Si l’hébergement d’urgence est de la compétence de l’État, médiateur-trice-s de la Ville et bénévoles associatifs créent du lien et accompagnent les publics sans domicile.
Ne laisser personne de côté. Dans une ville qui fait de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion un pilier de ses politiques publiques, cela passe par une attention aiguë envers celles et ceux qui se retrouvent à la rue. Chargés d’assurer une présence préventive dans les espaces publics extérieurs lors de leurs déambulations, les agent-e-s de l’Unité de médiation sociale et urbaine, rattachée à la Direction de la prévention et de la tranquillité publique, jouent ainsi un rôle de veille sociale auprès des personnes sans domicile. « Notre rôle, c’est d’aller vers ces publics, qui sont souvent très désocialisés et très éloignés des dispositifs d’accès aux droits et aux prestations », explique Omar Elhayti, médiateur affecté au secteur des 4 000 et référent sur la thématique des personnes en errance.
Etablir des relations de confiance
Cette démarche « d’aller vers » est au cœur de leur métier de travailleur-euse social : il s’agit d’intervenir auprès des personnes vulnérables là où elles sont, que ce soit sur un bout de trottoir ou dans un square, sans jamais brusquer ni forcer les choses, en respectant toujours leur choix et leur temporalité. « On y va tout doucement, on ne pose pas beaucoup de questions, précise le
professionnel. Notre mission repose sur la libre adhésion, ça peut prendre plusieurs mois ou plusieurs années pour établir une relation de confiance, pour que la personne consente à parler et à évoquer sa situation, pour qu’on puisse mettre en place les actions adaptées. » Un travail qui se fait en partenariat avec les divers acteurs institutionnels et associatifs du territoire, auxquels les médiateur-trice-s passent le relais. « C’est fondamental d’avoir notre réseau, pour l’interpeller quand quelqu’un est en souffrance, indique Hassania Benyelles, médiatrice qui intervient aux Quatre-Routes. On passe le relais, mais on continue à prendre des nouvelles, on maintient le lien. »
L'accès aux soins constitue une première accroche pour les médiateur-trice-s
Profils, parcours de vie, besoins : les hommes et femmes à la rue forment une population hétérogène. Certaines n’ont aucune ressource, d’autres travaillent ou touchent des allocations ; certaines n’ont pas de papiers, d’autres sont en situation régulière ; certaines sont complètement seules, d’autres en couple ou avec leurs enfants ; certaines se disent en bonne santé, d’autres souffrent de pathologies physiques, d’addictions ou de troubles psychiatriques... Souvent, l’accès aux soins constitue d’ailleurs une première accroche pour les médiateur-trice-s, qui contactent les pompiers en cas d’urgence, le bus social dentaire, ou orientent les
personnes à la rue vers le Centre municipal de santé (CMS), l’hôpital Delafontaine, Médecins sans frontière s, etc. « Il faut souvent les accompagner physiquement pour qu’elles acceptent d’y aller, précise Brice Ragey, médiateur affecté lui aussi au secteur des Quatre-Routes. On les aide à faire le premier pas. »
Même chose pour les passages au pôle Mécano, au Centre communal d’action sociale ou encore au service social départemental, où elles peuvent faire valoir leurs droits. « Permettre à une personne de se soigner et d’effectuer ses démarches administratives, ce n’est pas rien pour nous, insiste Aly Ba, médiateur dans le secteur des 4 000. On a été utiles sur un dossier, même si tout n’est pas réglé. » C’est que les médiateur-trice-s se heurtent au quotidien à la saturation chronique du système d’hébergement d’urgence, qui relève de la compétence de l’État. Les places manquent en Seine-Saint-Denis comme ailleurs, et plus qu’ailleurs. Mais sur le terrain, les agent-e-s de l’Unité de médiation sociale et urbaine s’emploient à faire société.
Textes : Olivia Moulin ; photos : Léa Desjours
Réchauffer les corps et les cœurs
Deux soirs par semaine, des bénévoles vont à la rencontre des personnes qui vivent à la rue.
Il y a ceux qui ne demandent rien ou pas grand-chose, tout juste une bouteille d’eau, comme le monsieur réfugié dans une voiture. Et il y a ceux qui veulent bien du riz au poulet encore fumant préparé par Noëlie, bénévole au Secours populaire français (SPF), du café et des chaussettes, comme les deux hommes installés à côté d’un pont. Il y a ceux qui sont là depuis longtemps, comme Alain et Gilbert, établis aux abords de la gare RER. Et il y a ceux qui viennent d’arriver, comme les trois hommes transis de froid près du Quick. Il y a, derrière le terme « sans-abri », des noms et des histoires que les bénévoles de la Fédération française de sauvetage et de secourisme (FFSS), de l’Association des sauveteurs dionysiens (ASD) et du SPF apprennent à connaître, au fil des maraudes sociales qu’elles et ils effectuent de novembre à mars. «On prend le temps de parler avec eux», glisse Ismaël de la FFSS.
Récupérer les invendus de la journée
En cette soirée du 20 janvier, les bénévoles se retrouvent comme d’habitude au local des boulistes pour faire bouillir de l’eau et la verser dans un récipient isotherme, puis rassembler les vivres et les affaires à distribuer. Ces maraudes visent aussi à orienter les gens vers les structures d’hébergement et de solidarité et à repérer de nouveaux venus. De nombreuses personnes sans-abri se cachent pour souffrir, dans des caves, des locaux commerciaux abandonnés, des garages... « Quand on roule dans un parking, on regarde s’il y a de la buée sur les vitres. C’est comme ça qu’on arrive à savoir s’il y a quelqu’un », explique Philippe, président régional de la FFSS.
Pour faire leur tournée, les bénévoles circulent à bord d’un véhicule mis à leur disposition par la Ville. Première étape : les boulangeries, pour récupérer les invendus de la journée. La plupart d’entre elles font des dons. Quatre-Routes, rue Rateau, gare RER... les arrêts sont nombreux ensuite. Devant le magasin Aldi, un homme au nez ensanglanté refuse d’être conduit à l’hôpital, mais accepte qu’Ismaël nettoie et désinfecte sa plaie avant de la recouvrir d’un pansement. « Son ami est décédé l’année dernière, il boit tellement qu’il tombe », soupire Hamida du SPF. En trois heures de maraude, l’équipe rencontre neuf
hommes. « Quand on voit des gens dans la rue, on ne se rend pas compte de ce qu’ils ont vécu pour en arriver là, insiste Isabelle Rose, du SPF aussi. C’est important de les aider. »
Comment aider les sans-abri
Signaler : quand vous repérez une personne en détresse médicale, psychique ou sociale, vous pouvez appeler le 115. Ouvert toute l’année, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, ce numéro d’urgence a pour mission première de mettre à l’abri les personnes à la rue, mais permet aussi l’intervention d’équipes mobiles et l’orientation vers des dispositifs d’aide alimentaire, d’accès aux soins, d’aide administrative...
Parler : en engageant la conversation avec une personne à la rue, vous pouvez lutter contre son isolement social, gros facteur de souffrance.
Donner : vous pouvez soutenir financièrement une association de solidarité comme le Secours populaire français, ATD Quart-monde, les Restos du cœur ou la Croix-Rouge française et/ou fournir des vêtements, des chaussures, des denrées alimentaires, de petites bouteilles d’eau, des produits d’hygiène...
S’engager : maraudes, distributions, animation d’ateliers, accompagnement dans les démarches d’accès aux droits... vous pouvez effectuer toutes sortes de missions ponctuelles ou régulières comme bénévole dans l’une de ces associations.