Le bonheur est dans le jardin

Publiée le 15 juin 2021

Le bonheur est dans le jardin

Jardins partagés

Ici et là dans l’espace public, les habitant-e-s de tout âge s’emparent avec enthousiasme des opportunités de mettre les mains dans la terre. Un moyen de (re)prendre contact avec la nature et de cultiver le lien social.

II faut voir ses yeux quand elle parle des légumes qu’elle fait pousser : des tomates, des carottes, des poivrons, des salades, des épinards, des aubergines et « même des concombres des Antilles », sa terre d’origine. En ce mardi 1er juin éclairé par un soleil estival, Julie, retraitée, jardine la parcelle qu’elle possède depuis trois ans dans les jardins partagés de Carême-Prenant. « Je viens tous les jours, le matin ou l’après-midi, et parfois le matin et l’après-midi, sourit-elle. Je vis en appartement, alors je suis contente d’avoir mon petit jardin. C’est un peu dur à cause de mon dos qui me fait mal, mais ça m’aère l’esprit : quand on est dedans, on oublie tout ! » Dans un milieu très urbanisé comme La Courneuve, les heureux bénéficiaires des parcelles inaugurées en 2015 viennent chercher un îlot de respiration et de verdure.

73% c’est le pourcentage de Français-e-s pour lesquels l’entretien d’un jardin est une source de plaisir

« On a différents profils, des personnes à la retraite, des couples, des jeunes et des familles, mais ils cherchent tous à se rapprocher de la nature», indique Azzouz Kajout, responsable de l’association qui gère les jardins partagés depuis 2019. Se rapprocher de la nature et du vivant, renouer avec le temps long et le rythme des saisons, c’est aussi ce qui attend les élèves de CM2 de l’école élémentaire Paul-Langevin venus ce même jour au potager de la Reine, dans le cadre du Plan d’éducation artistique et culturelle (PEAC). Encadrés par Monte Laster et Dee Curtis de l’association FACE et par leur enseignante, elles et ils grattent la terre, plantent des topinambours, arrosent les plantes au tuyau et à l’arrosoir, observent les vers de terre et les coccinelles et cueillent des fleurs et des feuilles pour composer leur herbier. « Ça sent trop bon ça, c’est quoi ? » demande Fahim en frottant avec énergie les tiges d’un fenouil.

Le jardinage, un outil de partage

Les enfants engagés dans ce projet ont parfois un rapport à la terre bien plus important que ce que l’on pourrait imaginer de la part de petits citadin-e-s. Certain-e-s, comme Davud, sont déjà familiers de ce drôle d’arbuste au feuillage soyeux et argenté planté au milieu du potager, l’Artemisia absinthium. « Mon papi en Turquie en met toujours dans son thé ! » explique-t-il aux membres de FACE, avant d’évoquer les ruches et le miel de sa grand-mère. Le jardin permet ainsi de partager des souvenirs et des connaissances, de nouer des conversations et des relations. «C’est tout le principe de notre potager : montrer qu’un espace vert peut créer du lien social entre les habitants d’un quartier ou d’une ville, entre les générations, entre les cultures…» confirme Monte Laster.

Pour batailler contre les escargots, les limaces et les chenilles, contrer les effets du gel et faire face à tous les autres aléas du jardinage, il vaut mieux effectivement la jouer collectif. Face aux intrusions dans les jardins de Carême-Prenant, Azzouz Kajout a décidé d’impliquer les enfants du quartier dans le projet. « Certains envoyaient leur ballon dans les parcelles, alors je les ai fait entrer, je leur ai donné des pelles pour creuser la terre et je leur ai expliqué ce qu’est un potager : de l’or noir ! Ils ont bien compris. Le dialogue, c’est ce qu’il y a de plus important. »

En plus de l’aide de Plaine Commune qui a, par exemple, fourni des bacs à compost et organisé un atelier sur le compostage, et de la Ville, les jardinier-ère-s de Carême-Prenant peuvent compter les uns sur les autres et ont créé un groupe WhatsApp pour échanger. « C’est important l’entraide, insiste Ahmed, qui a demandé une parcelle en 2020 pour partager une « aventure » avec son beau-père. Quand on démarre, on ne connaît rien. C’est un autre jardinier qui m’a appris que les séparateurs en bois que j’ai installés attirent les vers et les asticots. » Parmi les «mentors», comme les appelle Azzouz Kajout, celles et ceux qui prodiguent conseils et coups de main, il y a Muhammad. Il s’est mis au jardinage en 2015 pour rester actif et prendre de la distance face à ses nombreux problèmes de santé. Sa dernière trouvaille ? Des bouteilles de plastique recyclées en fraisiers suspendus. « J’ai vu ça sur YouTube ! » lance-t-il avec fierté. Dans les jardins, ce sont aussi les idées qui fleurissent.

Textes : Olivia Moulin ; photos : Léa Desjours

 

Jardins partagés

Jardiner dans sa rue ou dans son quartier

Avec le permis de végétaliser, tout le monde peut semer des graines en ville !

permis de végétaliser

Pas besoin de jardin pour jardiner : un pied d’arbre, un potelet, un mur, un bac ou une jardinière installés sur le trottoir peuvent faire l’affaire ! Lancé en 2019 par Plaine Commune et les neuf communes du territoire, le permis de végétaliser permet aux habitant-e-s (particulier-ère-s, conseils de quartier, associations, commerçant-e-s…) de faire pousser, en solo ou à plusieurs, la nature en ville.

Comment ?

Il suffit de faire une demande d’autorisation d’occupation temporaire (AOT) du domaine public auprès de Plaine Commune, avec une description du projet, un plan ou une photo de l’emplacement, la charte de végétalisation signée et une attestation d’assurance responsabilité civile. Si le projet est validé, le permis est accordé pour une durée d’un an (renouvelable tacitement pour quatre ans maximum). Millepertuis rampant, julienne des jardins, gazon d’Espagne… la charte de végétalisation comporte une liste de végétaux à privilégier parce qu’ils sont peu gourmands en eau, vivaces, et fleurissent longtemps. En revanche, certains végétaux sont interdits, comme les plantes toxiques, envahissantes ou épineuses. Pas question non plus d’utiliser des engrais chimiques et des produits phytosanitaires, ni de laisser sa parcelle à l’abandon. Couper, tailler, tuteurer, nettoyer… le jardinage, c’est du travail ! Mais Plaine Commune et la Ville, sans se substituer aux habitant-e-s, sont là pour les accompagner et les aider à favoriser la biodiversité, embellir leur cadre de vie et s’approprier l’espace public.

Plus d’infos sur le site Internet de Plaine Commune

vert en ville