Le mardi 29 septembre, le Conseil local de la jeunesse (CLJ) a invité les policier-ère-s du commissariat de La Courneuve au cinéma L’Étoile afin de dialoguer sur les violences policières à l’occasion de la projection du film Les Misérables, de Ladj Ly. Le débat a été vif et aussi très riche et les participant-e-s ont convenu de le poursuivre à l’avenir. Reportage.
Mardi 29 septembre, neuf policier-ère-s du commissariat et une quinzaine de jeunes du Conseil local de la jeunesse (CLJ) entrent en groupes distincts dans la salle du cinéma L’Étoile. Le débat est une initiative propre aux membres du CLJ dans le cadre de leur projet « Lutte contre les discriminations et les violences policières ». Ils ont monté et animent cette rencontre de A à Z. L’objectif pour Bakary Doucara, qui coanime le débat, est de dialoguer « sans intermédiaire, ni pseudo- expert » entre jeunes et policier-ère-s, « en prenant le recul nécessaire, afin d’enraciner dans le cœur de chacun une entière compréhension de l’autre mais, au-delà de ça, une réelle empathie ».
À l’issue de la projection du film Les Misérables, un dialogue s’engage, un peu décousu malgré la préparation d’une série de questions par le CLJ. La première est posée par une jeune : « Qu’avez-vous pensé de ce film ? Vous êtes-vous identifiés aux policiers montrés à l’image ? » Après avoir remercié le CLJ pour cette initiative, Marie Danion, la commissaire, énonce d’emblée: « Les termes de violences policières ne veulent rien dire : il n’y a que des violences légitimes et illégitimes, et le film montre des violences illégitimes. » Et de demander aux jeunes du tac au tac : « Et pour vous, à quoi sert la police ? » Ce qui fera dire à Malika Djeddou, membre du CLJ, avec tout autant d’allant : « Les termes de violences policières sont justifiés tant qu’ils dénoncent une réalité pour une partie de la population. » Et elle poursuit: « L’objectif de cet échange est que nous puissions obtenir des réponses à nos questions, et non des questions à nos questions. »
Un racisme systémique ?
Un débat s’ensuit sur le racisme systémique. « Le terme de racisme est trop fort », considère un major qui ajoute : « À l’accueil du commissariat, si on était raciste, on ne recevrait pas les victimes qui sont noires. » «Toute la police n’est pas raciste, nuance alors une jeune, mais pourquoi les bons policiers ne font-ils rien ? Pourquoi cette majorité reste-t-elle silencieuse ? » Face à la réaction d’un agent à cette question selon lequel « il y a aussi des policiers noirs », Bakary Doucara s’insurge : « Cela revient à dire “Je ne suis pas raciste, j’ai un pote noir” ! » Un autre membre du CLJ enchaîne : « Quand on parle de violences policières, on ne parle pas d’un acte isolé, mais plutôt d’un certain nombre d’actes récurrents. Sauf que, non seulement elles ne sont pas sanctionnées mais pire, elles interviennent avec le déni direct des hiérarchies. C’est cette série d’événements qui fait système et qui inscrit les violences policières dans un racisme systémique. »
Une jeune interroge les policier-ère-s sur le manque de formation des agent-e-s. Une policière tout juste sortie de l’école de police lui répond que celle-ci dure dix-huit mois et qu’elle vise à « cadrer justement le côté humain, avec des gestes techniques pour éviter les bavures ».
Face à un policier pour qui « on peut comprendre qu’on perde son sang-froid du fait des insultes continuelles », un jeune réagit vivement : « Non, on n’a pas à comprendre : un policier sait pourquoi il s’engage. Une violence policière est déjà une violence de trop. » « Le plus dur est de ne pas être soutenu par les habitants, si bien que l’on se recroqueville sur nous-mêmes », déclare la commissaire. Le débat s’achève sur l’idée de réitérer l’expérience, puis jeunes et policier-ère-s continuent à échanger devant le cinéma.
Texte : Nicolas Liébault : photos : Léa Desjours