Les 1001 vies du marché

Publiée le 1 déc. 2020

Les 1001 vies du marché

Marché

Durement touchés par la crise sanitaire et les confinements, les commerçant-e-s du marché des Quatre-Routes continuent pourtant de faire battre le cœur commercial de la ville. Et s’emploient, sous l’impulsion de la municipalité, à le transformer en un lieu plus attractif, écoresponsable et apaisé. 

"C’est 2 euros, Monsieur ! 5 euros les trois, garanti un an et un jour ! » Ce dimanche 29 novembre, Mohamed semble pousser une harangue habituelle sous le regard amusé des client-e-s postés devant son stand de chaussettes et autres produits textiles. Sauf que le vendeur brade les prix affichés sur les cartons, déjà tout petits, pour son retour sur la place Claire- Lacombe après quatre semaines de fermeture. Pendant le deuxième confinement, seuls les commerces alimentaires ou proposant la vente de graines, semences et plants d’espèces fruitières ou légumières étaient autorisés à rester ouverts au sein des marchés couverts ou de plein air. « Je vends moins cher pour vendre plus. Je dois faire rentrer des sous, j’ai plein de charges à payer et j’ai des enfants », explique Mohamed, qui va demander le Fonds de solidarité au titre du mois de novembre. Les pertes subies sont immenses pour les commerçant-e-s « non essentiels », mais aussi pour celles et ceux qui ont pu déballer leurs étals. « Il y a beaucoup de clients qui ne viennent que pour acheter des vêtements à l’extérieur et en profitent ensuite pour faire un tour à l’intérieur, précise Sahbi Mayoufi, qui vend des olives, des fruits secs et des épices dans la halle et préside l’association des commerçant-e-s du marché. C’est très dur pour les commerçants alimentaires, l’activité a tourné à 35-40 % par rapport à une situation normale. » Il espère un geste commercial de la société Lombard et Guérin, qui gère et exploite le marché en concession depuis 2013 dans le cadre d’une délégation de service public, sous la forme d’une exonération du droit d’abonnement. Une demande appuyée par la Ville, qui a adressé un courrier dans ce sens à Lombard et Guérin. Pour l’instant, la société délégataire réserve cette mesure aux commerçant-e-s visés par une fermeture administrative.

Améliorer la tenue  du marché


Même a minima, les vendeurs-euses sont contents de (re)travailler. « Ça me manquait vraiment, le contact avec les clients », glisse Fouzia, qui tient un stand d’habits et de foulards sur l’ave- nue Paul-Vaillant-Couturier. « J’adore ce marché, c’est beau, c’est propre, je trouve qu’il n’y a rien à y changer ! » s’emballe quant à elle Gabriela, employée à la buvette de la halle. En tout cas, il y a eu beaucoup de changements et il y en aura encore pour améliorer la tenue du marché. Hygiène, horaires de déballage et de remballage, sécurité, stationnement des véhicules… Le nouveau règlement intérieur adopté en conseil municipal en octobre et applicable dans les jours à venir prévoit des modalités de fonctionnement et d’organisation plus rigoureuses, mais aussi une prise en compte du développement durable plus poussée. La Ville compte ainsi, lors des prochaines réunions de la commission consultative du marché des Quatre-Routes, engager le dialogue avec les commerçant-e-s pour encourager l’utilisation de véhicules respectueux des normes environnementales, la mise en place du principe pollueur-payeur et la réduction des déchets à la source. Sur place, les biodéchets d’origines animale et végétale et les déchets bois et palettes sont déjà triés et le travail d’information et de sensibilisation continue pour supprimer les sacs en plastique à usage unique, interdits dans les commerces depuis 2017. Presque tous les commerçant-e-s de la halle sont passés aux sacs en plastique biosourcés (constitués en partie de matières végétales), biodégradables ou réutilisables (d’une épaisseur supérieure à 50 microns). Et les commerçant-e-s extérieurs ont jusqu’au premier trimestre 2021 pour se conformer à la législation. « C’est pas facile de changer les habitudes, admet Mohamed, mais ça va venir ! »

Textes : Olivia Moulin ; photos : Léa Desjours

Producteurs de saveurs

Commerçant marché
Texte

« Ma spécialité, ce sont les herbes », sourit Brahim en désignant fièrement les bottes de coriandre, de menthe et de persil qui embaument son étal. Installé dans la halle alimentaire depuis février, le maraîcher propose aussi en vente directe betteraves, poireaux, carottes, salades, brocolis et autres choux qu’il cultive dans ses champs à Chambly, une commune de l’Oise. Ces légumes locaux et de saison représentent une grande majorité de ceux qu’il vend, contre 20 % venant de Rungis. « C’est un peu plus cher, mais tout le monde dit que c’est meilleur ! » Sa présence sur le marché s’inscrit effectivement dans la volonté municipale de proposer des fruits et légumes plus frais et plus savoureux. Un souci partagé par les employé-e-s de la société Rodrigues & fils, basée dans les Yvelines, qui vendent aussi des produits en circuit court dans la halle. « Ça fait des années qu’on est là, mais avec le confinement, on n’a pas pu produire autant de légumes que d’habitude », précise Younes, le gérant. La fermeture des frontières au printemps dernier a empêché les ouvriers agricoles saisonniers, venus d’Espagne, du Maroc ou de l’Europe de l’Est, de venir travailler, et paralysé en partie l’agriculture française. Alors Younes attend 2021 pour régaler ses habitué-e-s avec des courgettes, des aubergines et des tomates récoltées sur les 20 hectares de l’exploitation. « Quand on a goûté à ces tomates, on ne peut plus en acheter ailleurs, confirme un client. Ça n’a rien à voir ! 

Commerçant marché

Rendre ce marché plus attractif

Le mot de Rachid Maiza, adjoint au maire délégué au cadre de vie, à l’hygiène, au marché des Quatre-Routes et à l’état civil.

« Le marché des Quatre-Routes, c’est une locomotive commerciale pour le quartier, pour toute la ville, mais aussi pour Aubervilliers, Drancy et Bobigny. C’est le plus grand marché populaire d’Île-de-France. C’est la raison pour laquelle on va poursuivre le travail engagé pour rendre ce marché plus attractif pour toutes et tous : les riverains, les habitants, les personnes de passage… L’arrivée des agents de police sur les Quatre-Routes, via le Quartier de reconquête républicaine, est une victoire que nous avons arrachée et qui va contribuer, sur le long terme, à l’apaisement de cette zone. En passant de 1 529 mètres de linéaires à 1 200 avec la mise en place de la nouvelle halle, on a réduit le périmètre d’activités du marché et amélioré ainsi la propreté et la circulation. On travaille maintenant à favoriser la transparence sur la gestion du marché et le dialogue avec les commerçants, à travers la commission consultative, qui existait déjà mais n’était pas structurée, et l’association des représentants du marché, qui vient d’être créée. On a besoin que les commerçants jouent leur rôle dans la requalification du marché. En lien avec eux et avec le délégataire, on veut améliorer la diversité et la qualité de l’offre, en proposant plus de produits issus de circuits courts et de l’agriculture biologique, et créer une véritable animation commerciale. » 

Marché des Quatre-Routes