Depuis deux ans, Pauline Saumade travaille au Centre de documentation et d’information du collège Jean-Vilar. Très attachée au milieu scolaire, elle s’emploie à faire du CDI un véritable lieu de culture et de détente. Féministe, elle cherche à créer pour les jeunes des espaces de liberté où s’exprimer sur le sexisme et l’égalité filles-garçons.
Professeure-documentaliste ? Pour Pauline Saumade, ce métier relève à la fois du paradoxe et de l’évidence. « Au collège et au lycée, je ne fréquentais pas le CDI régulièrement et j’avais surtout des commentaires comme “Bavarde” ou “Ne travaille pas assez” dans mes bulletins. Je n’avais vraiment pas le profil d’une future prof ! » Sauf que l’adolescente, scolarisée dans la Cité mixte Ferdinand-Fabre de Bédarieux, dans l’Hérault, se prend d’affection pour l’ambiance qui règne dans l’établissement. « On était très peu nombreux en classe et on avait d’excellentes relations avec les enseignants. Ces années-là m’ont donné la fibre pour le milieu scolaire. » Après des études en information et communication à l’université de Montpellier, elle se destine d’abord au métier de bibliothécaire et part à 24 ans à La Havane pour y gérer la médiathèque de l’Alliance française. « Ça m’a transformée. À Cuba, toutes les vérités qu’on croit avoir comprises sur le fonctionnement de l'île et de ses habitants peuvent être bouleversées du jour au lendemain par une nouvelle perspective. » À son retour, elle connaît quelques mois de chômage puis rejoint une association de réinsertion professionnelle. Une « très grande expérience humaine » qui ne la détourne pas de son objectif : elle repasse, en candidate libre, le Capes de documentation qu’elle avait raté au cours de sa licence et l’obtient. Affectée dans l’académie de Créteil, Pauline Saumade effectue son année de stage au collège Jean-Moulin de Neuilly-Plaisance avant d’intégrer Jean-Vilar, son « premier vœu ». « Quand j’étais stagiaire, j’ai rendu plusieurs fois visite à ma tutrice, documentaliste ici, et j’ai constaté que c’était un collège qui tournait bien, avec une équipe unie et solidaire. Enseigner dans le 93, c’est un acte militant : soit on part au bout d’un ou deux ans, soit on reste longtemps. C’est un vœu que je ne regrette pas du tout. » Sans regret, c’est quand même avec amertume qu’elle évoque la baisse des moyens humains, matériels et financiers attribués aux établissements scolaires de Seine-Saint-Denis. « Je crois que les élèves se savent victimes d’une grande injustice, mais qu’ils ne se rendent pas compte de la façon dont les choses se passent ailleurs. »"
"J’ai commencé à mettre en place des projets sur le sexisme et l’égalité filles-garçons à Neuilly-Plaisance. »
À ces élèves, Pauline Saumade s’efforce de proposer un « tiers lieu », un lieu de détente adapté à leurs goûts, en com- mandant par exemple des mangas et des bandes dessinées, dont ils sont de gros consommateurs, et un lieu de culture où développer esprit critique et ouverture culturelle, en fonction de problématiques qui lui semblent importantes. « Un CDI ressemble aux professeurs-documentalistes qui y sont. J’ai commencé à mettre en place des projets sur le sexisme et l’égalité filles-garçons à Neuilly-Plaisance et je me suis sentie confortée dans cette envie par les résistances rencontrées, notamment auprès des professeurs hommes. Quand on lance les jeunes sur ces sujets, on s’aperçoit pourtant qu’ils ont besoin de parler et d’échanger. » Elle poursuit donc cette mission à Jean-Vilar, où elle coordonne le dispositif départemental « Jeunes contre le sexisme » et vient de lancer un club de parole ouvert à tous les élèves de 4e et de 3e. « Même si les collégiens ont construit des schémas sexistes depuis la petite enfance, comme nous tous, ils sont un peu plus flexibles sur leurs croyances que des jeunes de 19 ans. C’est très facile de déconstruire les choses avec eux. » Forte de cette expérience, elle a décroché une place dans le très convoité et très sélectif Master Études sur le genre de l’université Paris 8. Son but : acquérir le bagage universitaire nécessaire pour répondre aux critiques et prendre du plaisir, aussi. « Je me suis beaucoup embêtée dans mes études, mais là, je m’intéresse vraiment à ce que je fais et je suis une bonne élève ! » Une démarche qui relève donc à la fois du paradoxe et de l’évidence.
Texte : Olivia Moulin ; photos : Léa Desjours