4Keus, groupe de rap : "On espère que le mail ne sera jamais détruit"

Publiée le 10 févr. 2020

4Keus, groupe de rap : "On espère que le mail ne sera jamais détruit"

Portrait 4keus

Le groupe de rap courneuvien 4Keus ne connaît pas de répit. Il vient de sortir son deuxième album, Vie d’artiste, qui connaît un succès aussi foudroyant que ses précédents titres. Regards l’a rencontré.

Sur 4Keus, il y a tout ce qu’on sait déjà. La progression fulgurante de quatre jeunes rappeurs des 4000, Tiakola, Bné, Djeffi et Hk, une vingtaine de singles entre 2017 et 2020, le succès de Vois t’a vu alors qu’ils sont mineurs, suivi de O’Kartier c’est la hess, qui a fait 40 millions de vues. Un premier album, À cœur ouvert, suivi de Vie d’artiste, sorti le 3 janvier : quatorze titres, des sons dansants, un style personnel qui s’affirme. Et puis il y a tout ce qu’on aimerait savoir, même en temps limité. Si ça change quelque chose de devenir célèbre du jour au lendemain, par exemple. « Au début, on n’a pas senti la différence, maintenant ça commence, même si à La Courneuve, on ne le remarque pas. On habite toujours le mail de Fontenay et on n’a pas changé notre mode de vie dans le quartier. Il y a juste des trucs qu’on ne peut plus se permettre de faire maintenant. Il faut faire attention à l’image. » Parfois, quand même, il y a des gens qui viennent de loin parce qu’ils ont vu leurs snaps. Être quatre dans un groupe, ça suppose une certaine cohésion, beaucoup de travail, chacun à son poste, forcément. Mais quand on rappe, ça se passe comment ? « En studio, on écoute des prods, on commence des trucs, on pose le son, on fait du yaourt, les paroles viennent après. Chacun d’entre nous apporte son style. » Ils favorisent l’impro donc, à une précision près : « Si c’est Tiakola qui commence le son, il va nous mettre directement dans le délire. » Pour Vie d’artiste, ils ont collaboré avec Siboy, Niska, Leto, trois artistes, trois styles, trois personnalités. « Ils ont tous leur délire. Humainement, on est proches. On kiffe leur son. » Des moments intenses, aussi forts que leur meilleur sou- venir, leur passage à La Cigale, face à une salle pleine. Mille personnes. Maintenant que l’album est sorti, on imagine du grand repos ou peut-être, déjà, la mise en route d’un nouveau projet. « Pas pour le moment, il faut assurer la promo du disque. Ça veut dire beaucoup de presse pendant plusieurs mois. C’est pour nous, on est obligés d’y aller. Après, une belle tournée se profile. Un film, on y pense, ça reste dans un coin de notre tête. Pour l’instant, c’est la musique. » Une vie d’artiste, en somme, en attendant la vie idéale, qu’ils ne conçoivent pas sans vie de famille, celle qu’ils ont à construire. « Tant que la famille est heureuse, c’est bon ! On peut être bien sans le matériel. L’entourage, c’est important. »

 

"Le quartier, c’est comme un village, tout le monde se connaît" 

Ils développent l’idée, insistent sur les valeurs qui comptent à leurs yeux, la sincérité, la loyauté, pouvoir dire les choses sans se fâcher, compter les uns sur les autres. Sûrement pas le chacun-chez-soi-je ne-connais-pas-mon-voisin. « C’est ce qui fait la différence entre le quartier et Paris. Le quartier, c’est comme un village, tout le monde se connaît. » On aimerait savoir – actualité oblige – ce qu’ils pensent du mouvement contre la réforme des retraites. « On ne sait pas si on va l’avoir. On est à l’écart de la politique. On s’est toujours beaucoup débrouillés nous-mêmes. C’est sûr, il y en a pour qui c’est plus dur, qui galèrent. Le quartier aujourd’hui est devenu plus tranquille, il s’y passe un peu moins de choses. » Et puisqu’on en est là du sujet, on aimerait savoir ce qu’ils pensent de La Courneuve. En un mot. « Solitude. Historique. La vie. L’endroit qu’on préfère dans la ville, c’est le mail (NDLR : de Fontenay). On espère qu’il ne sera pas détruit. C’est là qu’on a grandi. Quand Ravel a été démolie, les gens pleuraient. Si on va en province, on ne dit pas qu’on est du 9.3., on dit qu’on est de La Courneuve. Même si, au fond, notre grande fierté, c’est qu’on vient des 4000. »

Propos recueillis par Joëlle Cuvilliez ; photo : Léa Desjours