Rahmata Charani, accompagnatrice d’élèves en situation de handicap, est lauréate du concours d’expression organisé par l’association Orphanco à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. À travers son témoignage, elle raconte son histoire mais aussi celles de sa mère et de sa fille, « trois générations de femmes fortes ».
Avant-dernière d’une fratrie de quatre frères et trois sœurs, française et fille de l’immigration comorienne, Rahmata Charani a grandi à La Courneuve avant de suivre son père aux Comores pour y faire ses études secondaires. Passionnée par l’écriture depuis l’enfance, elle obtient son baccalauréat littéraire en 2001, rentre en France pour suivre des études de langues à Bordeaux, revient à Paris où elle enchaîne des petits boulots, avant de reprendre des études de lettres en 2006, à l’Université de Villetaneuse jusqu’en 2009, puis se marie et fonde une famille. « J’ouvrais un autre chapitre de ma vie. »
Aujourd’hui mère de trois enfants, une fille, l’aînée de 11 ans, et deux garçons de 8 et 3 ans, elle est accompagnatrice d’élèves en situation de handicap à l’école Paul-Doumer, à La Courneuve. Si elle dit elle-même avoir un parcours « atypique », elle n’a jamais perdu de vue ses objectifs. « J’ai deux vocations dans ma vie : devenir professeure des écoles et écrire. J’aime transmettre aux autres. J’ai commencé à développer mon sens de l’imagination après mon redoublement en CM2 grâce à mon père qui m’a poussée à me dépasser. Il m’obligeait à aller tous les mercredis et samedis à la bibliothèque John-Lennon, en bas de chez nous, pour que je lise. Il a arrêté l’école jeune et a toujours mis un point d’honneur à ce qu’on soit instruits. » Le père de Rahmata arrive en France dans les années 1960 pour le travail.
« C’est normal d’avoir des peurs, mais ce n’est parce qu’on est une femme qu’on ne peut rien faire, au contraire, on peut déplacer des montagnes ! »
Sa mère et son frère aîné le rejoignent peu de temps après. « Quand ma mère est arrivée en France, elle était illettrée. Elle a pris des cours dans une association pour apprendre à lire et à écrire, elle a eu cette force ». C’est « cette force » qu’a voulu partager Rahmata à travers sa contribution au concours d’expression, organisé à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, par l’association Orphanco. « J’étais bien placée pour écrire ma propre histoire et, à travers elle, celles de ma mère et de ma fille. Je trouvais que c’était intéressant de comparer ces trois générations et leurs évolutions. » Une idée est très présente dans le récit de vie de Rahmata : la communication, notamment à travers l’éducation « Il y a eu une énorme cassure à l’adolescence avec ma mère au moment où j’ai eu mes règles. Elle m’en avait très peu parlé et je me suis sentie trahie, même si je comprends mieux certaines choses maintenant que je suis mère. Moi, je veux que ma fille, mais aussi mes fils, puissent me parler de tout : de la sexualité, de leurs premières amours… Mes enfants, je les éduque tous de la même manière, sans distinction. »
Si la participation au concours était libre (photo, vidéo, peinture…), Rahmata a choisi de s’exprimer de la manière qui lui correspondait le mieux, c’est-à-dire l’écriture. « J’ai longtemps eu beaucoup de blocages par rapport à ce talent et beaucoup de choses qui ont fait que je n’arrivais pas à croire en moi. J’ai réussi à dépasser ces craintes et aujourd’hui l’écriture c’est mon refuge, un refuge qui n’a pas de limites. » Ne pas avoir de limites, c’est ce que son père lui a inculqué et qu’elle continue de transmettre, notamment à sa fille aînée, qui entre au collège en septembre. « Je veux pousser ma fille au-delà de ses rêves, qu’elle aille plus loin que moi. Si elle se donne les moyens, tout est possible. »
Si aujourd’hui Rahmata est fière de son parcours et voit ce premier prix comme la reconnaissance de son talent, elle ne compte pas pour autant s’arrêter là. « J’aimerais devenir autrice, j’ai toujours écrit des nouvelles, peut-être que ce serait l’occasion d’aller plus loin ? » Et d’adresser un message fort aux femmes, qui ont eu ou qui vont rencontrer des obstacles dans leur vie : « C’est normal d’avoir des peurs, mais ce n’est parce qu’on est une femme qu’on ne peut rien faire, au contraire, on peut déplacer des montagnes ! On a aussi des capacités. Il faut foncer. Il faut croire en soi ! »
Texte : Vanessa Jollet ; photo : Léa Desjours