Trust-Preacher François (dit TP), 23 ans, est membre du club de football américain le Flash et agit comme bénévole à la Fédération française de sauvetage et de secourisme. Originaire d’Haïti, il en véhicule les valeurs de solidarité tout en traçant sa voie dans une vie non exempte de difficultés.
Parfois, un prénom résume bien une personnalité. C’est le cas de Trust-Preacher François, 23 ans, qui a fait de l’engagement le cœur de sa vie. «Trust» dit la confiance que l’on peut avoir en lui (et dont il témoigne en retour auprès des gens), et « Preacher » (« prédicateur », en anglais) exprime sa sensibilité religieuse, mais également sa capacité à transmettre que nous remarquons dans son charisme. Pour ses proches, c’est simplement TP (prononcer « Tipi »), un acronyme attribué par une amie au collège.
Son prénom provient d’Haïti, un pays (« mon pays », dit-il toujours) qu’il quitte à 7 ans pour venir en France. « J’ai de merveilleux souvenirs de là-bas. Cette vie hors de France était avec une liberté, de l’espace, une capacité de faire des choses. » Installée d’abord à Stains, sa famille vient vers 2012 à La Courneuve, où il fréquente le collège Raymond-Poincaré et le lycée Jacques-Brel. TP vit avec sa mère, qui est agente spécialisée des écoles maternelles, son petit frère et sa petite sœur. « L’ambiance y est mouvementée, maman au travail, le petit au club de basket, la petite à la danse à Béatrice-Hess », sourit-il. Sa famille en trois mots : engagement, enthousiasme, volonté propre à chacun. De sa vie ici, il a de bons souvenirs, par exemple la Course contre la faim qui l’a intéressé à l’humanitaire. Sa scolarité au collège présente pourtant quelques difficultés dont il a su faire une force.
"On a une voie, il faut la saisir et y aller à fond, tout en respectant les limites à ne pas dépasser"
« J’ai entrepris de faire de l’athlétisme pour montrer à ceux qui se moquaient de moi que je pouvais devenir meilleur qu’eux », raconte-t-il. Mais délégué de classe depuis le collège jusqu’à récemment le BTS, il a toujours été aussi un « preacher ». À la suite d’une journée d’intégration, TP intègre le Flash, le club de football américain. « Je suis Courneuvien ! s’exclame- t-il. Et, donc, intégrer des structures de ma ville, c’est bien. » D’abord receveur, il joue maintenant en première ligne, en troisième division. Il l’admet : ce qu’il aime dans ce sport c’est « la violence, la liberté, se défouler ». Mais il apprécie aussi « l’ambiance familiale, open bar quelle que soit sa nationalité ». Devenir secouriste est venu ensuite, toujours par le biais de la ville : « On m’a indiqué qu’il y avait quelques postes d’été comme sauveteur secouriste. J’ai commencé par La Courneuve Plage. » Persévérant, il passe un diplôme de PSE2 (équipier secouriste), puis intègre la Fédération nationale, devenant lui-même formateur. « On est les premiers maillons de la chaîne », rappelle TP, regrettant que cette mission soit assez mal connue. Cet engagement l’a amené à agir lors de différents événements sportifs : taekwondo, match du PSG, championnat de natation...
« On a aussi soutenu les ambulanciers pendant le Covid », explique-t-il. Il a sillonné pour cela toute la France : la Somme, les Landes, la Meuse... Dans cette activité, il retrouve l’esprit d’Haïti, « où un voisin pouvait en aider un autre sans rien attendre en retour ». « Là-bas, ça fait partie de la vie ! » résume-t-il, ajoutant malicieusement : « Je ne suis pas né en France, donc je sais ce qu’est l’esprit d’équipe. » Il veut aussi montrer qu’« un Courneuvien, ce n’est pas un stéréotype », une image qui peut déboucher sur de l’animosité : « Quand je travaillais à Paris, les employeurs n’avaient pas 100 % confiance en ma candidature parce que je venais de La Courneuve. » Ses projets ? Il vient de finir un BTS technico-commercial, mais envisage d’intégrer « l’armée de l’air, à long terme ». C’est encore un peu flou mais il a le temps. Il compte aussi se marier et avoir des enfants. Il explique : « Ma mère m’a mis au monde pour que je mette d’autres enfants au monde, c’est une continuité. » Et de conclure : « Comme au Flash, on a une voie, il faut la saisir et y aller à fond, vivre la vie à fond les manettes tout en respectant les limites à ne pas dépasser. »
Texte : Nicolas Liébault ; photo : Léa Desjours