La Marche des femmes et du peuple

Dans le monde entier, les femmes participent activement aux luttes politiques, aux grandes découvertes, aux mouvements artistiques. Elles sont pourtant les oubliées de l’histoire. Pour leur rendre hommage, la Ville a baptisé de leur nom ses espaces urbains : rue Frida-Kahlo, place Claire-Lacombe et square Maria-Montessori... Regards vous raconte l’histoire de la Marche des femmes sur Versailles qui a fait basculer le cours de la Révolution française les 5 et 6 octobre 1789.

En 1789, la misère et la faim sont le lot quotidien de la grande masse des sujets de Louis XVI et les caisses de la royauté sont vides alors que les privilégiés refusent de contribuer à les remplir. La monarchie décide alors de convoquer des États généraux : leur préparation donne lieu à la rédaction de 60 000 « cahiers de doléances ». Dans celui de La Courneuve, on peut lire : « Les habitants de la Cour-Neuve peuvent donc dire avec douleur (...) que l’excès des maux de la misère y épuise l’espèce humaine. » Ici, comme dans tout le pays, soufflent aussi l’espoir et la révolte. Un bouillonnement populaire et démocratique inégalé se développe dès le début 1789. Les États généraux se transforment en Assemblée nationale par le serment du Jeu de paume le 20 juin et, après les interventions populaires autour du 14 juillet, elle vote en août l’abolition des privilèges et la Déclaration des droits de l’Homme. Mais c’est grâce à l’intervention des femmes du peuple de Paris que ces décrets sont ratifiés par le Roi : le 5 octobre, elles marchent sur Versailles pour lui forcer la main et le ramener à Paris – lui et l’Assemblée nationale. Cette action en appelle d’autres. Durant toute la Révolution, elles seront du combat du peuple pour faire valoir ses exigences, à l’instar de Claire Lacombe, présidente du Club des citoyennes républicaines révolutionnaires, dont une place de notre ville porte désormais le nom. Des révoltes populaires s’étaient déjà produites dans le royaume avant 1789, mais il s’agit alors de bien autre chose. Un bouleversement sans précédent dans l’histoire du pays s’opère grâce à l’intervention du petit peuple des villes et des campagnes aux côtés d’une bourgeoisie révolutionnaire à laquelle il n’hésite pas à s’opposer pour faire entendre ses exigences. L’entrée en politique du peuple débouche sur l’abolition des privilèges et de la royauté, l’invention de la démocratie directe et représentative, et l’ouverture de droits aux secours publics en lieu et place d’une charité culpabilisante à l’égard des pauvres. À la face du monde, envers et contre tous les princes et défenseurs de l’ordre établi du vieux monde, en 1792, trois ans après l’ouverture des États généraux, la République naissait avec ses promesses de liberté, d’égalité et de fraternité.

Des avancées sociales à l’ordre du jour

Des choix fondamentaux furent ainsi effectués non sans heurts ni luttes populaires et débats contradictoires. Certains n’ont pas duré – comme les mesures de protection sociale – d’autres ont été remis à plus tard, comme l’école gratuite, mixte et obligatoire pour tous les enfants de 6 ans ou l’abolition de l’esclavage. Mais cette ambition transformatrice a laissé son héritage : on en perçoit encore les retombées dans notre système d’allocations pour les familles et les mères célibataires, ou le logement dans l’urgence des femmes seules. En célébrant ce 230^e anniversaire de la Révolution française, certain-e-s s’autoriseront peut-être à rêver à de nouveaux impossibles... possibles.

Aster Day