Francis Combes a fondé les célèbres éditions Le Temps des Cerises en 1993. Près de trente ans plus tard, il invite la poésie et la littérature humaniste à se poser à La Courneuve en y créant Le Merle moqueur, une association à vocation culturelle et artistique.
Jeudi 18 mars 2021, jour anniversaire du déclenchement de la Commune de Paris, un rassemblement d’une cinquantaine de personnes au cimetière du Père Lachaise, devant le mur des Fédérés, lit des poèmes de Louise Michel. « Nous avons ainsi présenté officiellement Marx à Paris, 1871. Le cahier bleu de Jenny, co-écrit par Olivier Besancenot et Michael Löwy et édité par Manifeste ! », explique Francis Combes.
L’homme vient d’installer avenue de la République, à La Courneuve, Le Merle moqueur, une association culturelle et artistique : « Historiquement, beaucoup d’éditeurs se sont installés dans les 5e, 6e, 7e arrondissements de Paris. Venir à La Courneuve, ville populaire, est cohérent avec ce que nous sommes et ce que nous voulons faire. »
Le Merle moqueur soutient Manifeste !, une maison d’édition. « C’est une association déjà ancienne, créée en 1998 par Sergio Ortega, mon meilleur copain à l’époque, un musicien chilien célèbre exilé en France, raconte-t-il. C’est à lui qu’on doit des chansons comme El pueblo unido, Venceremos. Il a composé la musique de la seule pièce de théâtre musicale écrite par Pablo Neruda. »
Ensemble, Sergio Ortega et Francis Combes ont écrit des chansons, des opéras, une cantate, La voix des voies, à partir de paroles de cheminots mobilisés pendant le mouvement de 1995. Leur maison d’édition, dédiée à la promotion de la chanson et de la poésie, sera mise en sommeil après le décès de Sergio Ortega. « Je l’ai ressuscitée via Le Merle moqueur ; une vingtaine de poètes et de musiciens en sont déjà partie prenante, poursuit Francis Combes. Nous avons publié Feu, un recueil de poèmes de deux gilets jaunes, Cathy Jurado et Laurent Thinès. Vont paraître coup sur coup, courant avril, un recueil de Ataol Behramoglu, poète turc et un autre d’Ouled Ahmed, poète tunisien de la Révolution du Jasmin. »
Le Merle moqueur s’inscrit dans le prolongement de l’aventure éditoriale du Temps des Cerises, que Francis Combes a créé en 1993 avec une trentaine d’auteurs associés, parmi lesquels Jorge Amado et Gilles Perrault. « Le Temps des Cerises affirmait par son nom son attachement à l’héritage de la Commune, précise-t-il. C’est une chanson révolutionnaire, mais aussi et avant tout une chanson d’amour que les gens continuent de chanter dans les fêtes de famille. »
« Un éditeur, c’est quelqu’un qui voit les livres qui manquent quand il rentre dans une librairie. »
Editeur depuis presque quarante ans, Francis Combes reconnaît qu’il y est entré presque par hasard, à 28 ans. Il faisait Sciences po ; russe, hongrois, chinois aux Langues O (l’Institut national des Langues et Civilisations orientales) et écrivait des poésies. Un de ses poèmes sort aux Editeurs français réunis, fondés par Aragon. Pierre Gamara, dirigeant de la revue Europe, lui propose alors de le seconder. De fil en aiguille, il se retrouve chez Messidor où il exercera pendant dix ans les fonctions de directeur littéraire. « J’ai édité l’oeuvre poétique d’Aragon, Umberto Ecco, Jean-Baptiste Clément, Eugène Pottier », se souvient-il. Dans même temps, ses propres textes se font connaître, une trentaine à ce jour, traduits dans une quinzaine de langues.
« L’édition repose sur la passion d’accueillir des auteurs, de les soutenir et de porter des livres à la connaissance du public, résume-t-il. Un éditeur, c’est quelqu’un, quand il rentre dans une librairie, voit les livres qui manquent. L’anthologie de Brecht aujourd’hui n’existe pas, par exemple… »
Manifeste !, soutenu par le Merle moqueur, entend publier une vingtaine de livres par an dont six recueils de poésie contemporaine. Marx à Paris 1871, Le cahier bleu de Jenny, en fait partie. Un docu- fiction dans lequel le philosophe, en visite dans la capitale française avec sa fille aînée, suit au jour le jour les événements de La Commune. Comme une introduction à cet épisode révolutionnaire qui connut une portée nationale et internationale retentissante.
Texte : Joëlle Cuvilliez ; photo : Léa Desjours