Marc Pélissier préside l’antenne francilienne de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT). Il analyse pour nous les conditions du retour dans les transports en commun de millions de voyageurs déconfinés.
Pensez-vous qu’avec les mesures prévues pour la protection des voyageurs-euses dans les transports en commun d’Île-de-France, leur sécurité est à même d’être assurée ?
Les mesures prises vont dans le sens de la protection des usagers, comme le port du masque obligatoire ou la désinfection des rames et des bus. Mais les risques sont potentiellement très importants. C’est un défi inédit. Des mesures existent pour qu’il y ait moins de fréquentation comme le recours au télétravail ou les alternatives par le vélo quand la distance n’est pas trop grande. À défaut, il reste que beaucoup de salariés ne peuvent changer leurs horaires que dans certaines limites. Pour la FNAUT, l’important est de revenir le plus vite possible à la desserte normale sur les lignes afin d’éviter la saturation du réseau.
Qu’en est-il par exemple de la situation sur le RER B ces derniers jours ?
Le RER B a connu des situations de charge beaucoup trop importantes par rapport aux règles de distanciation. Deux trains sont actuellement prévus relativement tôt, vers 5 h 30, après quoi il existe un « trou » de 40 minutes avant les prochains trains. Or, en temps normal, une douzaine de trains circulaient avant 6 h 15. Cela rejoint l’idée qu’il faut rapidement revenir aux amplitudes d’avant. Il a été conseillé aux voyageurs d’étaler leurs horaires d’arrivée et ceux-ci sont donc partis plus tôt. Ils se sont alors retrouvés avec beaucoup de monde… plus qu’avant le confinement !
Qu’est-ce qui explique que le réseau ne fonctionne pas à 100 % dès maintenant ?
Certains personnels sont absents, soit parce qu’ils sont malades, soit parce qu’ils ont un problème de garde d’enfants. D’où l’appui de la FNAUT aux transporteurs dans leur demande de considérer les enfants du personnel comme prioritaires pour le retour à l’école. Au-delà de cette situation, certaines rames garées depuis longtemps doivent aussi être remises en service. Enfin, il existe des problèmes dans les postes d’aiguillage. La SNCF ne parle d’un retour à la normale que début juin, ce qui semble un peu lointain. Mais Île-de-France mobilités souhaite monter en puissance et l’on sait déjà que le RER B va passer à 80 % de l’offre nominale à partir de mercredi. Elle était à 60 % en heure de pointe avant, ce qui est trop juste.
Que pensez-vous des attestations employeur exigées des voyageurs-euses pour pouvoir circuler sur le réseau de transports en commun d’Île-de-France ?
Il s’agit d’une vieille idée qui avait été déjà expérimentée de manière incitative, mais sans grand succès, pour les voyageurs se rendant à La Plaine-Stade de France afin de lisser les horaires. La mesure, cette fois-ci contraignante, est séduisante sur le papier et, vu la situation actuelle, on en comprend l’intérêt. Le problème est que les délais de mis en œuvre demandés sont très courts et les employeurs et salariés ont de la difficulté à s’organiser.
Le report vers le transport individuel ou collectif en voiture serait-il une solution ?
Cela ne peut constituer une solution durable. En temps normal, nous constatons déjà environ 300 km de bouchons en Île-de-France chaque matin et chaque soir. Si 50 % des usagers des transports en commun se déportaient vers le transport en voiture, les embouteillages seraient géants. L’usage de la voiture ne peut être qu’un dépannage ponctuel.
Propos recueillis par Nicolas Liébault ; photo : Olivia Moulin
Un retour à la normale « fin mai » pour la RATP et « début juin » pour la SNCF
Limiter l’usage des transports au commun au strict nécessaire, continuer à télétravailler quand c’est possible, sinon étaler ses horaires d’arrivée et de départ au bureau. Ce sont les consignes données aux Francilien-ne-s depuis le début du déconfinement et donc de la reprise du travail pour nombre d’entre eux et elles, lundi 11 mai. Ces consignes, doublées de l’obligation d’avoir une attestation employeur ou une autoattestation quand on emprunte les transports aux heures de pointe (entre 6 h 30 et 9 h 30 et entre 16 h et 19 h) et de porter un masque, doivent permettre d’assurer la distanciation sociale et la sécurité sanitaire sur le réseau géré par la RATP et la SNCF. Une gageure alors que l’offre ne sera pas rétablie à 100 % avant fin mai pour la RATP et début juin pour la SNCF.
Texte : Olivia Moulin