Les Courneuvien.ne.s confiné.e.s

Publiée le 31 mars 2020

Les Courneuvien.ne.s confiné.e.s

Courneuviens confinés

Illustration : Farid Mahiedine

 

-Jennifer Camara, fondatrice de l'association Une étincelle d'espoir pour Soan

« Tout m’est arrivé en même temps », lance Jennifer Camara, mi-ennuyée mi-amusée. « Tout », c’est sa sortie d’hôpital après la pose d’une pile cardiaque ; l’arrivée du récépissé de déclaration de création de son association destinée à améliorer le quotidien des enfants malades et/ou en situation de handicap, Une étincelle d’espoir pour Soan, et le confinement décrété par le président de la République.

La Courneuvienne de 34 ans est une « enfant Dépakine », du nom de ce médicament antiépileptique que sa mère a pris pendant sa grossesse sans avoir été informée des risques encourus par le fœtus. Vascularites, douleurs chroniques, fatigue, troubles cardiaques… Malade et en invalidité totale, Jennifer Camara doit aussi vivre avec les effets de la Dépakine sur ses 3 enfants, atteints de problèmes de santé et de troubles des apprentissages (troubles dys). L’association porte d’ailleurs le nom de son fils cadet, qui fait des hypoglycémies récurrentes. « Les médecins ne savent toujours pas de quelle pathologie Soan souffre, explique-t-elle. Avec l’association, je voudrais récolter des fonds pour financer la recherche médicale et la prise en charge des maladies rares et faire de la sensibilisation et de l’accompagnement autour des troubles dys. Il y a plein de familles qui sont perdues, qui ne connaissent pas leurs droits ni les démarches à effectuer, qui ont besoin d’être orientées vers les professionnels de santé adaptés. »

Même si elle n’est pas du genre à se laisser abattre, Jennifer Camara raconte un début de confinement compliqué. « Je n’ai pas trouvé d’infirmière à domicile pour faire les prises de sang et l’ablation des fils après mon hospitalisation, alors j’ai dû monter et descendre dix étages à pied plusieurs fois pour aller au CMS et au laboratoire médical parce que l’ascenseur était en panne. Et je n’ai pas obtenu d’aide-ménagère. » C’est donc elle qui fait les grosses courses pour la famille en voiture, son mari n’ayant pas le permis.

Depuis le 16 mars, la parente d’élève élue au collège Jean-Vilar fait aussi la classe à la maison. « Primaire, collège et lycée : j’ai les trois niveaux ! C’est un peu difficile, heureusement que mes enfants ont une certaine précocité intellectuelle », rigole-t-elle avant d’évoquer aussi l’absence d’imprimante et les problèmes de connexion internet. Malgré ces difficultés, elle n’a pas l’intention de remettre ses enfants à l’école dans les semaines à venir. « On ne peut pas prendre le risque de ramener le virus à la maison : Soan est fragile et je suis fragile. »

Entre ses problèmes de santé, l’éducation et le suivi médical de ses enfants et les démarches liées à l’association, Jennifer Camara a trouvé encore le temps d’aider aux distributions de fruits et de légumes proposées par la Ville. « J’ai toujours été très active, j’ai besoin de me bouger et de faire des choses ! Et je veux transmettre le sens de la solidarité et de l’entraide à mes enfants. »

Texte : Olivia Moulin

Jennifer Camara

-Sarah Picarle, comédienne

« Je suis comédienne et j’aurai dû être intermittente là en juin, mais malheureusement avec le confinement ça ne va pas être possible. Au-delà de ça, ce confinement, je le vis très bien. Je considère que je suis extrêmement privilégiée : je vis avec mon conjoint dans une petite maison et j’ai un accès à l’extérieur avec une petite cour. J’ai la chance de toujours vouloir créer, je ne suis jamais en manque d’inspiration : j’écris, je travaille des textes, je fais des exercices de voix, etc. Je prends vraiment ce temps pour moi. Aussi, en tant que femme, je me sens plus libre des injonctions de la société : je n’ai pas porté de soutien-gorge depuis le début du confinement excepté pour le sport, si je le fais c’est pour moi. Je pense que c’est aussi important de « s‘ennuyer ». Avec les réseaux sociaux et de manière générale dans notre quotidien, on est tellement pris dans notre routine et assommé par l’injonction d’être productif, qu’on n’oublie d’être nous. Ce confinement c’est un excellent prétexte pour requestionner le système dans lequel on vit. Si je pouvais faire ce que je voudrais, là maintenant, c’est de la permaculture ! »

 

Propos recueillis et photo : Natacha Lin

Sarah Picarle

-Djamel Mahiedine

« On a découvert que j’étais diabétique il y a deux ans. En mars, j’ai été mis en observation à l’hôpital Avicenne durant quelques jours pour réguler mon diabète. C’était au tout début du confinement. J’ai d’abord été placé dans une chambre individuelle, mais quand les gens atteints du Covid sont arrivés, on m’a installé dans une chambre avec une autre personne, obèse, et les WC étaient cachés par un paravent. Depuis que je suis sorti, je suis suivi par téléphone par mon médecin.

