateurs de l’Institut national du patrimoine (INP) et à des régisseur-euse-s de l’École du Louvre. Ces dernier-ère-s sont intervenus sur les peintures pour constater leur état, finir de les identifier, les dépoussiérer, les reconditionner dans des matériaux adaptés et les réorganiser par format.
Transmettre les œuvres aux générations futures
Ce chantier des collections reprendra à l’automne prochain, avec l’aménagement au sous-sol du centre culturel de réserves patrimoniales en tant que telles pour le fonds d’art et les objets agricoles, grâce à des travaux d’électricité, de pose de carrelage et de peinture et à l’installation de systèmes de rangement et de mobiliers. Un récolement des œuvres (vérification de leur description, de leur marquage, de leur documentation et de leur état de conservation et prise de vues) et une restauration d’œuvres prioritaires sont aussi prévus. Mobilisant plusieurs corps de métier et s’étendant sur plusieurs mois, ce chantier sera financé pour moitié par la municipalité et pour moitié par l’État au titre de la Dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), destinée notamment à des projets de rénovation et de mise en valeur du patrimoine. En parallèle, la Ville s’attachera à établir des contrats avec les artistes ou leurs ayants droit et à définir les modalités de cession des droits d’auteur (droits de reproduction et de présentation publique).
L’enjeu de ces opérations administratives, matérielles et juridiques ? Valoriser les œuvres et les transmettre aux générations futures. Même si la municipalité ne possède pas de lieu d’exposition propre, le fonds d’art a vocation à sortir des murs d’Houdremont, à irriguer la ville, le territoire et le pays, à rencontrer des publics divers et nombreux. Ça passe par des projets spécifiques dans les écoles, les centres sociaux et autres établissements recevant du public, ainsi que par une politique de prêts et de dépôts plus fluide et axée sur la gratuité. Sept des quinze dessins de La Courneuve réalisés par Boris Taslitzky en 1968, à la demande du conseiller municipal en charge des Beaux-Arts Jean Rollin, sont ainsi exposés au musée de Roubaix La Piscine jusqu’au 19 juin dans le cadre d’une rétrospective consacrée au peintre et dessinateur. Ces dessins racontent La Courneuve, témoignent de son soutien à des artistes engagés, mais confirment aussi un peu plus sa place dans l’histoire et dans l’histoire de l’art.
Textes : Olivia Moulin ; photos : Léa Desjours
Remise en beauté pour les sculptures du centre-ville
Pourtant flanquée d’une combinaison de jardinage et d’un pulvérisateur de jardin, Hélène Dreyfus ne s’occupe pas des plantes et des fleurs, mais des pierres, ce mardi 17 mai dans le parc Jean-Moulin. Conservatrice-restauratrice de sculptures, elle applique un traitement biocide sur les œuvres La Tourmente de Berthe Girardet et Les Joies de la vie de Jean Escoula. Algues, mousses, champignons et
lichens : après des dizaines d’années d’exposition dans l’espace public, les sculptures ont subi toute une colonisation biologique qui a encrassé leur surface. « Elles sont aussi soumises à la pollution atmosphérique et au vandalisme. Quand on met des œuvres d’art en extérieur, on doit accepter qu’elles se dégradent », glisse la professionnelle. Face aux dégradations, la municipalité a donc décidé de mener un programme de restauration de ces deux sculptures et de celle située dans le jardin de la Maison de la citoyenneté James- Marson (MDC), Le Frisson de Léda d’Emmanuel Fontaine. Quatre semaines après le nettoyage par biocide, Hélène Dreyfus et une consœur réaliseront une seconde opération, le microsablage. Il s’agit de retirer les micro-organismes morts et les croûtes noires à l’aide d’un abrasif fin pour permettre aux œuvres de retrouver leur éclat, sans abîmer la pierre. Ces travaux seront l’occasion de visites ouvertes à tout-e-s le mardi 14 juin, autour de l’histoire des sculptures, du métier de conservateur-rice/restaurateur-rice et de l’art dans la ville. Rendez-vous à 12h30 à la MDC.