La Comète a proposé trois représentations de Là d’où je vais, un spectacle réalisé avec des comédien-ne-s amateurs bénévoles ou bénéficiaires du Secours populaire français. Une aventure artistique convaincante, soutenue par la Ville et le Département.
En avant-scène, tandis que le public s’installe, une silhouette chante dans le noir. En fond de plateau, dix comédien-ne-s sont assis sur des chaises. Soudain, c’est le brouhaha, tout le monde se met à parler en même temps. Une femme se lève brusquement, cherche quelque chose, se met face au public. La musique démarre, les voix s’élèvent, les paroles de Let the sun shine in fusent :
« Pétrifiés dans nos manteaux
D’hiver
Refoulés aux frontières du mensonge
Des nations qui crèvent
Tués par des rêves chimériques
Ecrasés de certitudes Dans un monde glacé de solitude… »
Et chacun-e, dans sa propre langue, de scander : « Laissons, laissons entrer le soleil ».
Ainsi commence le spectacle Là d’où je vais. Une aventure chaleureuse démarrée en octobre, fruit d’ateliers avec les bénéficiaires et les bénévoles du Secours Populaire de La Courneuve, devenus pour l’occasion comédien-ne-s amateurs. La pièce a été montée collectivement avec l’aide des comédien-ne-s et metteur-e-s en scène Vincent Marguet et Mathilde Evano, de la compagnie les Enfants du Paradis. Celle-ci ne cache pas sa joie. La première a été un succès, une récompense à la hauteur des heures de répétition hebdomadaire qu’il a fallu parfois reporter, à cause du Covid. Beaucoup d’investissements pour trois représentations, vendredi 22 avril, dimanche 24 avril et vendredi 29 avril, à La Comète, l’espace courneuvien dédié aux pratiques théâtrales amateures.
Un projet collectif qui remet du baume au coeur
Juliette Dubin, qui travaille au sein de la direction de la culture au département, précise : « Le projet a été financé dans le cadre du dispositif « La Culture et les arts pour la résilience (Care) » qui permet à des structures culturelles de construire des propositions à destination de publics accueillis dans des équipements sociaux du territoire. L’idée a permis d’entendre des récits individuels et collectifs sur le vécu de la crise sanitaire. Mais aussi de remettre de la joie après cette phase où l’on a été si éloignés les uns les autres. »
Le public courneuvien a apprécié, à l’instar de Sylvie, venue encourager Maurice, jouant son propre rôle de postier : « C’était très émouvant de voir tous ces gens pas du tout prédestinés à monter sur scène ! » Laura raconte qu’elle n’imaginait pas vivre ce type d’expérience artistique quand elle a commencé son service civique il y a quelques mois, elle qui n’a jamais fait de théâtre. « On a tous des personnalités différentes et on a utilisé ça pour monter le spectacle, ainsi que l’humour », résume-t-elle. De son côté, Zahoua, 72 ans, est impressionnée. Elle est passée au Secours populaire, on lui a demandé si elle voulait s’inscrire, elle a accepté. Elle a une pensée pour son défunt mari. Ly Shu Fen, de son côté, avoue avoir eu le trac : « Je suis chinoise, je viens de Pékin, je ne parle pas encore très bien français, » s’excuse-t-elle.
Pour Didier Broch, élu au développement de la culture, la représentation à laquelle il vient d’assister est très convaincante. « C’est frais, commente-t-il. C’est un très beau parcours pour celles et ceux qui ont participé. Ce sont des gens qui arrivent avec un déficit de leur image et qui se retrouvent sur scène face à un public. Cette capacité à sortir de soi, à s’exposer, c’est très beau. Ce spectacle, en lien avec l’activité des comédien-ne-s amateurs, avec leur histoire, donne pas mal d’écho sur ce qu’est la société aujourd’hui. » Vincent Marguet le confirme : « On est parti d’eux, de ce qu’ils avaient envie de raconter. »
Le titre de la pièce, Là d’où je vais, exprime une thématique partagée par chacun-e. Tou-te-s ont des racines différentes, tou-te-s aspirent à aller quelque part. « Tous ont aussi une histoire incroyable qu’on a voulu mettre en valeur, mais de façon un peu poétique, ajoute-t-il. On a passé un bon moment, on a été heureux ensemble. C’était simple : un plateau vide, des lumières, un peu de musique. Juste une fête… »
Texte : Joëlle Cuvilliez ; photo : Léa Desjours