J’habite à Renoir et au supermarché le plus proche de chez moi, il manque beaucoup de produits. J’ai une alimentation adaptée, sans sucre. Je mange beaucoup de légumes, de céréales, du poisson. Je me déplace à pied, et là je peux vous dire que je fais des kilomètres ! J’évite le tramway parce que tout le monde ne respecte pas la distance d’un mètre. J’ai essayé plusieurs fois de me rendre à l’hypermarché de Drancy, mais la file d’attente est interminable.

Ce matin, je suis sorti à 9 heures ; rien que pour les courses et les médicaments à la pharmacie, ça m’a pris trois heures. Une fois, j’ai attendu quatre heures devant La Poste, juste pour déposer de l’argent. Ce jour-là, j’ai été contrôlé par la police municipale… Je sais que je peux compter sur la famille, mais je ne veux les solliciter qu’en cas de besoin. »

Propos recueillis par Joëlle Cuvilliez ; photo : Farid Mahiedine

Djamel Mahiedine

-Mathieu Carmel, animateur

"Avant le confinement, je devais passer un diplôme pour devenir directeur d’accueil de mineurs. En tant qu’animateur périscolaire vacataire, mon but était d’avoir mon diplôme avant l’été afin d’exercer directement après. Là, tous mes projets sont en pause. C’est vrai que cette période particulière nous permet de découvrir des personnes, des activités. Par exemple, je fais de la musique avec mes voisins, c’est quelque chose que je n’aurais jamais eu le temps de faire en temps normal. Seulement, passées les deux semaines de confinement, on s’ennuie vite ! J’ai l’impression d’être en liberté surveillée. Il ne faut pas dépasser une heure de sortie dans un rayon de un kilomètre. Je me fais aussi contrôler plus qu’à l’accoutumée à cause de ma couleur de peau. Le 11 mai, c’est comme une lueur d’espoir. Mais je ne me fais pas d’illusion, car comment le corps enseignant et le personnel périscolaire vont-ils être protégés et protéger les enfants ? Dire à un élève de CP de ne pas faire un câlin à son copain qu’il n’a pas vu depuis deux mois, c’est assez compliqué". 

Texte et photo : Natacha Lin
 

Mathieu Carmel

-Annie Vibert, retraitée, 73 ans

C’est un cadeau qu’Annie Vibert n’aurait peut-être pas eu sans cette crise sanitaire : le chanteur Gims, son « chouchou depuis toujours », a réagi à la mention qu’elle a faite de lui lundi 13 avril dans Le Parisien. « Il m’a remerciée personnellement sur internet ! Ses chansons, c’est mieux que des chansons de vieilles ! » Courneuvienne depuis 1972, elle a raconté au quotidien national son confinement dans l’appartement qu’elle occupe place François-Villon. « Je suis enfermée toute seule chez moi depuis le début ! Je tiens le coup, on n’a pas le choix de toute façon, mais je commence à trouver ça long. »

Alors pour s’occuper, elle passe du temps au téléphone avec ses copines et ses proches, fait « beaucoup de tricot », joue sur son ordinateur et sa console et voudrait se remettre au jardinage. « Je ne peux pas m’occuper de mon petit jardin comme je voudrais : d’habitude à cette époque, je plante des pieds de tomates cerises, mais je n’en ai pas, explique-t-elle. Ma fille Angélique pourrait aller m’en acheter à Truffaut si le magasin rouvre vraiment. Mon jardinet, c’est mon petit cocon ! Mon jasmin est en fleurs, ça sent bon, mon cerisier aussi. » C’est Angélique qui lui fait et dépose ses courses quand c’est nécessaire. « Il y a aussi ma petite voisine qui propose toujours de me prendre quelque chose quand elle sort. »

