Marine Chatelot-Muller est créatrice de la marque de boucles d’oreille Do you ear me et consultante en communication institutionnelle. Que ce soit dans son parcours personnel, dans son parcours artistique ou dans son parcours professionnel, Marine Chatelot-Muller cherche à balayer les étiquettes pour affirmer la liberté d’être soi et de tracer son propre chemin.
Dans son appartement, situé boulevard Pasteur, les murs débordent de couleurs, d’art et de messages d’émancipation issus de chansons, de livres ou de pièces de théâtre, comme celui-ci, noté à la main sur un bout de feuille de papier : «Les gens se cramponnent à la normalité comme des animaux affamés ». «Ces extraits me font du bien, glisse-t-elle. Je suis une nana, j’ai 30 ans, alors il y a toujours quelqu’un ou quelque chose pour me rappeler qu’on attend de moi que je me pose avec un mec et que je fasse des enfants. Mais jamais on ne m’imposera de faire quelque chose parce que la société a dit qu’il le fallait, je déteste les cases ! »
S’extraire des cases pour devenir soi-même et aider les autres à faire de même, c’est cet engagement qui a poussé Marine Chatelot-Muller à créer en 2020 la marque Do you ear me. « Ça part d’une idée simple : utiliser les boucles d’oreilles comme un médium politique, pour véhiculer des idées que je défends et que j’ai envie de partager.Et ça marche, ça parle aux gens, ça crée des interactions". Parmi ses modèles, il y a par exemple des poissons-arroseurs et autres figurines de dinosaures caoutchouteuses et flashy comme celles qu’on peut récupérer lors des kermesses ou des goûters d’anniversaire. Un moyen de convoquer, et de revendiquer, l’esprit de l’enfance : « Quand on est gamin, si on veut faire un élevage d’escargots par exemple, on le fait, on ne se pose pas de questions. Porter des jouets pour enfants aux oreilles, c’est revenir à cette inconscience de la création et de la progression, c’est se dire qu’on fait ce qu’on a envie de faire. »
Éviter la reproduction des stéréotypes
Et puis il y a des boucles d’oreilles en Plexiglas inspirées de l’univers de rappeuses comme Princess Nokia ou Cardi B, qui luttent pour la sororité et l’empowerment féministe. Un terme qu’elle assume, mais qu’elle trouve galvaudé par ses détracteur-rice-s. « En tant que femme, blanche et globalement privilégiée, la seule domination que je subis, c’est la domination masculine, donc mon combat, c’est de lutter contre le patriarcat et les injonctions qu’il fait peser sur tout le monde, filles et garçons confondus. »
Pendant le premier confinement, elle a ainsi fait des amulettes en pâte à sel en forme de vulve qu’elle a distribuées à ses amies, en signe de soutien et d’admiration. « Ce sont des “Do you ear me people”, des personnes qui avancent malgré tout. » Elle s’est aussi lancée dans un travail d’écoute d’une journée type de programmes sur les cinq radios les plus écoutées de France pour y interroger la place et la représentation des femmes. Elle compte transmettre le montage qui en résultera à des sociologues des médias et du genre, afin de « faire avancer la cause ». Confection de pin’s et de badges, reprise des livres pour enfants qu’elle a déjà écrits mais pas encore publiés... En matière de création, celle qui a encore du mal à se définir comme une artiste fourmille d’idées à « faire passer » ou à « faire atterrir ». « Pendant des années, la créativité était très tue chez moi, la priorité était d’obtenir un CDI, s’amuse- t-elle. Ça vient de mon milieu, un milieu de classe moyenne où on nous explique qu’il faut avant tout avoir un métier. » Enfant, elle se rêvait journaliste, façon Tintin ou Rouletabille, mais elle a décidé de se tourner plutôt vers la communication institutionnelle, avec un objectif : passer des messages auxquels elle croit et éviter la reproduction des stéréotypes. « On a une énorme responsabilité : dans une campagne de publicité, on peut jouer sur les codes pour faire changer les perceptions, en intégrant par exemple des photos de personnes racisées sans tomber pour autant dans des représentations fantasmées, en montrant juste la vraie vie. »
Texte : Olivia Moulin ; photo : Léa Desjours