Laïla Zaâzoui, professeure préparant au baccalauréat de sciences et technologies de la santé et du social (ST2S) au lycée Jacques-Brel, a fait de la confiance et de l’éducation les atouts majeurs de son parcours personnel et professionnel. Ce sont aussi les valeurs qu’elle cherche à transmettre à ses élèves.
C’est une « enfant du 93 ». Née à Bobigny en 1975, Laïla Zaâzoui déménage à 2 ans pour habi- ter à Noisy-le-Sec, dans le quartier du Londeau qu’elle ne quittera plus jusqu’à l’âge adulte. Ses parents sont d’origine marocaine, lui est ramoneur et elle agent de service. La profession de sa mère va être déterminante : elle travaille dans l’école primaire où la petite Laïla est sco- larisée. Alors que sa maman ne sait ni lire ni écrire le français, celle-ci « se rend compte du pouvoir de l’école dans la vie de tous les jours » et insuffle à ses enfants l’importance de l’éducation, « sans pour autant nous mettre de pression pour qu’on réussisse ». Sa famille lui inculque que, même si on a des origines modestes, « il ne faut pas se sous-estimer, tout en restant humble ».
Première de classe à l’école Arthur-Rimbaud, elle veut être une très bonne élève. Elle enchaîne avec le collège-lycée Brément, situé juste en face de chez elle. « Je ne savais pas ce qu’était la mobilité », confesse-t-elle. Crèche, école, collège, lycée : tous ces établissements se situent dans un périmètre restreint autour du domicile familial. Mais « on n’avait pas l’impression d’être stigmatisés pour autant », tempère-t-elle. L’école au sens large est un lieu de transmission mais aussi de socialisation : elle se souvient que « notre hobby était de nous retrouver entre élèves au lycée, même quand nous n’avions pas cours ».
« La manière dont les professeurs amènent les choses peut motiver ou démobiliser. »
Fidèle en amitié, elle gardera ce lien jusqu’à aujourd’hui. Pour elle, l’attachement à des personnes de confiance est essentiel. Ce lien de confiance, avec les élèves comme avec les enseignant-e-s, joue un rôle important dans sa réussite scolaire. Pour elle, « la manière dont les professeurs amènent les choses peut motiver ou démobiliser ». Déterminée à suivre une filière qui lui convient, elle préfère redoubler sa seconde parce que la première économique et sociale (ES) lui a été refusée. Elle fait bien, car l’année suivante elle accède à cette même filière et réussit brillamment sa terminale. Le choix, ensuite, d’un BTS en économie sociale et familiale (ESF) à Saint-Ouen correspond bien à son « rapport aux autres », à savoir « du social, mais pour en faire un métier, pas comme bénévole ». Puis elle enchaîne sur le diplôme d’État de conseil en ESF, fonction qu’elle exercera à Noisy-le-Sec de 1998 à 2002.
Si elle se tourne alors vers l’enseignement, c’est par « besoin de s’émanciper », résume-t-elle. Classée deuxième au concours national, elle est affectée au lycée Jean-Jaurès à Montreuil comme stagiaire puis demande La Courneuve… et dix-sept années plus tard, elle y est toujours. Son enseignement « part des besoins de santé et du bien-être de la population ». Laïla Zaâzoui insiste sur l’importance pour les élèves d’acquérir une sensibilité à la situation des personnes car « ils seront orientés vers des métiers à contact humain comme infirmier, éducateur, assistant de service social, conseiller en économie sociale et familiale (CESF)… » À partir de documents ou d’interviews, l’enseignante indique comment améliorer une situation en fournissant une méthode pour mettre en place des projets professionnels.
L’enseignante considère que, pour réussir dans cette filière, les jeunes des milieux populaires ont un atout principal : « La ténacité. » « Ils témoignent aussi d’un savoir-être qui n’est pas de la gentillesse au sens naïf, mais une véritable empathie », explique-t-elle, ajoutant : « “Les avoir dans son équipe, c’est top !” doivent se dire les employeurs. » Cette générosité, les élèves en donnent de nombreux exemples, en participant à une collecte alimentaire à Sevran ou en faisant preuve d’entraide lorsqu’ils travaillent ensemble. Au fil des années, Laïla Zaâzoui a noué de nombreux partenariats locaux. Les élèves se rendent alors compte que le territoire témoigne de l’intérêt pour eux, et pas seulement l’inverse.
Cette année, elle a renouvelé les collaborations, avec la Maison Marcel-Paul dans le cadre de la Semaine bleue ou avec le commissariat de police. « Cela permet de voir qu’il y a des gens derrière l’image abstraite du professionnel », précise-t-elle. Ses projets pour l’avenir ? Contribuer à la création d’une association des anciens élèves du lycée Jacques-Brel. Valoriser le parcours des élèves demeure plus que jamais sa priorité.
Texte : Nicolas Liébault ; photo : Léa Desjours