Malgré le confinement qui s’éternise, pas question pour cette hyperactive de se laisser aller. « Je ne reste pas en pyjama toute la journée ! » Exercices physiques et vélo d’appartement, horaires de lever et de coucher bien réglés, rendez-vous à sa fenêtre chaque soir à 20 h pour rendre hommage aux soignant-e-s… Annie Vibert garde un rythme et le moral, même si sa famille lui manque. « J’ai quatre grandes petites-filles et deux petits-enfants de 18 mois, des jumeaux, ils commencent à faire plein de trucs que j’aurais aimé voir en vrai. Vivement que ça se termine quand même. »

Olivia Moulin

Annie Vibert

-Nadia Mahiedine

"Depuis le début du confinement, un certain nombre de services ont été perturbés. J’ai rencontré un problème pour retirer de l’argent aux distributeurs de La Poste centrale pendant deux semaines. J’ai un livret A et je ne peux pas aller ailleurs qu’à La Poste pour y avoir accès, mais l’agence était fermée. J’ai pensé aux gens qui n’ont pas de voiture, à ceux qui doivent rester confinés, aux personnes âgées notamment. Ça a dû être compliqué pour elles. Je me suis aussi inquiétée de ne plus recevoir de courrier.

L’antenne de la Sécurité sociale est fermée mais il n’y a pas de boîte à lettres extérieure ; on ne peut pas y déposer de documents. Comme je n’ai pas internet, je n’ai pas pu me connecter à mon compte Ameli et j’ai donc envoyé une lettre à la Caisse primaire d’assurance maladie. Je ne sais toujours pas s’il est arrivé à bon port".

Texte : Joëlle Cuvilliez ; photo : Farid Mahiedine

Nadia Mahiedine

-Nadia Mohammedi, couturière de passion et de formation

Masques

« En suivant l’actualité, j’ai très vite compris que le port du masque deviendrait essentiel pour protéger les gens »

Cette Courneuvienne, très engagée dans le milieu associatif de la Ville et la Maison pour tous Youri-Gagarine, a le cœur sur la main. Avant cette crise sanitaire d'envergure, elle ne se serait jamais imaginée confectionner autant de masques de protection. « En suivant l’actualité, j’ai très vite compris que le port du masque deviendrait essentiel pour protéger les gens contre le Coronavirus. J’ai commencé par coudre un masque pour mon mari, qui est chauffeur de bus ! Ensuite pour mes parents qui n'en trouvaient pas dans le commerce. Je me suis dit que porter un masque éviterait au moins d'envoyer/recevoir des postillons ou de mettre les doigts à la bouche et donc que ce serait utile ».

Mais pour Nadia, il fallait faire plus encore. Elle décide alors d'aider les professionnel.le.s, les soignant.e.s notamment, qui, d'après les informations, « manquent cruellement de masques ». Rapidement, Nadia contacte le Centre municipal de santé de La Courneuve. « Le CMS ne m’a pas répondu et j’ai vu lors de la venue du Président de la République à La Courneuve (ndlr : le 7 avril 2020) que les professionnel.le.s du CMS n'en avaient plus besoin. Tant mieux ! J'ai donc cousu une quarantaine de masques pour les aides soignant(e)s de l’hôpital psychiatrique de Neuilly-Sur-Marne, qui n'étaient pas du tout équipés ».

"J’ai travaillé sur un tutoriel « Coudre un masque en tissu » disponible sur YouTube"

En s'attelant à l'ouvrage, Nadia n'a pas pu s'empêcher de penser à toutes les couturières, comme « mes élèves » de l’association Tcouture&Cie et des structures où elle donne des cours. « Je me suis dit que d'autres pourraient également créer des masques pour des personnes qui en auraient besoin ! Alors j’ai travaillé sur un tutoriel « Coudre un masque en tissu » disponible sur YouTube. (voir ci-dessous). Aujourd’hui, mon association a énormément de commandes de masques pour la population du 93 et des départements proches. Je suis bien occupée ! J’espère pouvoir gérer au mieux cette demande et souhaite que nous n’en ayons plus besoin bientôt ».

