Bernadette Dodin : « Je pense au travail qu’il reste à faire sur l’inclusion et l’égalité »

Publiée le 21 oct. 2022

Bernadette Dodin : « Je pense au travail qu’il reste à faire sur l’inclusion et l’égalité »

Bernadette Dodin

Expérimentée et inventive, la nouvelle directrice du Pôle supérieur d’enseignement artistique Aubervilliers-La Courneuve-Seine-Saint-Denis-Île-de-France, dit Pôle Sup’93, regorge d’idées innovantes pour former les musicien-ne-s et futurs professeur-e-s de musique.

Bernadette Dodin nous reçoit dans son bureau, à deux pas de la Maison de la citoyenneté James-Marson. L’accueil est chaleureux, le tempo de l’entretien allegrissimo. Elle égrène les temps forts de son parcours : diplôme en musicologie, DESS « administration et gestion de la musique », master demanagement des organisations culturelles, pratique instrumentale, chant, direction de chœur. Elle a travaillé comme assistante de rédaction pour la revue Diapason, enseigné l’éducation musicale en collège, la formation musicale en conservatoire. « J’ai été chargée de communication pour Musicora, le salon de la musique, et consultante pour réaliser des audits dans les collectivités sur la mutualisation des moyens dans la culture », précise-t-elle.

On pourrait imaginer atavique son goût pour la musique, mais ce n’est pas le cas. « Je ne viens pas d’une famille de musiciens professionnels, de mélomanes plutôt, nuance-t-elle. Mon grand-père était violoniste de bal, ma mère faisait partie d’une chorale. » Comme son aïeul, elle essaye le violon, mais l’instrument ne lui convient pas ; elle passe à l’alto. « Mon enseignant organisait des cours en groupe, j’ai pu jouer en duo, avec des ensembles, des choses qui paraissent basiques maintenant mais qui ne l’étaient pas à l’époque. Ça m’a fait progresser en collectif. J’ai fait partie du quatuor Hexagone, juste avant de trouver mon premier poste en CDD à Fosses, dans le Val-d’Oise, à la direction de l’école municipale de musique et de danse. »

Elle a alors 26 ans. Un an plus tard, elle dirige l’école municipale de musique, danse et théâtre de Gonesse, qui compte 350 élèves, et crée le nouveau projet d’établissement avant de rejoindre le conservatoire départemental d’Aulnay-sous-Bois. « L’idée était de créer des classes préparatoires à l’enseignement supérieur », précise-t-elle. Elle intègre ensuite le conservatoire à rayonnement départemental (CRD) de Pantin, avec un projet de construction de bâtiment alliant sport et culture.

« Est-ce toujours d’actualité de dire que la harpe ou la flûte, c’est plus pour les filles, et le trombone et le tuba pour les garçons ? »

Nommée en janvier à la direction du Pôle Sup’93, elle a une idée en tête : former les professeur-e-s pour qu’il y ait une réelle démocratisation culturelle. « Je pensais au travail qu’il reste à faire sur l’inclusion et l’égalité. Est-ce toujours d’actualité de dire que la harpe ou la flûte, c’est plus pour les filles, et le trombone et le tuba pour les garçons ? » Elle souhaite poursuivre les collaborations engagées avec les structures de proximité. « À La Courneuve, on a de la chance, la collectivité est très demandeuse et on peut expérimenter, être dans l’innovation et la création », se réjouit-elle.

Et de citer les actions musicales que les élèves y proposent, les ciné-concerts au cinéma L’Étoile, les jam sessions de jazz le midi à la Maison de la citoyenneté James-Marson. « Nous travaillons aussi avec l’Académie Fratellini autour des apéros-cirque. Les circassiens proposent des numéros, et la musique est construite en collaboration avec les artistes lors d’une immersion de deux semaines avec un metteur en piste et un chargé d’enseignement musical. J’ai vu plusieurs spectacles : difficile de faire la différence entre le musicien et le circassien, il y a tout un travail sur la mise en espace et sur le corps... »

Elle entend également pérenniser l’intervention d’étudiant-e-s en milieu scolaire et entretenir les liens au niveau national grâce, entre autres, à un partenariat sur les « nouvelles pratiques » avec l’Ircam, l’Institut de recherche et de coordination acoustique/musique. Une convention va être signée avec la Bibliothèque nationale de France (BNF) pour l’organisation de vernissages musicaux, d’expositions, pour que les étudiant-e-s aient accès au fond de la BNF. Enfin, elle envisage la trajectoire de Pôle Sup’93 à l’international. « En février 2023, les étudiant-e-s partiront en Inde sur un projet autour de La Vie parisienne d’Offenbach, en partenariat avec la fondation Neemrana à New Delhi, qui aide les personnes défavorisées à découvrir la musique et les forme à un métier », se réjouit-elle. Une riche idée, que n’aurait pas reniée Nelson Mandela, lui qui aimait répéter : « C’est la musique et la danse qui me mettent en paix avec le monde. »

Texte : Joëlle Cuvilliez ; photo : Léa Desjours