Nous avons parcouru certains quartiers de la ville à la rencontre des habitants et des commerçants « déconfinés ». La vie reprend très progressivement ses droits dans l’espace public, les équipements et les boutiques, mais la peur de la maladie et les risques financiers continuent de planer sur le quotidien des Courneuvien-ne-s.
Quartier des Quatre-Routes
Au marché couvert des Quatre-Routes en ce mardi, rien n’a été laissé au hasard pour assurer la protection sanitaire des clients. Des chicanes ont été installées pour filtrer le public. Des policiers municipaux, dont le véhicule est garé non loin, sont prêts à intervenir en cas de besoin. Le masque est rendu obligatoire à l’intérieur du bâtiment. Un itinéraire est même prévu au sein du marché pour éviter que les clients ne se croisent. Selon Kalilou, le responsable du nettoyage, toute la halle est également désinfectée par une quinzaine d’agents.
Malgré cela, plus d’une semaine après le déconfinement, les habitants du quartier demeurent peu nombreux en cette matinée à faire la queue pour acheter des denrées alimentaires. Un vendeur nous donne l’explication : « Malgré les précautions, les gens évitent le marché parce qu’ils ont peur de la contamination et que, par ailleurs, ils n’ont plus beaucoup d’argent en réserve pour leurs achats. » De plus, « les clients n’ont plus le droit de toucher les produits avant de les acheter », déplore Nissoul, venue faire ses courses au marché.
Faute d’activité, les 47 commerçants présents dans la halle constatent une perte sèche. Non loin de là, place du 8-mai-1945, les commerces traditionnels n’ont pas tous réouverts. Le boulanger en profite même pour repeindre sa devanture.
Image étonnante : la place est presque déserte… mais le tramway qui la traverse est lui bien rempli. Sur le quai, munis de visières en plastique, huit employés de City One (un prestataire de la RATP) s’évertuent à réguler les flux d’entrée et de sortie, à demander le port de masque et à faire respecter les distances. « Laissez descendre avant de monter ! », crie l’un d’eux. Selon leur cheffe d’équipe, cette affluence n’est pourtant encore rien à cette heure : « l’après-midi, le tramway sera bondé, surtout vers 16 heures. » Au mépris de la sécurité.
Quartier du centre-ville
Au centre-ville, la vie quotidienne n’est pas revenue tout à fait à la normale. Une très grande queue s’étire devant le bureau de Poste, un agent filtrant les entrées (ici aussi) pour qu’un nombre raisonnable d’usagers soient présents devant aux guichets. « Pourtant j’ai seulement une lettre à envoyer ! », se plaint un homme qui patiente au sein de la file. Non loin de là, Félix, un facteur, déplore d’avoir à effectuer le samedi quatre tournées dans la même journée, la diffusion ce jour-là ayant été réduite à une fois par mois.
Certains petits commerçants du quartier ont conservé leur clientèle habituelle. Le propriétaire de la boucherie Essalam, située allée du Progrès, nous l’explique : « mon magasin n’a jamais fermé, même si, sur le marché de Noisiel où je vends aussi, j’enregistre près de 60% de perte. » Comme tous ses collègues d’autres boutiques, il s’évertue à protéger sa clientèle de la maladie en apposant des marquages au sol et en limitant l’affluence à deux clients à l’intérieur de la boutique. Mais il n’exige pas le port du masque.
Quartier des 4000-Nord
Les rues sont presque desertes aux 4000-nord. Rachid et Hamid, deux vendeurs de la boulangerie La belle époque, constatent ici encore une baisse du nombre de clients. « Depuis l’épidémie, de 400 baguettes par jour, nous sommes tombés 80, voire 60 ! Et de 150 pains au chocolat, à… quatre ! Au total une baisse de 80%. », détaille l’un d’entre eux. Dans ces conditions, le propriétaire a dû se séparer de cinq employés. La même explication surgit : « les gens ont peur et n’ont plus d’argent. » Pourtant, la boulangerie a apposé des plaques de verre tout le long du comptoir et les vendeurs portent des masques de manière continue. Une autre raison avancée de la baisse de la fréquentation est la pause dans le chantier de déconstruction de la barre Robespierre pendant le confinement, ce qui implique moins d’ouvriers se rendant à la boulangerie. Les travaux devraient bientôt reprendre.
Parc départemental Georges-Valbon
Au parc départemental, en ce beau début d’après-midi ensoleillé, les promeneurs bénéficient d’une ambiance de calme et de verdure dont ils ont été privés depuis deux mois. Ornella et Ernest, assis sur un banc main dans la main, ont appris par internet que le parc avait réouvert le jeudi 14 mai à titre expérimental. « Nous ne connaissions pas le lieu, dont nous avons découvert l’existence hier », se réjouit Ernest qui avoue « recommencer à vivre ». Certains habitants en profitent pour refaire du sport, comme ces trois jeunes gens en plein exercice physique sous la surveillance de leur coach. Près du lac, Nadia et Amandine, accompagnées de leur enfant respectif, se « sentent ici en sécurité », tandis que Séverine, Wallys et leur fils trouvent bien « cool » la température. Ce dernier précise que « cela faisait longtemps que nous n’étions pas venus et j’ai bien souvent eu envie de sauter la grille pour un petit run ! ». Ce n’est plus la peine désormais.
Reportage réalisé par Nicolas Liébault ; photos : Léa Desjours et Meyer