En plus de cette activité chronophage, Nadia Mohammedi est confinée, comme le reste des Français.e.s, à la maison avec sa famille. « J’essaie de m’organiser au mieux avec les enfants. Au début je les réveillais tôt le matin, mais pour tout dire, les journées de confinement sont tellement longues que je les laisse maintenant faire la grasse matinée. Une fois levés, ils enchaînent avec les devoirs et de l’exercice physique. Mes enfants étant très sportifs, ils se dépensent sur le bout de terrasse dont nous disposons. On se rend compte que c'est vraiment une chance de pouvoir prendre l’air ! » Mais au 23ème jour de confinement, le moral n'est pas toujours au beau fixe. « Surtout lorsqu'au fil des jours, on apprend qu'un proche est touché par le COVID19 et hospitalisé. On prend des nouvelles régulièrement, mais l’inquiétude est forte. » Optimiste, Nadia se dit qu'au moins « ce confinement aura ‘’le mérite’’ d'avoir recentré les priorités de la vie, de nous rapprocher de notre famille et d'avoir passé du temps avec les enfants. Je pense que le retour à la vie normale ne pourra/ ne devra plus être comme avant et que tout le monde aura puisé du positif pour l’avenir... ».

Isabelle Meurisse

-Catherine Haslé, institutrice et auteure-compositrice-interprète

Créer pour résister

Institutrice et auteure-compositrice-interprète, Catherine Haslé a enseigné durant 37 ans à l’école élémentaire Henri-Wallon, saupoudrant ses enseignements de textes poétiques pour faire rimer lire, écrire et plaisir. Elle achève sa carrière confinée, mais en refusant de céder à la morosité. Pour preuve, les chansons qu’elle continue d’écrire, pour les offrir aux enfants et aux soignants.


Si ses journées ne ressemblent en rien à celles qu’elle vit d’ordinaire pendant le temps scolaire, elles sont en tous cas bien rodées. Catherine Haslé passe beaucoup de temps, chaque jour, à préparer les devoirs de ses élèves confiné.e.s. « Je les envoie tard le soir pour qu’ils.elles les aient le lendemain matin quand ils.elles se lèvent. On n’a pas le droit de donner de nouvelles leçons mais si le confinement se prolonge, je m’y risquerai peut-être, sur un ou deux points, pour avancer dans le programme… », explique-t-elle.
Elle corrige les textes qu’on lui renvoie et répond aux questions qu’on lui pose, envisage de continuer à donner des « petites choses à faire » pendant les vacances scolaires qui arrivent pour que les enfants restent occupés. Et s’inquiète : « Très peu d’enfants se connectent réellement, il y en a beaucoup qui risquent de se retrouver en rupture scolaire. Certain.e.s ne se manifestent pas et on ne sait pas s’ils.elles travaillent. Dans certaines familles, l’ordinateur est réservé aux grand.e.s qui sont au collège et au lycée. Parfois, il n’y a pas d’imprimante et les parents ne sont pas toujours en capacité d’assister les enfants dans le travail scolaire. En CE2, sans l’enseignant, l’autonomie est encore difficile. »

La chanson, une passion au service de l’éducation

Ce qui lui manque dans ce contexte hors norme, c’est la possibilité de chanter en classe. Car en dehors de la transmission du savoir, Catherine Haslé a une autre passion : l’écriture, la composition et l’interprétation de chansons (son répertoire en compte 350), un talent qu’elle a toujours mis au service de son métier. « Je ne peux pas vivre sans la musique et je m’en sers pour réagir face à ce qui se passe ! », s’exclame-t-elle. Avec son collègue Romain Canetta, elle a écrit 101 poésies pour tous les enfants, édité chez Hugues Facorat et 50 poèmes à vivre. Certaines de ces poésies ont été mises en chansons pour que ses élèves puissent profiter d’une activité chorale en classe. « Je suis allée pendant vingt ans au Conservatoire une fois par semaine avec les élèves, précise-t-elle. Le percussionniste Paul Mindy m’a appris le djembé, ce qui m’a permis de travailler le rythme avec les élèves. Cela a eu une incidence formidable sur leur concentration…. et sur la lecture ! » Elle vient d’écrire Vous êtes là ! qu’on peut écouter sur YouTube, vibrant hommage « aux blouses blanches ». Et, sur la page Facebook Des mots pour tous les enfants, ce message, comme un baume au coeur :

Catherine Haslé
Texte

Sortons nos mouchoirs,
Mais non pour nous soigner,
Pour simplement s’émouvoir
De ce que nous aurions manqué :

Une partie de carte, un Uno,
Durant lesquels on n’rit que trop ;
Des lectures sacrément magiques,
Nous offrant leurs petites mimiques ;
Des moments à les regarder
Se raconter devant leurs jouets.
Que de repas à partager
Que de matins à réveiller !
Période étrange qui nous dérange
Mais délicieuse avec nos anges !


