Si le 19 mars 1962 n’a pas marqué la fin des violences, il a marqué le début du processus de sortie de guerre et d’indépendance après sept ans et demi de conflit.
Difficile de trouver une date commémorative qui fasse consensus, alors que la bataille mémorielle n’a jamais cessé autour de la guerre d’Algérie. « C’est un sujet très polémique, confirme Bacar Soilihi, conseiller municipal délégué à la mémoire commémorative et aux ancien-ne-s combattant-e-s. La date du 19 mars est rejetée par certains anciens combattants et des gens de droite, qui n’y voient pas la fin de la guerre mais le début des violences contre les pieds-noirs et les harkis, mais c’est une date de mémoire qu’il ne faut pas oublier. » Instituée en 2012 comme « Journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et en Maroc » par François Hollande, elle correspond en effet à l’entrée en vigueur du cessez-le-feu.
Scrutin d’autodétermination
18 mars 1962. Au terme de onze jours de négociations, les représentants du Front de libération nationale (FLN) et du gouvernement français réunis dans un hôtel à Évian tombent d’accord pour mettre fin aux combats en cours depuis le 1er novembre 1954. Le document signé par les deux délégations prévoit la fin des « opérations militaires et de la lutte armée sur l’ensemble du territoire algérien » le lendemain à midi ainsi que l’organisation rapide d’un « scrutin d’autodétermination ». Dès 1959, le général de Gaulle avait proclamé le droit des Algérien-ne-s à décider de leur destin politique, un choix approuvé par les Français-es en 1961. Le 8 avril 1962, les Français-es de métropole approuvent aussi les accords d’Évian et, le 1er juillet, plus de 99 % des Algérien-ne-s se prononcent pour l’indépendance de leur pays lors du référendum d’autodétermination. Reconnue par le général de Gaulle le 3 juillet, l’indépendance est officiellement proclamée en Algérie le 5 juillet, 132 ans après la prise d’Alger par l’armée française.
Incendies, attentats, enlèvements, assassinats... La période transitoire entre le cessez-le-feu et l’indépendance est marquée par de nombreuses exactions, à l’égard de la population algérienne et à l’égard de la population française et européenne. Ces événements sont au cœur du travail de mémoire engagé autour de la guerre d’Algérie. Le président de la République Emmanuel Macron a ainsi demandé « pardon » aux harkis et reconnu le massacre de la rue d’Isly du 26 mars 1962, dans lequel des dizaines de partisans de l’Algérie française furent tués par des militaires français, et appelé à reconnaître le massacre d’Oran du 5 juillet 1962, dans lequel des centaines d’Européen-ne-s ont été enlevés et assassinés. De la même façon, il a qualifié la colonisation en Algérie de « crime contre l’humanité » et reconnu l’assassinat par des militaires français du militant communiste Maurice Audin et du militant nationaliste Ali Boumendjel.
« Il y a des gestes qui ont été faits, mais il y a encore des choses à faire,commente Mimouna Hadjam, porte-parole de l’association Africa. Pour les enfants de l’immigration algérienne, la date du 17 octobre 1961 est très importante. Nous demandons l’ouverture de toutes les archives, notamment les archives fluviales, pour pouvoir connaître le nombre exact de morts. » Comme la municipalité, qui a signé un appel en ce sens l’année dernière, l’association réclame aussi que la répression sanglante de la manifestation d’Algérien-ne-s à Paris soit reconnue comme un crime d’État. Dans la mémoire de la guerre d’Algérie, il y a beaucoup de dates à commémorer.
Texte : Olivia Moulin ; photos : Léa Desjours
Quelques dates
- 14 juin 1830 : Débarquement de l’armée française en Algérie.
- 5 juillet 1830 : Prise d’Alger et début de la colonisation.
- 1er novembre 1954 : Insurrection menée par le Front de libération nationale (FLN) en Algérie et début de la guerre d’indépendance.
- 1er avril 1955 : Proclamation de l’état d’urgence par le gouvernement français et début des opérations militaires contre les indépendantistes.
- 19 septembre 1958 : Création du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) par le FLN.
- 1er juin 1958 : Retour de De Gaulle au pouvoir.
- 8 janvier 1961 : Référendum sur l’autodétermination de l’Algérie en France métropolitaine et en Algérie.
- 10 février 1961 : Création de l’Organisation armée secrète (OAS).
- 18 mars 1962 : Signature des accords d’Évian.
- 19 mars 1962 : Entrée en vigueur du cessez-le-feu.
- 8 avril 1962 : Référendum sur les accords d’Évian en France métropolitaine.
- 1er juillet 1962 : Référendum d’autodétermination en Algérie.
- 3 juillet 1962 : Reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie par le général de Gaulle.
- 5 juillet 1962 : Proclamation officielle de l’indépendance