Mercredi 5 février, trois nouveaux tunneliers, qui creuseront les lignes 16 et 17 du Grand Paris Express, ont été inaugurés, rue de Verdun. Ces lignes desserviront la gare de La Courneuve–Six-Routes, une gare qui ne faisait pas partie du projet de départ. Depuis, elle a bien fait son trou.
Pendant trois ans, il aura fallu batailler ferme avec le gouvernement pour que le super métro s’arrête à La Courneuve. En mars 2013 finalement, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault entérine ce choix. La bataille est gagnée ! Deux lignes: la 16 qui reliera Saint- Denis/Pleyel (93) à Noisy-Champs (77), et la 17, qui ira de Saint-Denis/Pleyel à Le Mesnil-Amelot (77), marqueront un arrêt à La Courneuve–Six-Routes.
Ces lignes seront creusées depuis l’ouvrage Verdun, situé entre les villes de La Courneuve et Le Bourget. À 45 mètres de profondeur, les tunneliers récemment inaugurés, Bantan, Dorine et Inès, grignoteront la terre sur 8,2 kilomètres au total pour créer les lignes 16 et 17. Le tunnelier Bantan, qui doit son nom à une femme pompier courneuvienne (lire portrait ci-dessous), parcourra 3,8 kilomètres. Il permettra de relier le tunnel à la future gare de La Courneuve–Six-Routes. Ce tunnelier sera mis en service au courant du premier semestre 2020.
Où en sont les travaux de la gare de La Courneuve ?
Débutés en avril 2018, les travaux de génie civil de la gare La Courneuve–Six- Routes se poursuivent. De février à août 2019, les murs souterrains ont été réalisés. Le creusement de l’espace intérieur de la gare s’achèvera au deuxième trimestre. Puis le radier (dalle épaisse constituant la fondation d’un ouvrage) sera réalisé, suivi des structures internes de la gare dès le troisième trimestre 2020.
Un tunnelier, trois actions
La roue de coupe, située tout à l’avant du bouclier, fore le terrain en tournant : c’est le creusement. Ensuite, il y a l’évacuation des déblais. Les terres grignotées sont alors remontées à la surface grâce à une énorme vis sans fin et au convoyeur à bande (une sorte de tapis roulant). Vient la dernière étape, enfin: la pose de revêtement du tunnel. Celui-ci est composé d’anneaux successifs. Sept voussoirs (un élément préfabriqué en béton armé utilisé lors de la construction d’un tunnel) forment un anneau. Ils sont acheminés par wagon depuis la surface jusqu’au berceau, qui emmène les voussoirs au bon endroit.
Textes : Isabelle Meurisse ; photos : Léa Desjours
Le Grand Paris Express en chiffres
- 2024 : premières mises en service des lignes du supermétro qui s’échelonneront jusqu’à 2030
- 200 : c’est le nombre de kilomètres de lignes de métro, essentiellement en souterrain
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68 gares, dont une à La Courneuve/ Six-Routes
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4 nouvelles lignes de métro: 15, 16, 17 et 18
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2 millions de voyageur-euse-s sont attendus chaque jour
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100 : un tunnelier fait cent mètres de long
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10 mètres de diamètre
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12 mètres/jour sont creusés par un tunnelier
Bantan Diarra, une femme d'ambition
À 36 ans, elle est sergent chez les sapeurs-pompiers de Paris. Bien que peu de femmes se lancent dans ce « métier d’homme », elle s’y sent comme un poisson dans l’eau. Son prénom a été donné au tunnelier par le Conseil communal des enfants.
En primaire, à l’école Charlie-Chaplin, elle se découvre une passion pour le sport. Son instituteur organise des matchs de basket-ball dans la cour. « J’aimais bouger, faire des trucs de garçons! Peut-être parce que j’ai grandi avec trois frères, je ne sais pas... » Adolescente, elle passe au volley-ball en club. Elle est plutôt douée. Une chose est sûre : elle veut devenir professeure de sport ou éducatrice. Mais ses notes à l’école ne l’encouragent pas dans cette voie. « Je n’étais pas une très bonne élève et on m’a clairement fait comprendre que pour obtenir une licence de Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), il me fallait de meilleurs résultats. » « Hyper déçue », elle décide, en 3e, pour le stage obligatoire en entreprise, d’intégrer le commissariat de police ou la caserne des pompiers de Paris pour une semaine. « Les pompiers m’ont tout de suite répondu. Je ne savais pas tellement à quoi m’attendre, mais je savais qu’il était hors de question que je passe une semaine derrière un bureau, à ne pas bouger ! » Bantan découvre alors que les pompiers sont des militaires. Et c’est un plus ! Elle a toujours été fascinée par l’armée. « J’adorais quand mon père me racontait son service militaire, ou quand on étudiait les guerres à l’école. Ce qui me plaisait, c’était ce sentiment de pouvoir sauver le monde. » Le stage lui plaît plus que prévu. Banco ! Elle deviendra pompier. Sauf qu’elle n’a pas encore de diplôme et surtout... c’est une femme. « Il n’y a pas de féminines chez les pompiers, lui dit-on. «Et ce n’est pas pour tout de suite ! » En attendant, elle passe son BEP Comptabilité / Secrétariat au lycée Arthur-Rimbaud. En même temps, elle s’engage comme pompier volontaire à la caserne de Gonesse. « J’ai séché pas mal de cours pour pouvoir prendre des gardes. J’ai quand même eu mon diplôme. Et surtout, j’ai pu voir concrètement ce qu’était le métier de pompier. J’ai adhéré immédiatement. Ils bougent, font tout le temps du sport, et surtout ils sauvent des vies. Il fallait absolument que je rentre chez eux. » Elle y parvient finalement en 2004. Victoire ! Son sentiment aujourd’hui ? « Ça n’a pas été simple au début. Les gars n’avaient jamais vu de filles dans une caserne. Noire de surcroît. On m’a parfois regardée comme une bête curieuse. Ils avaient des a priori. Mais j’ai prouvé que j’étais capable de faire le boulot, autant qu’eux. Grandir à La Courneuve et vivre avec trois frères m’a sans doute aidée. Je suis hyper fière de cette ville, j’ai grandi là, j’ai travaillé là, j’habite toujours là. Ma fille grandit là. Je ne compte pas en bouger. »