Rokhaya Diallo, journaliste, écrivaine, réalisatrice, militante antiraciste et féministe, est une personnalité médiatique. Elle a vécu ses années adolescentes à La Courneuve et a récemment animé une master class avec de jeunes Courneuvien-ne-s impliqués dans le projet Les Médias C’est Nous, porté par l’UNAOC, une instance de l’ONU, et la Ville.
Le 23 mars dernier, dans le cadre du projet Les Médias, C’est Nous, soutenu par l’Alliance des civilisations des Nations unies (UNAOC), une master class était animée par Rokhaya Diallo. « Ce travail avec les jeunes, pour moi, est essentiel », résume-t-elle. En 2013, elle accordait à notre consœur Isabelle Meurisse une interview à l’occasion de la diffusion par France Ô de son premier documentaire, Les Marches de la liberté, sorti à l’occasion de l’anniversaire des 30 ans de la Marche pour l’égalité et contre le racisme et des 60 ans de la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté, initiée par Martin Luther King.
La jeunesse courneuvienne, Rokhaya l’a vécue. Arrivée adolescente dans la ville, elle est passée par le collège Georges-Politzer et le lycée Jacques-Brel avant d’intégrer les universités de Paris-XIII et d’Assas où elle a fait des études de droit, de commerce et de marketing et distribution de l’industrie audiovisuelle. En 2001, elle est sollicitée pour intégrer le tout nouveau Conseil local de la jeunesse (CLJ). Elle en assurera la présidence pendant deux ans. « Au sein du CLJ, j’ai pu poser toutes les questions qui m’intéressaient, notamment sur la justice sociale, explique-t-elle. Je me suis documentée, les graines qui étaient en moi, dans le terreau de la revendication, ont germé. » Elle commence dès lors à militer à l’association antisexiste Mix-Cité, devient active auprès de l’organisation altermondialiste Attac. En 2007, elle cofonde l’association Les Indivisibles, à la suite de quoi elle est invitée sur un plateau à Canal+. « La personne en charge de la cellule repérage m’a proposé de les rejoindre, précise-telle. C’est comme ça que je suis devenue chroniqueuse. »
« Non seulement je ne renie pas mes origines, mais je les revendique. Elles m’offrent quelque chose de singulier. »
Chroniqueuse, mais aussi journaliste, réalisatrice, écrivaine, militante féministe intersectionnelle et décoloniale engagée contre le racisme. Ses prises de position déclenchent la polémique. Elle décide alors de faire un film sur la haine véhiculée sur les réseaux sociaux. Les Réseaux de la haine sort en 2014, bientôt suivi par De Paris à Ferguson : coupables d’être noirs (2016) et Où sont les Noirs ? (2020). Son sixième opus est aujourd’hui en cours de préparation.
Mais son champ de création va au-delà de l’audiovisuel. Rokhaya a aussi coécrit deux bandes dessinées, Pari(S) d’amies, avec Kim Consigny, et M’explique pas la vie, mec !, avec Blachette, écrit et co-écrit une dizaine d’ouvrages parmi lesquels Racisme, mode d’emploi chez Larousse, À nous la France ! chez Michel Lafon, Ne reste pas à ta place ! chez Marabout ou Comment parler de racisme aux enfants, préfacé par Lilian Thuram et sorti chez Le Baron Perché.
Rokhaya est classée par le magazine Slate en 36e position parmi les cent Françaises les plus influentes, par le Powerful Media parmi les trente personnalités noires les plus influentes d’Europe. En 2020, Politico la classe à son tour parmi les vingt-huit personnalités européennes les plus puissantes du continent, dans la catégorie Disrupteurs. Enfin, selon The New York Times, elle est « l’une des voix les plus importantes contre le racisme en France ».
Courneuvienne un jour, courneuvienne toujours, Rokhaya, dont le père, né en Gambie, a exercé le métier de mécanicien, et la mère, sénégalaise, donné des cours de couture, assume son parcours et sa « courneuviennité ». « Non seulement je ne renie pas mes origines, mais je les revendique. Elles m’offrent quelque chose de singulier ! s’exclamet-elle. Je suis la première Française à écrire dans la rubrique “Global Opinions” du Washington Post. Eh bien, chaque fois que je le fais, c’est un peu de La Courneuve qui entre dans ce journal prodigieux…»
Propos recueillis par Joëlle Cuvilliez ; photo : Léa Desjours