Akim Chir, aujourd'hui éducateur sportif et comédien, a vécu son enfance et sa jeunesse à La Courneuve, dans le quartier des 4000. Des salles de boxe aux piscines, en passant par les plateaux de tournage, il montre une capacité immense à vivre et à déclencher les émotions.
C’est dans un lieu chargé de souvenirs qu’il a donné rendez-vous: le centre culturel Jean-Houdremont. « Je vivais juste en face, dans la barre Renoir, et je venais souvent à l’espace John-Lennon, où il y avait beaucoup d’animations et d’activités culturelles: des concerts, des spectacles, des projections de films. C’était sympa, mais c’est plus tard que je me suis intéressé au théâtre et au cinéma », explique Akim Chir, à l’affiche de la série Validé. Première série consacrée au rap français, elle a battu des records de visionnages sur Canal+ au printemps dernier et reviendra en 2021 pour une nouvelle saison.
Adolescent, Akim Chir se prend de passion pour la boxe thaïe et atteint un certain niveau. Sans réussir à en faire son métier. «On ne pouvait pas en vivre à l’époque. Ce n’était pas très réputé parce que ça venait de banlieue, c’était considéré comme un sport de voyous. » Grand sportif, il se tourne alors vers la natation et décroche le Brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA), un diplôme qui lui permet de travailler comme nageur-sauveteur dans les piscines du 93 pendant les saisons estivales. En parallèle, il s’occupe de la sécurité et fait de la protection rapprochée sur des tournages, grâce à son ami Martial Odone, un autre Courneuvien déjà actif dans le milieu du théâtre et du cinéma. « Il m’a convaincu d’essayer le métier de comédien, pour pouvoir sortir un peu du cadre, être autre chose qu’un mec de banlieue. » Son ami lui parle d’un rôle encore vacant dans une pièce de théâtre, un rôle de… mec de banlieue. Akim Chir saisit quand même l’occasion. «Je ne me suis pas posé de questions, je ne me suis pas mis de barrières. » Il fait des essais et intègre, sans difficulté, « l’aventure ».
L’aventure tourne à la révélation. Les répétitions, l’esprit de troupe, la proximité avec le public, la remise en question permanente… Il aime tout. « Le théâtre, c’est extraordinaire ! Je m’amusais et je prenais du plaisir, une chose qui ne m’était jamais arrivée en dehors de la boxe.» Avec cette pièce, il tourne dans plusieurs théâtres et cafés-théâtres, dont la salle mythique du Splendid.
« Je ne me suis pas posé de questions, je ne me suis pas mis de barrières. »
La même année, en 2000, il fait aussi ses débuts d’acteur de cinéma dans le film La Squale, où il joue un… mec de banlieue. « Je croyais dur comme fer que ma carrière allait exploser ! » Mais après l’assignation à des rôles stéréotypés, il se heurte à une autre réalité du théâtre et du cinéma français : l’entre-soi. « C’est terrible, certains réalisateurs ont déjà leurs comédiens fétiches et d’autres donnent les grands rôles à leurs potes, constate-t-il. Tu peux être très bon et rester dans un tiroir pendant des années. Il faut faire la bonne rencontre.»
Sauf qu’Akim Chir n’est pas du genre à attendre que les choses se fassent ni à s’apitoyer sur son sort. Il prend ce qu’il y a à prendre au cinéma, « du bonus », et côtoie ainsi des « icônes » : les réalisateurs Luc Besson et Jacques Audiard, les acteurs Samy Naceri, Ethan Hawke, Daniel Auteuil... Et pour vivre, celui qui a obtenu deux Brevets professionnels de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS), l’un avec la mention activités aquatiques et de la natation et l’autre avec la mention boxe, travaille comme éducateur sportif à Paris et en région parisienne. Sans difficulté encore, il attire et capte l’attention d’un autre public, ses élèves. « C’est naturel pour moi de les faire rire tout en les faisant souffrir! Quand je donne des cours d’aquagym, par exemple, je vis le moment à fond, je suis dans l’instant présent et j’ai tout gagné quand mes élèves viennent me dire qu’avec moi, ils ont passé un bon moment. »
Séries, longs métrages, courts métrages, dont Rédemption et Flashback du Courneuvien Abraham Touré, « une belle personne » : ces derniers temps, Akim Chir enchaîne les projets. « C’est peut-être le moment où ça va partir, commente-t-il. La force, c’est de travailler et de croire en ce que l’on fait. » Et de rester aussi sincère, sûrement.
Texte : Olivia Moulin ; photo : Léa Desjours