Texte : Joëlle Cuvilliez

Chanson "Vous êtes là"

-Aneta Belgacem, habitant avenue Marcel-Cachin, employée dans une crèche halte-jeux

« Depuis le 16 mars, nous sommes confinés chez nous, mon mari, moi-même et mes deux filles. L’une est en grande section, l’autre en CM1. Nous sommes tous en bonne santé. Avec le confinement, ni mon mari, commerçant sur le marché, ni moi-même, employée dans une crèche halte-jeux, ne travaillons. Le premier jour, nous sommes sortis faire un tour d’un quart d’heure autour de l’immeuble. Mais ça n’était pas très intéressant, aussi les filles ont demandé à ne plus à sortir. Nous avions fait des courses pour trois semaines peu avant. Je me contente donc de passer acheter du pain et du lait. Je fais très attention : je sors en mettant des gants que je jette en me déshabillant à l’entrée de la maison. Et je pose mon manteau dans un sac à l’entrée.

Nous avons une journée type. Le matin, on se réveille et c’est le petit déjeuner pour les enfants. S’ensuivent les devoirs, mon mari et moi nous partageant les enfants. Nous sommes devenus leurs maître et maîtresse ! Après un peu de télé, je prépare le déjeuner avec elles. Puis elles se reposent un peu. Nous jouons ensuite à des jeux de société en famille. Je prépare le dîner et les enfants regardent la télé. Comme on ne peut pas sortir, c’était au début un peu dur pour les filles, mais on leur a bien expliqué pourquoi. Il y a aussi des moments difficiles, les chamailleries, les petites disputes. Je prends aussi des informations sur ce qui se passe autour à La Courneuve, sur ce que fait la mairie.

Au début, je croyais que c’était une grippe, mais maintenant on a peur que cela se propage et on ne sait pas quel public sera touché. On ne prend pas de risques car la plus petite est asthmatique. Dès qu’une mauvaise toux apparaît, on se demande ce que c’est. Le thermomètre ne suffit pas à savoir. On a peur que les enfants l’attrapent. Ensuite, il y a les bons gestes à enseigner. J’ai imprimé les gestes à faire pour le lavage des mains, on a collé cette feuille dans la salle de bains et les filles s’amusent à le reproduire. Quand ils seront autorisés à sortir, les gens vont continuer à faire attention. Il faudra du temps pour revenir à la vie d’avant. »

Propos recueillis par Nicolas Liébault

Aneta Zemsta

-Nadjia Madaladi : « Il faut rester debout, on ne peut pas baisser les bras »

Confinement oblige, Nadjia a bouleversé l’organisation de la maison pour prioriser le suivi du travail scolaire de ses enfants.

Elyes a 9 ans. A cette heure-ci, d’habitude, il est en classe à l’école élémentaire Henri-Wallon. Mais compte tenu du confinement, c’est chez lui qu’il suit le cours qu’a envoyé sa maîtresse par mail à sa mère. « J’arrive à faire mes devoirs à la maison, explique-t-il. Je travaille le matin jusqu’à midi, l’après-midi de 15h30 à 17 heures, sur l’ordinateur et sur les cahiers. Après je joue, on fait des jeux de société en famille. » Quant à son petit frère Oussaym, 5 ans, habituellement à l’école maternelle Paul-Langevin, en grande section, il ne semble pas désorienté par la nouveauté de la situation. « Moi aussi, j’ai des devoirs ! revendique-t-il. J’apprends à lire… avec personne », ajoute-t-il pour signifier que ses maîtresses ne sont plus là pour l’aider. Plus là physiquement, mais l’implication reste totale virtuellement : pour sa classe, un groupe WhatsApp a été créé pour que puissent échanger les maîtresses et les parents.

Le père a des problèmes de santé, alors Nadjia, la mère, s’improvise pédagogue avec beaucoup d’énergie. « Je ne m’occupe pas trop de la maison en ce moment, explique-t-elle. Je me focalise sur le travail des enfants. Ils prennent leur petit-déjeuner puis ils regardent l’émission CP-CE1 sur France 4. A 10 heures, je commence avec le grand. Je suis en lien avec la maîtresse qui suit attentivement ce que fait mon fils, elle donne des conseils, s’inquiète de savoir si ce n’est pas trop dur pour lui. » Nadjia a préparé un jeu avec des feuilles sur les tables de multiplication. De temps en temps, quelqu’un en prend une et répond à la question posée le plus vite possible. Parfois, elle se heurte à des écueils. « Ils ont commencé les divisions et j’ai voulu apprendre à mon fils la méthode qu’on m’avait enseignée. Mais ce n’est pas celle de l’école… »

