Une professeure du lycée Jacques-Brel donne son avis après les annonces sur les épreuves du bac par Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation nationale. En attendant, les enseignant-e-s assurent la poursuite de leur mission pédagogique.
Que pensez-vous de la validation du baccalauréat par le contrôle continu décidée par le gouvernement ?
A titre personnel, je ne voyais pas trop d’autre solution se profiler. Cela vaut mieux que l’annulation pure et simple de toute forme de diplôme du bac. Des jurys se réuniront pour évaluer les élèves et donc ce ne seront pas juste des calculs mathématiques de moyenne brute. Cela peut permettre à des candidats motivés, mais qui n’ont pas de très bonnes notes, d’obtenir les points nécessaires pour passer le seuil près duquel ils se trouvent. J’aurais trouvé très pénible qu’on leur annonce qu’ils devraient passer leurs épreuves écrites en septembre, parce qu’une année est déjà longue.
Que pensez-vous de la perspective de travailler en juin et jusqu’au 4 juillet, voire à partir de début mai, une hypothèse avancée par Jean-Michel Blanquer ?
D’après les spécialistes, le pic de l’épidémie n’est pas encore arrivé et il ne s’agit pas de sortir du confinement au lendemain de celui-ci. L’annonce est donc un peu optimiste. Les précautions prises par le ministre confirment son caractère assez hypothétique. On parle d’un déconfinement progressif. Or, nous sommes, en Ile-de-France, et surtout en Seine Saint-Denis, très sinistrés par le virus du fait notamment de la faible présence de structures médicales. Je ne vois pas comment à La Courneuve, les établissements pourraient ouvrir en premier. Sinon, si on ne peut pas revenir à l’école en mai et en juin et qu’il n’y a pas de 3ème trimestre, ce sera donc dur pour les élèves, car on sait que beaucoup d’élèves se « réveillent » à la fin de l’année…
Le gouvernement annonce une souplesse dans la notation du bac, notamment pour les élèves ayant moins que la moyenne…
Cela a toujours existé. Le total des points se calcule en centaines : on multiplie chaque note obtenue par son coefficient et on additionne toutes les notes obtenues. Mettons que sur 450 points, il faut en obtenir 225 pour passer. Si vous obtenez 200 points, vous pouvez tenter le rattrapage. Or, dans ce cas, nous examinons parmi ces 25 points s’il n’y a pas trois enseignants qui peuvent vous ajouter un point. Avec le jeu des coefficients, cela vous octroie 25 points et vous passez. Si l’on conserve un examen national - ce qui n’est plus le cas avec la réforme -, la souplesse est permise par le couplage entre épreuves nationales écrites et réajustement sur la base du dossier.
Comment la continuité pédagogique est-elle assurée pour les élèves du lycée Jacques-Brel ?
Certains enseignants donnent des cours par visioconférence une ou deux heures par semaine. En ce qui me concerne comme professeure principale, j’ai essayé d’organiser un planning pour que les élèves et les enseignants aient leur vie simplifiée, à raison d’un jour par matière. La charge est lourde, avec les cours, le travail administratif, la réception des documents d’élèves sous différents formats, parfois les problèmes de connexion, de matériel qui ne fonctionne pas toujours, etc. J’ai ainsi 150 élèves, donc 150 réponses à fournir. Les écrits ne sont pas notés ou alors à titre indicatif pour s’assurer que les élèves comprennent le cours et les documents. On doit repenser notre pédagogie pour que ce qu’on leur donne soit compris.
Propos recueillis par Nicolas Liébault