L'Angleterre est une histoire de famille

Publiée le 3 nov. 2025

L'Angleterre est une histoire de famille

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Texte

Depuis quarante ans, Hocine Mezmouk, 62 ans, et son frère Ali, 67 ans, gèrent le Restaurant d’Angleterre (ex-Café des sports), à deux pas de la gare de RER. Des mémoires du quartier.

C'’est mon frère Ali ou bien c’est moi…sinon, on ferme ! sourit Hocine Mezmouk, cogérant du Restaurant d’Angleterre, au 64, boulevard Pasteur, lorsqu’on lui demande qui le remplace pendant ses rares périodes de congés. Nous travaillons en famille et je considère que beaucoup de clients font aussi partie de la famille. » Entre 5h du matin et 21h, il sert habilement et rapidement les habitué·es et celles et ceux qui passent boire un café avant d’aller prendre leur train. Depuis son bar en zinc, Hocine Mezmouk connaît tout le monde et il est la mémoire vivante d’une famille et d’un quartier en mutation.

L’aventure a commencé il y a tout juste quarante ans. Quelques mois après son arrivée en France, en 1985, Hocine Mezmouk achète avec son frère le Café des sports de La Courneuve. À l’époque, les usines sont nombreuses et les plats copieux servis au déjeuner (français et algériens) font le bonheur des ouvrier·ères et des voisin·es. Les processus sont bien huilés : « Ali cuisine très bien et je m’occupe du comptoir et fais le service », raconte Hocine, l’œil rieur. La formule prospère ainsi jusqu’au début des années 2020, lorsque les fermetures d ’entreprises – en particulier de la grande usine métallurgique KDI – entraînent une baisse notable des couverts et incitent les deux frères à se recentrer sur le bar. Sans pour autant baisser les bras. Car le Restaurant d’Angleterre est étroitement lié à l’histoire de la famille Mezmouk. « Le nom surprend parfois, vu que l’on ne parle pas anglais, s’amuse Hocine Mezmouk. Mais il y a toute une histoire derrière. » Celle-ci remonte à la décennie noire – la guerre civile algérienne dans les années 1990. 

En 1996, le Restaurant d’Angleterre algérois, propriété du père d’Hocine et Ali Mezmouk, a en effet été soufflé par un attentat à la voiture piégée. Celui-ci, le premier d’une série lugubre touchant les lieux dont la clientèle était internationale, visait le bel immeuble typique des années 1930 de l’Hôtel d’Angleterre, sur le boulevard Mostefa-Ben-Boulaïd (ex-boulevard Bugeaud). Il n’a jamais été reconstruit. « Nous avons rebaptisé notre établissement courneuvien en hommage au restaurant de notre père, qui a vécu à La Courneuve entre 1945 et 1961 avant de repartir en Algérie, explique cet homme affable. Cela lui a fait très plaisir. Pour nous, c’est aussi une partie de l’histoire de la famille que nous avons replantée ici. »

Le terreau est propice, si l’on considère les éloges des client·es réguliers, comme Djamel. Il devrait être encore plus fertile dans les mois et années à venir. « Je pense que l’arrivée de la gare du Grand Paris Express, tout près d’ici, et la construction du nouveau quartier du Centre-ville vont dynamiser tout le secteur de la gare », pronostique Hocine Merzouk, qui vit avenue Jean-Mermoz et ne voit aucune raison de quitter cette ville où vivent ses cinq enfants et ses deux petits-enfants.


Texte : Christophe Dutheil ; photo : Léa Desjours