La carte de vœux de la Ville est signée Jo Di Bona. L’inventeur du « pop graffiti » a peint ses premiers murs dans le département qui l’a vu naître, la Seine-Saint-Denis, avant de marquer le monde du street art par la vivacité de ses portraits colorés.
Dès la porte de l’atelier de Jo Di Bona franchie, le ton est donné : la couleur explose, dans les dizaines d’aérosols qui couvrent les murs et le sol, sur les toiles qui exhalent un parfum de pop art. Qu’il s’agisse d’animaux ou de figures emblématiques, elle est partout, dans les points et les lignes des pochoirs, dans les collages, dans le mouvement nerveux des traits dessinés à main levée. Jo Di Bona se définit comme un graffiti artiste, un street artiste, un pop graffeur.
La galeriste Stéphanie Moran, qui a proposé à la Ville qu’il illustre sa carte de vœux 2021, préfère parler de lui comme d’un créateur au grand cœur. La générosité, c’est certain, éclate dans le sourire lumineux des adolescent-e-s qu’il a choisi de représenter pour souhaiter la bonne année aux Courneuvien-ne-s.
Le graffiti, l’histoire d’une vie
Il faut dire que l’adolescence passionnée, il connaît. « J’avais une dizaine d’années quand un gamin du quartier nous a initiés à la culture de la rue, au hip-hop, au break dance, au rap, au skate-board, raconte-t-il. Un jour, il a ramené des bombes de peinture, il a dit : “J’ai vu un film qui s’appelle Colors, c’est génial, venez, on va taguer dans la rue.” » Il fallait choisir un nom, j’ai pris Anoze. J’ai commencé comme ça… » L’adrénaline compense le risque des sanctions encourues à taguer murs et trains. En grandissant, ses copains s’orientent vers d’autres horizons, Jo reste focalisé sur ce qui est devenu sa raison d’être : « Il n’y avait pas Internet, j’avais des correspondants en Angleterre, en Hollande, aux États-Unis, en Australie. J’étais intéressé par la culture graffiti dans le monde entier. On échangeait des photos de ce qu’on faisait et on a commencé à élaborer des
lettrages plus complexes. Au lycée, il y avait d’autres graffeurs. Là, ça a été l’explosion. » Il est en classe de seconde quand il pose pour la première fois des bouts de pages de magazines déchirées sur des graffitis dessinés dans un cahier. « Je me suis dit : c’est ça, le pop graffiti. » La griffe Jo Di Bona venait d’être posée.
La fierté d’exposer à La Courneuve
L’aventure se poursuit jusque dans les années 2000 en parallèle d’un travail d’auteur-compositeur. Il cofonde le groupe rock Hôtel dont il est le guitariste, plusieurs albums voient le jour, les dates de concerts se multiplient... La peinture en pâtit, les relations se tendent au sein du groupe. Sa compagne et sa muse, Amélie, l’incite à peindre à nouveau. Elle prend quelques toiles de Jo et son courage à deux mains, se rend dans des galeries. Le succès est immédiat. « Nous étions à la fin de 2012, se souvient Jo. Dans cette galerie, il n’y avait que des stars et je me retrouvais à exposer avec les Américains qui m’avaient influencé quand j’étais gamin. » Depuis lors, il multiplie les créations, travaillant sur plusieurs œuvres à la fois, sans relâche, et enchaîne les expositions : Paris, Lisbonne, Atlanta, New York, Miami, Londres, Hong Kong, Lausanne, Munich… Il n’empêche : celui qui a fait la une du New York Times et graffé Gainsbourg et Birkin sur l’un des murs de la dernière demeure du chanteur confie : « Que mon travail se retrouve en vue à La Courneuve est une fierté pour moi. Parce que je viens d’une famille issue de l’émigration italienne. Et que mon père est né à La Courneuve. »
Texte : Joëlle Cuvilliez ; photos : Jeanne Frank