Des journées marathon imposées par la crise sanitaire

Pendant que les enfants apprennent et révisent, elle range la maison, prépare le repas. Il lui faut aussi faire les courses deux fois par semaine dans des conditions plus difficiles que d’habitude. Des journées marathon imposées par la crise sanitaire à laquelle elle fait face du mieux qu’elle peut. « C’est difficile, mais on n’a pas le choix ! reconnaît-elle. Les enfants sont un peu stressés, excités parfois. Alors, pendant la période de repos que je leur impose jusqu’à 15h30, on pratique des activités sportives proposées aux enfants sur YouTube. » Dans ces conditions, pas facile de continuer via Internet la formation qu’elle suivait jusqu’au début du confinement. « C’est dur, poursuit-elle, la voix voilée. Surtout quand je pense à ma mère, âgée, à ma famille qui est loin, à deux amies chères, dont l’une est à l’hôpital et l’autre confinée sans avoir le droit de voir ses enfants. Mais que voulez vous, il faut rester debout, on ne peut pas baisser les bras… »

Propos recueillis par Joëlle Cuvilliez

Nadja

-Samia Théry, retraitée, habitant au 34 avenue Henri-Barbusse

« Mon fils m’a rendu visite quand le confinement a été décidé : il est donc resté coincé dans mon appartement avec moi ! Nous sommes tous les deux en bonne santé. Ni l’un ni l’autre ne travaillons, moi parce que je suis retraitée, et lui parce qu’il est employé par une école dans le 18ème arrondissement qui pour l’instant est fermée.

J’ai eu de la chance d’être passée à la bibliothèque juste avant le confinement et j’ai pris une quinzaine de DVD. Je regarde un film tous les soirs. Je regarde aussi beaucoup le journal car je veux me tenir au courant. Hier, j’ai ainsi vu qu’un ancien ministre était décédé de cette maladie. Quand on entend ça, on a vraiment peur que ça arrive dans nos foyers, même si on est à la maison.

Je ne suis sortie que trois fois depuis le début du confinement. Ce matin, je suis allée au tabac pour mon loto. Le quartier est vide, mais il y a quand même beaucoup de jeunes qui se regroupent sur le terrain de foot ou dans les halls. Côté amende, ici il n’y a pas de contrôle : chacun se balade comme il a envie. En bas de chez moi, des gens s’assoient et papotent jusqu’à une heure du matin. Il y aurait besoin de plus d’encadrement.

Je passe des coups de fil dans la journée. J’ai un grand frère qui habite en Seine-et-Marne dont la femme vient souvent me voir. Là, elle reste chez elle mais elle me téléphone une fois par semaine. Une copine qui habite en centre-ville m’a aussi appelée par visioconférence ce matin pendant une demi-heure. On discute entre nous. Magali de la Maison pour tous Cesária-Evora m’appelle aussi une fois par semaine, pour prendre des nouvelles des adhérent.e.s. Sinon, je fais un peu d’exercice car j’ai été opérée des genoux. »

Propos recueillis par Nicolas Liébault

Samia Théry

-Annette Leininger, habitante du Vieux-Barbusse, retraitée

« Depuis le premier jour de confinement, je ne suis pas sortie. Mais je reste active ; dans la vie de tous les jours, je suis toujours occupée, je fais du cartonnage, de la mosaïque. Tous les jours, j’ouvre grand les fenêtres, je tourne autour de ma table dix minutes, assez vite, et puis j’ai attaqué le grand ménage de printemps. Aujourd’hui, j’ai nettoyé ma cuisine à fond. J’ai fait un planning. J’aime tricoter, j’en suis à mon deuxième pull. J’ai fait des chaussons aussi. Quand la crise sanitaire sera passée, au rythme où je vais, je vais pouvoir ouvrir une boutique de tricot ! Mon problème, c’est que je ne vais pas tarder à manquer de laine…

Demain, je ferai autre chose…

Je vis bien le confinement bien que je sois seule. J’ai du soutien, on me téléphone, le personnel de la Maison pour tous demande de mes nouvelles, envoie des messages, ça fait du bien. J’ai des amis qui m’envoient tous les jours des petites blagues. Heureusement qu’il y a Internet ! »

Propos recueillis par Joëlle Cuvilliez