Morlaye Touré - « Tu peux devenir la personne que tu as envie d’être »

Publiée le 15 nov. 2019

Morlaye Touré - « Tu peux devenir la personne que tu as envie d’être »

Morlaye Touré

Morlaye Touré a transposé la rigueur apprise dans le monde du football professionnel à celui de l’entre-prise. À la tête de deux restaurants de cuisine africaine à Paris, il rêve de créer une chaîne d’alimentation internationale.

Difficile de ne pas repérer le néon qui illumine le restaurant où Morlaye Touré, son propriétaire, nous reçoit. Ses lettres rougeoyantes composent l’expression « Straight Outta Château d’eau». Inspirée par le nom d’un rappeur, la formule rappelle le lieu où Morlaye Touré a ouvert son premier restaurant, dans le Xe arrondissement. Un clin d’œil aussi aux quartiers populaires dont est issu le jeune entrepreneur au riche parcours, qui l’a mené au football professionnel puis à la cuisine africaine.
Né en 1984, Morlaye Touré fait sa scolarité à La Courneuve : école primaire Saint-Exupéry, collège Raymond- Poincaré, lycée Jacques-Brel. Son père, un comptable d’origine guinéenne, s’y est installé dans les années 1960, rejoint par sa mère. Ils habitent alors à la « Cité d’Inter », passage de la Croix-blanche. « Le secret de ma réussite, c’est cette famille très soudée », explique-t-il. Son frère jumeau, Abraham, a lui-même monté une boîte de production appelée Bankall Films et donne des cours de théâtre dans les établissements scolaires. L'école ne plait pas à Morlaye Touré, surtout passionné par le sport. "À l'âge de 16 ans, on m'a décelé un talent pour le football", raconte t-il. Il se lance et "signe" avec le club d'Aubervilliers en championnat amateur. Très vite, il intègre le circuit professionnel et tout s'enchaîne : l'Angleterre, Vitrolles, Toulon, l'Allemagne, le Canada... Ce parcours dure 10 ans, jusqu'à ses 29 ans, où après un précontrat avec un club canadien, il décide d’arrêter. Rétrospectivement, le monde du football lui apparaît « très difficile ». Il témoigne : « Quand on est jeune, on ne voit que les bons côtés du professionnalisme, mais beaucoup de gens galèrent. » « Ça marche au mental : soit on lâche tout, soit on serre les dents », ajoute-t-il. Cette expérience lui a appris la gestion du stress, la rigueur, la persévérance, le travail d’équipe, l’écoute, la concentration : autant de notions qui s'appliquent dans la vie de tous les jours. Sa chance : "Avoir participé alors que beaucoup de jeunes ne prennent pas de recul : ils ne se rendent pas compte que la carrière de footballeur est courte."

Sa chance aussi : avoir rencontré des personnes qui l’ont aidé à faire les bons choix. Un collègue lui a donné ce conseil : « Ici, en Amérique, si tu travailles fort et que tu réussis à économiser 50 dollars, tu peux devenir la personne que tu as envie d’être. » « Je me suis dit : bingo ! Je vais économiser cette somme-là et après je choisirai ce que je veux faire. »

«Je savais que je voulais créer ma propre société, mais dans quel secteur, c’était la grande question », se rappelle- t-il. C’est en allant manger dans un fastfood coréen à Montréal qu’il pense à adapter la nourriture africaine aux codes occidentaux. Revenu en France, il lance le 5 mai 2015 le restaurant Osè African Cuisine, surfant sur l’essor de la cuisine exotique. À partir de 2017, la progression est exponentielle. D’où un deuxième restaurant près de la gare Saint-Lazare. Sa force : tout est préparé devant les clients, en circuit court, vendu par un personnel souriant. Quant au prix, on peut manger pour 9 euros un repas complet. Maintenant fiancé et père de deux enfants, Morlaye Touré a toujours de l’ambition. Il compte ouvrir un troisième restaurant en 2020 à Paris mais aussi, plus tard, des restaurants en province, voire à l’étranger, « sur Times Square à New York ». « Les gens doivent se dire : manger africain, c’est manger à Osè », se prend-il à rêver. Il maintient le lien avec La Courneuve, ses parents y résidant encore et lui-même s’y rendant chaque semaine. « Ce que je suis devenu est dû à ce que j’ai appris à La Courneuve, reconnaît-il. Mes amis et ma famille m’ont permis de ne pas lâcher, d’aller au bout de mes idées. »

 

Texte : Nicolas Liébault ; photo : Meyer