Lassana Konaté, IIayda Kaba et Katty Abdoulioihabi porteront les couleurs du Ring courneuvien au championnat de France de boxe anglaise. Sous l’œil d’un « Tonton » aussi exigeant en matière de résultats scolaires que sportifs.
Tonton est perché. Sur un tabouret en équilibre précaire au sommet d’une armoire, en coin de ring... Il a une vue imprenable pour prodiguer ses conseils à Lassana Konaté, qui fait ce soir-là une « mise de gants » pour préparer le seizième de finale du championnat de France auquel il participe le week-end suivant. Tonton, c’est Ahmed Kerrar, l’entraîneur du Ring courneuvien – et son âme aussi – qu’ici enfants et adultes appellent affectueusement « Tonton ». « La mise de gants, c’est l’opposition entre deux boxeurs, pour un test-match », explique Mohamed Hanzaz, président du Ring Hanzaz Dionysien. Il est venu en voisin avec son fils Jaafar. Qui joue le sparring-partner pour aider Lassana à préparer sa compétition. Sur le ring, pendant un combat de trois rounds de trois minutes, les adversaires donnent tout. Lassana a 18 ans et est en terminale, il fait de la boxe depuis quatre ans, dont deux ans et demi en amateur. Il a vingt-deux combats à son actif. Et en a gagné douze. Il est champion d’Île-de-France cette saison. Et vient de participer à une détection pour être dans l’équipe de France Espoirs.
« Là j’espère être champion de France »
Lassana n’est pas la seule étoile du club à briller. Ilayda Kaba et Katty Abdoulioihabi – 17 ans toutes les deux – s’entraînent aussi pour le championnat de France féminin de mars. Lycéenne en première à Jacques-Brel et habitante des Six-Routes, Ilayda entame sa troisième saison. Et est déjà championne d’Île-de-France en moins de 51 kg. Katty est aussi lycéenne, en terminale, mais au Plessis-Robinson où elle vit. Elle a fait un passage de trois ans au Derek Boxing de La Courneuve. Avant de découvrir le « noble art ». Elle est à La Courneuve aussi parce que sa sœur y habitait. La voici vice-championne régionale en moins de 48 kg.
Tonton, faut pas l’énerver...
Sur le ring, les deux jeunes filles aux gabarits voisins s’affrontent pendant quelques rounds. Du Derek, Katty garde une vivacité et un jeu de jambes remarquables. Ilayda semble plus posée. Mais, solide sur ses appuis, elle a une frappe bien plus lourde. Qui marque ses adversaires. Il y a de la fierté chez cette dernière quand elle raconte que c’est grâce à son père qu’elle est venue à son sport : « Il a pratiqué la boxe. En regardant ses vidéos, ça m’a donné envie. » Quand on demande si elles font un sport masculin, Ilayda a un cri du cœur : « Je n’ai pas regardé si c’est un sport de garçon ou de fille, ou quoi... J’y suis allée ! » « C’est un sport pour tous ! » renchérit Katty. « Moi, avant de m’inscrire, j’hésitais entre la danse et la boxe ! J’ai fait de la danse, je n’ai pas aimé. Alors je me suis inscrite à la boxe. » De fait, sur la vingtaine de boxeur-euse-s présents à l’entraînement, presque la moitié sont des filles. Selon Ahmed Kerrar, sur une quarantaine de licencié-e-s au club, il y a une quinzaine de féminines. Le club accorde beaucoup d’importance aux études et aux comportements. Derrière un côté soupe au lait qu’il cultive, Tonton cache un grand cœur tout mou. Qui le fait s’impliquer pour la réussite de ses protégé-e-s, dans la boxe comme dans la vie. Tous ses élèves doivent ainsi lui apporter leurs bulletins scolaires. Gare à celles ou ceux qui brilleraient à la salle, mais décrocheraient à l’école! Tonton, faut pas l’énerver... C’est sûrement ça qui fait qu’Ahmed est le « Tonton » de beaucoup ici. Ilayda, Katty et Lassana sont l’exemple de ce que produit l’exigence d’Ahmed. « Avec la boxe, j’aimerais bien passer pro, espère Lassana. Et si je peux faire les Jeux olympiques, ça serait bien ! Après, je ne vois ma voie que dans le sport. Mais je continuerai mes études, ça c’est sûr.» Katty a l’ambition sportive d’«aller le plus loin possible ». Mais hésite encore sur ses choix d’avenir professionnel. Ilayda trace sa route. Elle veut devenir professeure d’éducation physique. « Dans la boxe, j’aimerais aller le plus loin possible. Et si je peux, jusqu’aux Jeux olympiques... » « Avec Tonton, il y a une sorte de pédagogie qui pousse à aller au bout », résume Lassana. Rendez-vous en 2024 ?
Texte : Philippe Caro ; photo : Léa Desjours