De nombreux curieux-euses, venus de toute la France, ont choisi de se rendre à La Courneuve pour découvrir les documents précieux des Archives diplomatiques, dévoilés le temps d’un week-end à l’occasion des 38e Journées européennes du patrimoine.
Sylvie Yéomans, cheffe du pôle Communication à la direction des Archives diplomatiques, était enchantée : vendredi 18 septembre, deux classes de l’école élémentaire Louise-Michel sont venues visiter celles-ci en avant-première des Journées européennes du patrimoine. « Enfants et enseignants étaient ravis ! » a-t-elle résumé.
Le lendemain, le centre des Archives diplomatiques a connu une affluence inhabituelle. Venus de toute l’Île-de-France, de Paris, mais aussi de Nantes et de Saint-Raphaël, les visiteur-euse-s attendaient avec impatience de découvrir quelques-uns de ses documents précieux –dépêches transmises par les ambassadeurs et les consuls depuis le XVIe siècle, traités signés par la France du XVe siècle à nos jours.
Un design inspiré du Baushaus
Le régisseur des prêts aux expositions, Luc Vandenheinde, leur a présenté l’édifice qu’a réalisé l’architecte Henri Gaudin, décédé l’an passé à l’âge de 87 ans, et qu’a inauguré Bernard Kouchner en septembre 2009. « Son design est inspiré du Baushaus, il comptabilise 12 000 m2 de dépôt, 500 000 ouvrages, a -t-il expliqué. Nous avons un autre site à Nantes, consacré aux 176 ambassades et 72 consulats qui existent à travers le monde. »
C’est en 1680 que le frère du grand Colbert, Colbert de Torcy, premier secrétaire d’État d’Henri III, ambassadeur à Londres et à Berlin, décide de faire relier « en maroquin pourpre du Levant » les dépêches politiques de ses prédécesseurs. Les Archives sont nées. Elles sont aujourd’hui dirigées par le diplomate Nicolas Chibaeff. « On y trouve les correspondances politiques parmi les plus riches du monde avec celles du Foreign Office de Londres », a précisé le régisseur.
Atelier marqueterie et typographie
Dans la salle des microfilms sont entreposés quinze millions d’actes d’état civil des personnes de nationalité française ayant vécu à l’étranger entre 1796 et 1910, parmi lesquels celui de la comtesse de Ségur, née Rostopchine, auteure des célèbres Malheurs de Sophie et d’Un bon petit diable.
Les visiteur-euse-s ont pu voir le cartulaire de Christophe Colomb, l’acte notarial de toutes les promesses accordées au Génois par Ferdinand et Isabelle d’Espagne. Il date de 1502 et a été rédigé en espagnol gothique. Dans les lettrines ont été dessinés des visages. Le régisseur leur a également présenté l’une des vingt-six lettres d’amour que Henri IV a écrites à Marie de Médicis, ainsi que La Relation de la Moscovie donnée au duc de Saint-Simon par le duc de Liria, qui vécut à Saint-Pétersbourg de 1728 à 1731. Le document est un mémoire remarquable sur l’organisation politique et sociale de l’empire russe, sur ses mœurs, la cruauté de sa justice, son clergé et ses pratiques religieuses.
Les "singes" composaient, les "ours" encraient
Chacun-e a pu admirer le traité signé entre la France et les nouveaux États-Unis d’Amérique par Benjamin Franklin, en 1778, un document codé annonçant la mort de Louis XVI, une lettre de créance cosignée par Bonaparte et Talleyrand, ministre de l’Empire, et un splendide portefeuille, instrument de ratification du traité de Tilsit signé le 7 juillet 1807 par le tsar Alexandre 1er.
Puis les visiteur-euse-s ont assisté au travail de Benoît Marcu, ébéniste spécialisé dans la création de meubles et la rénovation de mobilier ancien. Parmi ses ouvrages, un coffret en bois de citronnier moiré ; un autre, en bois de palissandre. Un peu plus loin, dans l’atelier de typographie animé par Anatole (graveur) et Gaby (illustratrice), ils ont imprimé un article de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Gaby en a profité pour évoquer l’argot spécifique aux typographes : « Les personnes qui composaient, on les appelait les “singes”, ceux qui encraient, les “ours”. »
Les Journées européennes du patrimoine, ce sont des découvertes mais aussi d’étonnantes coïncidences : Mélany, jeune Courneuvienne qui prépare le diplôme national des métiers d’arts et de design, en a fait la réjouissante expérience. « Vendredi matin, j’ai appris les bases de la typographie à l’école, raconte-t-elle. Et aujourd’hui, en visitant les Archives diplomatiques, j’ai eu l’occasion de passer à la pratique… »
Texte : Joëlle Cuvilliez ; photos : Thierry Ardouin