Cassandra Mendy est une entrepreneuse née. À 27 ans seulement, elle a déjà ouvert une boutique de tissus, créé sa propre marque de vêtements et s’est lancée dans le prêt-à-porter et le sur-mesure.
Mère née à Dakar, au Sénégal, père né à Bissau, en Guinée-Bissau, dernière d’une fratrie de trois sœurs et cinq frères, parlant wolof et manjak, Cassandra Mendy, alias Cassie, se revendique enfant de la banlieue. « Je suis née à Villepinte, j’habite à Villiers-le-Bel. J’ai passé le bac à Survilliers-Fosses et je travaille à La Courneuve », confirme- t-elle, rayonnante.
Son parcours en dit plus long qu’un dis- cours. « J’ai travaillé dans la restauration en tant que cheffe de salle pendant trois ans durant ma scolarité, le week-end, résume-t-elle. Quand j’ai eu mon bac, j’ai continué à travailler à l’académie de Créteil. Aujourd’hui, le week-end, je me lève à 9 heures, je ne prends pas le temps de déjeuner, je fonce travailler, jusqu’à 20 heures parfois, dimanche inclus. »
De l’académie de Créteil au « Petit Dubaï » de La Courneuve, le quartier des tissus, il y avait un sentier discret, celui de la créativité. Cassie l’a emprunté sans hésiter. « Je m’habillais souvent avec du wax* et je me faisais confectionner des habits sur mesure, explique-t-elle.
« La Courneuve, c’est super accueillant, comme si c’était chez moi. Plus que chez moi. Chez moi, j’y vais pour dormir et manger… »
Je regardais comment travaillait le couturier, monsieur Diallo. Une bonne relation, amicale, s’est installée entre nous. J’ai commencé à coudre avec lui. Un an, deux ans, trois ans ont passé. Un jour, je me suis dit : pourquoi ne pas développer une autre forme de prêt-à-porter, du sur-mesure ? »
Cassie propose une collaboration au couturier. Elle voit grand, moderne. Ils trouvent un local à côté de l’hôtel de ville, qu’il leur faut rapidement quitter, puis une autre opportunité se présente, à laquelle ils doivent également renoncer. Cassie ne se décourage pas, elle finit par dénicher la boutique du 8 bis, rue Émile-Zola où elle vend cotonnades, satin, soie et beaucoup de wax*, venu tout droit de Hollande ou de Thaïlande. Très vite, la clientèle afflue.
« Je me suis associée avec Salah, précise-t-elle. Nous choisissons nous-mêmes les tissus, les motifs, la couleur, les imprimés. Il va à l’étranger acheter la marchandise. » Karim vient rejoindre l’équipe.
Les premiers temps sont énergivores. Cassie a beau mettre les bouchées doubles, elle est au bord de l’épuisement. « Quand j’ai ouvert la boutique, je travaillais dans la restauration le week-end, en semaine à l’académie de Créteil et tous les jours, après 17 heures, je me rendais à l’atelier. À l’académie, de mai à septembre, c’est le temps du dépôt des livrets, il y a une très grande quantité de dossiers qu’il faut traiter avant le mois d’août, mais en couture, l’été, c’est la période des mariages. Je travaillais parfois jusqu’à minuit. J’ai tenu un an. » Elle décide de se consacrer exclusivement à son affaire, en espérant avoir fait le bon choix. C’est alors que le Covid arrive. Cassie relève la tête. « C’est vrai qu’il nous a touchés, mais nous avons collaboré avec la mairie pour fabriquer des milliers de masques. Puis il y a eu des moments plus compliqués, tout était au ralenti. On relativise quand même… » En 2019, elle crée sa propre marque de vêtements, By-Nampely. Elle commence par des modèles simples, des petites vestes, des jupes. « Ça a bien marché ! s’exclame-t-elle. Je cousais des modèles, je les portais et les clientes disaient : “C’est combien ? Moi aussi, j’en veux un !” » Les tarifs s’adaptent à la clientèle ; elle ajuste ses prix pour les bourses étudiantes : « J’essaye de satisfaire tout le monde, les jeunes, les mamans, les familles. »
Si la notoriété la gêne, La Courneuve l’enchante. « C’est super accueillant, comme si c’était chez moi. Plus que chez moi, rectifie-t-elle. Chez moi, j’y vais pour dormir et manger… C’est une bonne ville, très solidaire. À mes yeux, elle accompagne vraiment ses habitants. » Pour sa famille, ses anciennes camarades de classe, Cassie a réussi. Elle pense plutôt qu’elle a entrepris et leur répond qu’elle s’est débrouillée. Ce n’est pas de la fausse modestie. Car Cassie, toujours sur le sentier de la créativité, ne mesure pas tout à fait le chemin parcouru. « Si on m’avait dit un jour que j’en serais là, j’aurais eu du mal à le croire », sourit-elle. Elle hésite un instant, puis conclut : « En fait, je suis curieuse. Oui, c’est ça, je suis curieuse… »
Texte : Joëlle Cuvilliez ; photo : Léa Desjours
* Aussi appelé « tissu africain », le wax est un textile de coton aux motifs colorés.