De l’air pour tous

Publiée le 3 juin 2019

De l’air pour tous

ZFE

Pour lutter contre la pollution de l’air, une zone de faibles émissions (ZFE) va interdire la circulation des véhicules les plus polluants sur le territoire délimité par l’A86. La municipalité appliquera cette mesure à partir de 2021 pour accompagner les habitant.e.s vers la transition écologique.

On étouffe ! La pollution de l’air que l’on respire est un problème majeur de santé publique à l’échelle de la planète, particulièrement dans les grandes villes. De nombreuses études d’organismes officiels et d’associations environnementales convergent pour démontrer ce désastre sanitaire ; une perte d’espérance de vie pouvant dépasser deux ans dans les villes les plus exposées(1), une explosion des maladies respiratoires et cardiovasculaires, un nombre croissant d’enfants souffrant d’asthme et d’allergies, des naissances prématurées…

La pollution de l’air n’est pas une catastrophe naturelle mais produite par l’activité humaine – et surtout par le trafic routier pour l’agglomération parisienne. Depuis 2008, l’Union européenne a établi des limites légales de concentration de polluants dispersés dans l’air ambiant, pour protéger la santé des populations. La France est restée une mauvais élève et, malgré une baisse globale de la pollution mesurée, dépasse toujours les valeurs limites dans quatorze zones géographiques (en 2018 par exemple, la concentration de dioxyde d’azote (NO2), un gaz très toxique généré surtout par les moteurs des véhicules, était deux fois plus élevée, en moyenne annuelle, dans l’agglomération parisienne que la valeur limite européenne).

Après des années d’avertissements, la Commission européenne a tapé sur la table en mai 2018 en renvoyant la France devant la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect des normes de qualité de l’air, avec la menace d’être condamnée à une lourde sanction financière si ne sont pas engagées rapidement des actions efficaces pour mettre un terme à cette situation aussi vite que possible.

C’est dans ce contexte que les élu-e-s de la Métropole du Grand Paris – qui regroupe Paris et les 130 communes des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne – ont voté en novembre dernier le principe d’une zone à faibles émissions (ZFE) à l’intérieur de l’anneau formé par l’A86 (hors A86 elle-même), sur un territoire regroupant 79 communes.

Il s’agit de limiter progressivement l’accès de cet espace aux véhicules les plus polluants, sur le modèle de ce qui est déjà en place à Paris, pour interdire définitivement la circulation à tous les véhicules thermiques à l’horizon 2030. Pour circuler dans la ZFE, une vignette Crit’Air (lire ci-contre) est nécessaire sur le pare-brise. « Le principe est d’encourager la circulation des véhicules les plus propres, explique-t-on à la Métropole. La mise en place de la ZFE s’accompagne donc de dispositifs d’aides au renouvellement des véhicules. » La Métropole et l’État proposent en effet des aides financières pour remplacer un vieux véhicule par un véhicule « propre » (lire ci-contre).

La Métropole a décidé de mettre en place cette ZFE dès le 1er juillet prochain

À cette date, les diesels immatriculés avant 2001 (classés Crit’Air 5) ne pourront plus circuler du lundi au vendredi de 8 heures à 20 heures. En tous cas, dans les villes qui vont appliquer immédiatement cette mesure.

La municipalité de La Courneuve a choisi pour sa part de ne pas mettre en place ce premier volet de la ZFE au 1er juillet. « Il faut limiter les véhicules polluants, bien sûr, explique le maire Gilles Poux. Mais en agissant dans la précipitation, on ne peut pas construire les choses correctement et accompagner les habitant-e-s dans ce nécessaire changement. » « Posséder un véhicule polluant n’est pas un choix pour les habitants des communes populaires mais une contrainte face à l’absence d'alternatives efficaces en transports en commun ou à l’éloignement de leur travail du fait des prix exorbitants de l’immobilier parisien, argumente pour sa part Laurent Russier, le maire de Saint-Denis, qui a également décidé de pas appliquer la ZFE au 1er juillet. Une prime de 5 000 euros ne leur permettra pas d’acquérir de véhicules électriques ou hybrides qui coûtent a minima 25 000 euros. »

À La Courneuve, 10 % des voitures particulières, un tiers des camionnettes et la moitié des poids lourds ne pourraient plus circuler avec le premier volet de la ZFE

« Cela touche de nombreux ménages qui ont de faibles moyens et des petits artisans pour qui l’achat d’un nouveau véhicule est un projet de vie important », relève Alice Normand, responsable de la mission Quotidienneté et Développement durable à la Ville. « Pour que la lutte contre la pollution de l’air avance véritablement, il faut prendre le temps de préparer et d’accompagner les mesures, et ne pas punir celles et ceux pour qui c’est le plus compliqué. » 

L’objectif est d’intégrer la ZFE en juillet 2021, quand les véhicules Crit’Air 4 seront à leur tour interdits de circulation. « Cela nous laisse deux ans pour mettre en place des aides et des plans de conversion vers d’autres modes de déplacement, et chercher des solutions collectives à l’échelle du territoire », commente Alice Normand.

Car, pour l’essentiel, la solution face à la pollution n’est pas dans le portefeuille des Courneuvien-ne-s mais dans le déploiement de véritables politiques publiques : il s’agit d’inciter à la diminution du transport routier, en faveur des transports collectifs, des déplacements en vélo, du covoiturage, et d’un d’aménagement du territoire qui ne soit plus dicté par le principe de la voiture individuelle, toujours polluante d’une manière ou d’une autre.