Kamel Kajout : « On peut tout faire si on le décide »

Publiée le 5 nov. 2021

Kamel Kajout : « On peut tout faire si on le décide »

Sportif, champion de lecture rapide, acteur associatif, père de quatre enfants… À 38 ans, Kamel Kajout vit mille vies en une et veut aider les autres à faire de même, en libérant le potentiel de leur cerveau.

S ’il y a quelqu’un qui semble être la meilleure version de lui-même, c’est bien lui. Dans les locaux du centre de formation en efficience cognitive Graines de réussite, qu’il a fondé avec son épouse Nadia Bouali à Bondy, Kamel Kajout est détendu mais à l’affût. À l’affût de  nouvelles connaissances et de nouvelles expériences à engranger, à raconter, à transmettre. « J’ai toujours aimé apprendre », sourit celui qui a grandi à La Courneuve, cour des Maraîchers. Mais le « super bon » élève rate son bac. « J’ai buggé en découvrant que la calculatrice était interdite, le stress a inhibé mon cerveau. Ça a été le choc de ma vie. » La seconde fois est la bonne. Il se lance dans une licence d’électronique puis intègre l’École nationale supérieure de l’électronique et de ses applications (Ensea), une grande école d’ingénieur-e-s à Cergy.

« Je faisais du soutien scolaire et j’étais déjà dans l’efficacité, je montrais aux enfants et aux jeunes à quoi servent les études. »

Déjà, il empile les activités. En plus de ses études, il travaille comme éducateur et professeur de judo au service des Sports et comme animateur au service Jeunesse. « Je faisais du soutien scolaire et j’étais déjà dans l’efficacité, je montrais aux enfants et aux jeunes à quoi servent les études. Pour bien apprendre, il faut prendre du plaisir et donc comprendre ce qu’on fait. » Kamel Kajout s’engage aussi dans l’humanitaire avec le Conseil local de la jeunesse et avec Unisoleil, l’association qu’il a créée avec sa sœur Fatima pour, entre autres objectifs, construire une école dans le village d’origine de leurs parents au Maroc.

Pour son entrée sur le marché du travail, le diplômé brillant subit et la crise de 2008 et la discrimination à l’embauche en tant qu’habitant de Seine-Saint-Denis. Il rédige plus de cinq cents C.V. et lettres de motivation, emprunte parfois l’adresse postale de sa sœur ou de l’un de ses frères. « Je pouvais passer toutes les étapes d’un recrutement mais quand je disais où j’habitais, ça ne passait plus. On dénigre ce département alors qu’il y a des pépites ici ! » Lors d’un entretien chez Arianespace, il décide de parler de ses activités sportives et associatives plutôt que de son cursus. Banco ! « Je suis arrivé là-bas avec beaucoup d’humilité et de fierté : j’étais la seule personne d’origine maghrébine et moi, le petit jeune de banlieue, j’allais donner des ordres à des gens avec trente ans d’expérience. » En 2018, alors qu’il travaille désormais au Centre national d’études spatiales (Cnes), il accompagne sa femme aux Championnats du monde de lecture rapide pour s’occuper de leur quatrième enfant. Depuis longtemps, Nadia Bouali apprend à mieux apprendre grâce à des techniques de mémorisation, aux cartes mentales et à la lecture rapide. « Je la voyais réviser pour ses examens de naturopathie de façon super efficace, mais je ne m’y m’intéressais pas, j’étais dans mes mangas », rigole Kamel Kajout. Amené à remplacer un candidat à la dernière minute, il finit pourtant 30e sur 250 ! « D’un coup, plein de verrous sont tombés dans mon cerveau. » Coaché par sa femme, son « petit ange » qui le tire toujours plus haut, il enchaîne alors formations et compétitions et décroche la première place aux Championnats de France, d’Europe et du monde de lecture rapide 2021, en avalant un livre de 450 pages en… dix minutes.

« On a des outils pour relancer cette machine extraordinaire qu’est le cerveau »

La victoire est aussi collective, avec une première place en équipe pour les apprenant-e-s de Graines de réussite. « On a des outils pour relancer cette machine extraordinaire qu’est le cerveau et rendre la vie des gens, enfants, jeunes ou adultes, plus facile. Notre vocation, c’est de démocratiser ces méthodes d’apprentissage, qui se transmettent dans l’élite. On peut tout faire si on le décide. » Les époux vont ainsi proposer des ateliers gratuits dans les écoles et les Missions locales, former des animateur-rice-s avec la mairie de Bondy… Et, fidèles à leurs valeurs d’entraide et de solidarité, ils reversent 5 % des bénéfices issus des formations payantes à leur association Les chemins du cœur, qui intervient dans la santé, l’éducation, l’accès à l’eau  et l’aide alimentaire. À ses multiples vies, Kamel Kajout compte encore en ajouter d’autres, en grimpant au sommet de l’Everest et en étudiant la médecine.

Texte : Olivia Moulin ; photo : Léa Desjours

Kamel Kajout